vendredi 10 février 2017

Observatoire de lecture d'albums du 20 janvier 2017 avec Christian Bruel





Le 20 janvier, nous recevions pour notre observatoire (avec le soutien de l’Association départementale Lire et Faire Lire), Christian Bruel Éditeur, écrivain, concepteur d’albums, commissaire d’expositions, auteur d’études critiques, et formateur en littérature de jeunesse (cours, conférences, séminaires). Gilles Moreau intervenant lors des observatoires et Jean Pierre Clet président de Lire et Faire Lire Calvados étaient aussi présents.

Christian Bruel nous a rappelé que tous les albums sont porteurs de sens, parfois à l’insu de leur auteur et qu’ils reflètent des problématiques de leur époque. Il nous a donc invités à nous poser des questions. Un livre doit-il  (peut-il ?) convenir à tout le monde ? Peut-on s’autoriser la paraphrase lors des lectures? Faut-il rester fidèle au texte ? Notre humeur influence-t-elle notre lecture ? Les albums contemporains nous séduisent par leurs formes et leurs différentes possibilités de lecture, mais sommes-nous vigilants sur le contenu du propos ?

Quel livre, quel âge ?
En médiathèque, les lecteurs et lectrices nous demandent des livres pour une tranche d’âge. Christian Bruel nous invite à accompagner le lecteur différemment en l’invitant à lire tous les types d’albums sans se soucier de sur la tranche d’âge recommandée ; en revanche, il nous engage à prendre en compte le point de vue sur le monde qu’il sous-tend. C’est pourquoi Christian Bruel a multiplié les exemples de  titres susceptibles de nous faire regarder autrement les albums

Les albums et la politique
Le livre est un objet culturel qui propose des représentations sociales. En tant que tel  il peut devenir un enjeu de manipulation politique. Ainsi voit-on régulièrement les hommes politiques s’attaquer à certains livres de jeunesse :  en 2014 par exemple,  Jean- François Copé s’en prenait à « Tous à poil », de Claire Franek et Marc Daniau. Livre qui était sorti dans l’indifférence général et qui, paradoxalement, a vu ses ventes s’envoler suite à cette affaire. 

La famille et la sexualité
Dans le livre jeunesse, la famille est omniprésente, modèle et finalité. « Martine petite maman » devient d’abord une maman et non une femme épanouie. Pour s’adapter au goût du jour, « Martine petite maman » s’appelle désormais « Martine garde son petit frère » (de Gilbert Delahaye et Marcel Marlier) . 




Dans « Titou et Miquette »de Gunilla Wolde, petit album de 1974, introuvable aujourd’hui, des enfants jouent, construisent une tente et se déshabillent sans pudeur, innocemment. Aujourd’hui il n’y a plus de livres où le dessinateur représente des enfants qui se déshabillent par jeu. Le corps des enfants est devenu tabou, au point que toute représentation semble suspecte. La sexualité des enfants n’est d’ailleurs pas abordée, par crainte d’être suspectée de pédophilie, voire d’inceste.



« Poule rousse », un album  subversif ?
Christian Bruel nous propose de regarder un album hyper connu « Poule rousse » de Lida et Etienne Morel, sous des jours surprenants. L’adulte qui lit à l’enfant a toujours un projet derrière la lecture. La petite poule rousse est très ordonnée. Sous-entendu, « Range ta chambre, comme la gentille poule ! ».  Dans cet album, il y a un couple de renard atypique, la renarde est élégante, le renard énervé, et chose rare dans les albums ils n’ont pas d’enfants. D’autre part, le livre propose comme dernière image la représentation d’un couple féminin. La petite poule ne reçoit pas simplement son amie mais vit avec elle, d’ailleurs elle lave du linge et son amie la tourterelle est à l’étage- sans doute dans la chambre- avec des volets où sont dessinés des cœurs. Paul Faucher, fondateur des éditions du Père Castor, décédé en 1967, ne serait peut-être pas d’accord avec cette analyse, mais relisez « Poule rousse » et posez-vous des questions. 

Le petit chaperon rouge et ses versions
Si vous contez Le Petit Chaperon Rouge, vous ne mentionnez pas aux enfants où sont les symboles sexuels. Dans la version nivernaise l’enfant se déshabille, mais pas chez Perrault où le sexe du Petit chaperon Rouge demeure indéfini jusqu’à la chute : le loup la mangea . 


Max et les Maximonstres , un livre tout en nuance
« Max et les Maximonstres » de Maurice Sendak, une histoire sur la difficulté pour un petit garçon de vivre avec sa mère. Aviez-vous remarqué que le père n’était pas présent ? Sendak disait d’un album qu’il devait être cousu longuement et qu’on ne devait plus voir les fils pour finir. Chacun construit des hypothèses de lecture. Pour Max et les Maximonstres relisez- le et comparez la tente construite par Max et celle de l’île des monstres- repérez la forme des feuilles du début de l’histoire et celle de la fin. Remarquez l’image du monstre dessinée par Max dans le vestibule d’entrée. Interrogez-vous sur la quête de Max. Que représente le taureau ?

S’autoriser à la critique face aux enfants
« Les papas » de Catherine Dolto et Colline Faure-Poirée illustré par Frédérik Mansot , livre nul selon Christian Bruel. Avez-vous déjà lu un livre à un enfant et conclu devant lui : « ce livre est nul ? ».  L’enfant n’en croit pas ses oreilles. Or, dans le cas présent, le livre est mal écrit, le propos est niais et mal servi par l’illustration. 




Un joli livre pas féministe du tout
« Louve » de Fanny Ducasse. La présentation du livre par les éditions Thierry Magnier : … Tout en sensibilité, ce premier album de Fanny Ducassé est une bulle de fraîcheur et d’optimisme qui parle avec poésie du lien entre les êtres.
Les illustrations aux tonalités chaudes, fouillées à l’extrême, semblent s’intéresser aux millions de petits riens qui font la vie. Christian Bruel s’interroge sur la représentation de la femme hystérique, qui a des difficultés à se maîtriser et s’enflamme au propre comme au figuré. Un mâle va réussir à calmer ses « embrasements». Le propos n’est pas féministe du tout. La complexité de cet album, aux yeux Christian Bruel, interroge sur l’idéologie sous-jacente de l’album. 


Une réussite avec un titre ravageur « Ma culotte »
« Ma culotte » de Alan Mets Un régal, intelligent, espiègle, du plaisir pur. L’histoire d’un loup qui projette de manger un gigot avec sa fiancée. Un agneau étonnant qui dort malgré sa condamnation à mort et qui étonnement deviendra femelle avant la fin de l’histoire. A lire les doigts de pieds en éventail comme les héros de l’histoire. 




La vie et toutes ses nuances à partager
« Remue-ménage  chez Mme K » de Wolf Erlbruch.  Livre d’un auteur allemand. Le K incarne la trilogie de la vie d’une femme : Kirchen Kinder Kitchen (église, enfants et cuisine). Les enfants sont profondément gentils ils trouvent des excuses au papa. Mme K est dépressive. Le code gris représente l’imaginaire… Un livre très riche que chacun est invité à explorer avec sa sensibilité.

 

Déraper élégamment

« Tempête » de Sandrine Bonini et Audrey Spiry image de type figurative au début de l’album puis une société qui dégénère vers du non figuratif. Album à explorer.






Une thématique jamais abordée
« L’argent » de Marie Desplechin et Emmanuelle Houdart . Le texte est critiquable, mais c’est un livre qui aborde une thématique absente des livres de jeunesse.








Les autres livres cités de Christian Bruel
« Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon » on ne naît pas petite fille, on le devient









« Les chatouilles » un livre sans texte
« Ce que mangent les maîtresses » un livre non conflictuel

« Pas facile l’amitié » Texte de Christian Bruel, images de Ingrid Egeberg Réflexion sur la fragilité, la fugacité, la complexité de l’amitié. Un pied de nez à tous les livres qui font l’éloge de l’amitié.






 

« L’heure des parents » de Christian Bruel et Nicole Claveloux sur les structures familiales en pleine évolution. Il manque dans ce livre le père célibataire. 
« Petite musique de la nuit » avec Xavier Lambours où Christian Bruel nous explique la fabrication d’un livre avec des fauves …
« Mon grand album de bébé », un faux-vrai album de bébé très astucieux.


 
«D’ici là un genre d’utopie » Christian Bruel Katy Couprie Dystopie récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'elle empêche ses membres d'atteindre le bonheur. Des livres nommés ne figurent pas sur cette liste, la journée a été très remplie et nous sommes parés à lire "autrement" et surtout à venir échanger lors des observatoires de lecture. Le prochain aura lieu le Mardi 2 mai de 9h30 à 12h avec Gilles Moreau. En attendant, bonnes lectures!








































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