samedi 20 mai 2023

Atelier d'écriture du 13 mai 2023

Cette séance était concentrée sur les forêts, d'abord les sensations que l'on peut ressentir en se baladant en forêt, puis l'invention d'un personnage et d'une histoire autour. 



Nathalie

 

Me promener en forêt, c’est….

Me promener en forêt, c’est me sentir toute petite parmi les grands arbres, mes frères. Regarder leur tête, osciller avec eux et avoir le vertige.
Me promener en forêt, c’est sentir le vent sur mon visage, ouvrir les pores de ma peau. Respirer !
Me promener en forêt, c’est marcher sur la mousse qui reçoit mes pas, me sentir légère dans le silence habité du pépiement des oiseaux.


Description d’un personnage de la forêt.

Puis : Ce matin-là…

 

Elle ressemble à une femme, mais ne l’est pas vraiment.
Habillée de feuillages qui changent au gré de la lumière, ses cheveux de lierre descendent en cascade sur ses épaules évanescentes.
Elle porte avec elle les soucis ou autres secrets, les plaintes ou autres aboiements. Elle connaît le langage du vivant : qu’il soit homme, chien ou lichen. Elle entend et comprend.
Elle chante dans le vent.
Elle chatouille dans le pépiement des oiseaux.
Elle réconforte dans la mousse douce et spongieuse. 

Dans le monde des hommes, personne ne l’avait jamais vue, mais chacun en louait les bienfaits.

Ce matin-là, alors qu’elle était penchée sur une fourmilière en plein déménagement, elle sentit quelque chose la saisir.
Elle se retourna et vit un petit garçon aux longs cheveux roux, cartable sur le dos et genoux égratignés. « J’me suis perdu » dit le petit garçon en se mettant à pleurer. 

Jamais personne ne l’avait vue. Jamais personne n’avait pu la voir ni lui parler.
Mais ce petit garçon tout reniflant s’adressait à elle et la regardait timidement.
Elle ouvrit la bouche, et contre toute attente, des mots sortirent de sa bouche, des mots sucrés et réconfortants.
L’enfant les écoutait et s’en gorgeait.
Déjà, il était debout et lui avait pris la main. Elle se laissait faire, se laisser mener à travers la forêt.
Il lui racontait l’école, le concours de billes, son amoureuse, Rose, et aussi son grand-père à l’hôpital.
Le petit garçon n’avait plus peur. Il marchait d’un pas assuré vers l’orée de la forêt, tout en continuant de se raconter.

Il était maintenant loin ; elle ne pouvait le suivre, celui par lequel elle avait vraiment existé.



Hélène


... Me promener en forêt, c'est... :

"lâcher
Sortir de ma vie
Pour entrer dans La Vie
Méditer sur ma vie
Ne plus gérer, contrôler
C'est accueillir
Rêvasser
M'imprégner
De sa vie foisonnante
Mais discrète
Et lente
C'est me laisser surprendre
Ici et maintenant
Du minuscule à l'immense
Hors du temps
C'est me délecter
Ou me méfier
De ses offrandes
C'est me perdre
Pour me retrouver
Vigilance
Respect
Paix. "

 

... Inventer un personnage de la forêt... :

" un sourire accompagné d'un signe de la tête, nous nous croisons et poursuivons chacun notre chemin.
Il a accroché à son bras gauche un beau panier en osier, déjà bien fatigué.
Sa main droite, tenant un couteau à la lame légèrement courbée, se met à l'abri dans la poche avachie de sa veste en toile brune huilée.
Son regard s'est tout de suite redirigé vers le talus, le fossé.
Puis ses pas, lents, mesurés, avec ses croquenots boueux, l'ont conduit vers une petite allée, à peine tracée, entre les fougères et les ronces.
Légèrement voûté pour regarder par terre, il reste cependant grand et élégant. "

 

... Mais ce matin-là... :

" mais ce matin-là son panier restera vide.
Ses yeux suivent, un à un, des petits cailloux blancs, qui se succèdent, régulièrement sur ce sentier étroit.
Où vont-ils le mener ?
Il cheminé longtemps, lentement, rêveur et interrogateur, devant ces pointillés qui filent à l'infini, croit-il, voyant le temps passer.
Mais les rayons du soleil l'éblouissent.
Il arrive dans une belle clairière où, en son centre, les pointillés de cailloux blancs forment, maintenant, un beau grand cercle, bien rond, où trône une souche qui lui donne envie irrésistible de s'y asseoir.
C'est fait.
Les yeux fermés, les genou remontés pour s'y recroqueviller,
Il est parti,
Retrouver son enfance,
La douceur de sa mère,
Les leçons de choses de son père,
Les aventures invraisemblables avec son frère.
Son cœur est nostalgique de ce passé,
Mais il est aussi en paix,
Car ainsi sa vie s'est déroulée entre douceurs, découvertes, joies profondes dans la partage avec ceux qu'il a aimé.
Il sent bien qu'il a de moins en moins d'énergie.
Ce tourbillon de cailloux blancs va-t-il l'emporter pour l'éternité.
Il se sent happé,
Et ça lui plaît. "

 

 

Maïlys

 

Me promener en forêt, c’est mille odeurs qui se mélangent dans mes narines, le lichen, les feuilles, les animaux qui traquent, ceux qui observent. C’est sentir les rayons du soleil sur mon visage, à travers les branches. Ressentir le mystère de ces grands bonhommes majestueux, leur force, leur puissance. Se sentir tout petit et en même temps en harmonie. Poser les mains sur un tronc, laisser l’énergie tranquille me bercer. Observer une feuille se détacher, voltiger, se poser tout doucement.

Me promener en forêt c’est des souvenirs, quand j’étais petite, le dimanche, au bois de Saint Christophe. Promenade avec les parents, course à travers les arbres, aire de jeux dans la grande clairière. Rester immobile et respirer cet air pur. S’imaginer des petits lutins, des elfes, des fées, qui peuplent les légendes et les rêves.

Souvenirs d’automne et de printemps. De rouge, de vert, de fraises des bois et de champignons. Souvenirs d’aventure et sentiment de sérénité.

 

Marcel est un petit lutin très malin. Avec sa silhouette svelte, il se faufile partout parmi les racines, grimpe sur les branches. Il récolte du lichen et fabrique des lits pour les nouveaux membres de la tribu. Très discret, il n’a jamais été aperçu par un humain curieux. Ou peut-être une fois, où il est presque sûr d’avoir croisé le regard d’une petite fille qui cueillant des champignons. Il porte une salopette marron, assortie d’un petit bonnet de la même couleur. Il va rejoindre ce soir sa famille, dormir tranquillement à l’abri du chêne.

 

Comme chaque matin, Marcel s’est levé du bon pied. C’est son moment préféré, cet instant où les rayons du soleil viennent rencontrer sa couche de lichen. Il vit avec les saisons, se lève aux aurores l’été, hiberne une partie de l’hiver. C’est aujourd’hui le premier jour du printemps et les jours rallongent à vue d’œil, rien ne peut le réjouir davantage.

Aujourd’hui, c’est aussi dimanche. Le dimanche, il part faire sa cueillette de champignons tout frais et prépare un petit-déjeuner fastueux pour sa lutine et leurs trois enfants. C’est leur petit rituel hebdomadaire, et c’est aussi toute une expédition !

Pour trouver les champignons les plus goûtus, il doit s’aventurer loin de son terrain de prédilection. Il connait tous les coins de la forêt comme sa poche, mais s’éloigner c’est s’exposer aux regards indiscrets des promeneurs. Cela fait grand débat dans la tribu : les lutins ont toujours vécu cachés, mais certains rêvent de se dévoiler au grand jour. Marcel n’est pas de cet avis, pour vivre heureux, vivons cachés, comme on dit. Sa petite vie lui convient très bien comme ça.

Il enfile sa salopette marron, descend de son chêne, et c’est parti pour le grand tour ! Armé de sa brouette à cueillette, le voilà parcourant les sentiers, marchant d’un pas rapide et assuré, aux aguets du moindre bruit humain.

L’expédition se passe sans encombre, et il arrive enfin à son butin. Les champignons sont si beaux aujourd’hui ! Il hume l’air, s’en lèche déjà les babines. Allez, au travail !

Il ne l’a pas vue, mais pendant ce temps, une petite fille observe toute la scène. Allongés sur le ventre, parfaitement immobile, elle regarde le lutin s’affairer, couper les champignons, remplir sa brouette. Elle ose à peine respirer, n’en revient pas de la chance qu’elle a. Un lutin ! Un vrai lutin, sous ses yeux !

Soudain, Marcel se redresse, il a senti quelque chose. Il se tourne et croise le regard de cette petite humaine qui ne bouge toujours pas. Il se fige, panique d’abord, s’apprête à courir en laissant tout en plan. Mais la douceur de ce regard l’apaise. Ils se fixent un moment, se sourient même. Alors, Marcel ose s’approcher. La petite, qui n’avait toujours pas bougé, rend un doigt que le petit lutin vient serrer.

C’est un moment suspendu, une rencontre magique comme il en existe si peu. Comme s’ils se reconnaissaient. Ils ne parlent pas le même langage, alors ils se sourient, et ça suffit.

Ce soir, Marcel aura peut-être un peu changé d’avis sur la vie cachée. Quant à la petite fille, elle ne racontera jamais ce moment à personne, de toute façon on ne la croirait pas. Mais elle gardera toujours le souvenir de cet instant suspendu et reviendra voir, de temps en temps, son ami lutin.

mardi 25 avril 2023

Atelier d'écriture du 15 avril 2023

Pendant cet atelier, nous avons travaillé sur les homonymes
- Ver, verre, vers, vert
- Aire, air, ère, erre, hère
Il y a du choix !

L'exercice suivant consistait à écrire soit un texte sous forme poétique, soit un dialogue de sourd en s'aidant également d'homonymes.

Enfin, un texte sur le passage de la folie à la raison... ou l'inverse.

Camille proposait également d'écrire un texte pour le concours d'écriture du festival Les Gros Maux, un festival d'art urbain engagé pour dénoncer les maux de notre société. Plus d'informations à ce lien.

 

 

Marie

 

Vers les étoiles
Attirée aussi par le vert des forêts
Je n’ai pas envie de mettre des souliers de vair
Mes pas sont simplement perdus
Un verre plein d’eau m’attend sur le bord du chemin
Je bois et invite deux petits vers de terre à y goûter avec moi
Au revoir, à bientôt
Amen
Je ne suis pas la fille de Vercingétorix


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Où voulez-vous que je m’enfuie
J’erre depuis si longtemps et je ne suis pas pour autant un pauvre hère
Mais dans l’air d’aujourd’hui
Je ne suis pas à l’aise peut-être
Vivrais-je un jour une autres ère
Alors je marche encore
Laissez-moi partir sur l’air de « Ça ira »


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La Mer rouge peut-être
la mère de mes ancêtres

 

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La raison, la folie
La folie, la raison
Seulement les saisons de la terre et des hommes

Je ne sais pas, pour moi
Je ne sais plus
Ça ne veut rien dire

Les mots oui les actes encore mieux

 

Camille

 

« La vie en vert »

Dans l’ère du temps
L’air du printemps
Qui me prend pour une hère
Me transforme en hère
Vraie aire de jeu
Où j’erre en mes poèmes malicieux

Le ver de terre
Allant plutôt vers les recoins divers
Sous cette flore nouvelle colorée au milieu de tout le vert
A la santé de ces précieux être silencieux je lève mon verre

En attendant une vraie serre
C’est la chambre d’amis qui me sert
A mes dizaines de bébés plantes que leurs trop petits pots serrent
Un jour ils rejoindront orvet, sous-bois, biches, cerfs.

Oh !
Il trouvera de l’eau
S’il se hisse plus haut
Dans mon jardin aux… merveilles !


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« L’ère du temps »

Dans quel état j’erre ?
Ce monde manque d’air !
Vivement la nouvelle ère
Où se déploieront nos créativités dans une plus vivable aire

J’étouffe
A bout de souffle
Je m’essouffle
Si je garde mes pantoufles

Non je ne veux pas rester sur place
Ramper lentement, en limace
Plutôt que des grimaces
Je construirai de nouveaux palaces
Un sous-bois, un petit étang
Des hôtels à insectes géants
Des abris pour tout le règne du vivant
De la faune, de la flore, en feux d’artifices éblouissants

 

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« La foi »

- J’ai la foi.
- Bah tout le monde a un foie.
- Je veux dire : je crois.
- Non c’est sûr, sinon tu ne survivrais pas.
- Tu ne comprends pas : ma foi.
- Non, ma foi, je crois que c’est toi.
- Moi ?
- Toi…
- Quoi ?
- Toi qui ne comprends pas.
- Pourquoi ?
- Te fâche pas mais pour une fois je te trouve naïf de croire qu’on n’aurait pas tous un foie.
- Ah tu crois toi que tout le monde a la foi ?
- C’est sûr. A la fois, tu ne sembles pas tellement y croire !
- Ah si justement, j’y crois.
- Tu crois quoi ?
- Je crois que je crois.
- Pour sûr, on évolue tous. Mais je crois qu’on ne peut pas toujours croître, la vie croît puis décroît.
- Mais moi… je parlais des croix.
- Voilà. Tu t’exprimes puis tu déclines. C’est normal, crois-moi.
- Non ma foi ne décroît pas. Je crois qu’elle ne fait que croître.

 

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Quelle est la raison de cette folie ?
Quelle folie que de suivre toujours la raison !
La folie arrive-t-elle vraiment sans raison ?
C’est fou comme la déraison surgit à raison.

Les grands maux du monde
Brûlent nos forêts, nos ressources
Brûlent mes lèvres de crier des gros mots immondes
Lorsque dans l’indifférence se tarissent nos sources
Lorsque les catastrophes planétaires inondent
Dans leur inarrêtable course
Contre le déluge, la Nature féconde
Engendre plus de richesses
Que n’en sauraient contenir nos bourses

 

 

Maïlys

 

Le ver s’achemine, ondule dans la terre, se fraye un chemin parmi ses congénères. Il est déterminé, son but est loin mais il l’aperçoit, tout vert. Il va y arriver. Il poursuit son trajet vers le trésor. Tout près, tout près, encore un effort. Il arrive enfin à son butin. La pomme est magnifique, brillante de mille feux ! Il cherche à l’atteindre mais malheur ! La pomme est en verre, il ne peut la croquer. Tant pis, il se cherchera un autre goûter.

 

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Nous rentrons dans une ère, où l’air se fait rare.
Où la nature voit son aire, rétrécir et rétrécir encore.
Où nous, pauvres hères, errons au désespoir.
Quand allons-nous, enfin, nous mettre à la page ?

 

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- Ma mère va partir à Caen, elle veut voir la mer.
- Elle veut voir sa mère ?
- Non la mer, elle veut se baigner.
- Aaah, et elle part quand ?
- Oui c’est ça, à Caen.
- Oui mais quand à Caen ?
- Elle part dimanche, et après Caen elle ira dans la Manche.
- Et bien quoi ? Que se passera-t-il quand elle ira dans la Manche ?
- Et bien, elle verra aussi la mer.
- Aaaah. Mais dis-moi, elle va bien ta mère ?
- Ma foi, elle est un peu malade.
- Ton foie est malade ?
- Non non, mon foie va bien, c’est ma mère qui n’est pas très en forme. L’autre fois, elle a fait une crise de foie. Ma foi, elle a besoin de repos.
- Je ne suis pas sûr de te suivre avec tes histoires de foi. J’ai la tête qui tourne.
- Veux-tu un verre d’eau ?
- Je veux bien !
- Prends donc le vert.
- Oui mais lequel ?
- Eh bien, le vert !
- Tu sais, j’ai du mal à te comprendre parfois.


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Ils sont là, je les aperçois, derrière la vitre.
Ils marchent vers l’entrée, se marrent déjà.
Je les observe.

Ils passent le sas, me fixent avec un grand sourire narquois.
« Bonjour Madaaaaame ».
C’est ça, fais le malin, va.

Ils s’installent sur les canapés, hilares, je crois qu’ils ont fumé.
Ils ne savent pas se tenir, je sens la colère monter.
Du calme, ce ne sont que des adolescents.
Un peu bêbêtes, un peu insolents, un peu bruyants…

Très bruyants. L’un met sa musique à fond, l’autre éclate de rire.
Je les regarde, ils savent mais s’en fichent pas mal.
On a beau leur dire…

Ils baissent le son, font des messes basses, préparent leur prochain coup.
Je suis tendue, ils sont capables de tout.
Je retourne à mon travail, une oreille aux aguets.
Du mal à me concentrer, que vont-ils encore inventer ?

J’entends alors un énorme rot, là c’est la goutte de trop.
Ni une, ni deux, mon collègue et moi sommes debout.
Comme une envie de leur crier dessus :
« Cassez-vous, et qu’on ne vous revoit plus !!! »

Ils pourraient nous rendre fous, mais il faut se contenir.
C’est ce qu’ils cherchent, nous pousser à bout, nous faire faillir.

Alors, aussi calmement que possible, nous les poussons vers la sortie.
Toujours hilares, ils nous narguent, mais eux, ils sont sous la pluie.



Anne-Marie


« Petit ver. »

                    Je suis hors champ dit Camille en parlant de moi. Est que ça étonne quelqu'un ? Car dans mon champ il y a un petit ver tout nu. Evidemment tout vert se confondant avec l’herbe du jardin, courant vers la salade si appétissante. Assoiffée par tant d’émotion je courus vers ce verre salvateur et repris à tue-tête ma comptine préférée ; qui a vu dans la rue le petit ver de terre, qui a vu dans la rue le petit verre tout nu.

 

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« Pauvre hère. »

                    Elle errait dans cette petite ville sans âme. On lui avait dit que cette bourgade était propice au bon air. Une petite ville à la campagne en somme. A ceci près c’est qu’aujourd’hui on respirait surtout les déchets soufrés qui se dégageaient des usines pétrochimiques avoisinantes à droite, sous les arcades de l’ancienne ville gallo-romaine le coiffeur « l’hair du temps » s’activait autour d’un brushing permanenté. Un pauvre hère se dirigeât vers elle et lui dit : « T’as pas cent balles ». Elle se réfugia sur le parking du carmel et se retrouva nez à nez avec un petit hère qui avait perdu sa maman. Et ben voilà elle la tenait enfin sa petite ville à la campagne.

 

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                    Il était une fois un maire qui se proclamait aussi mère. Elle rencontrait quotidiennement ses administrés.

Le curé du même village se souciait de la vie spirituelle de ses paroissiens. Il fit la requête suivante à l’édile qui n’en crut pas ses oreilles : pourrions-nous chanter la carmagnole au 14 juillet au lieu de la Marseillaise ?

Mme le maire pourtant d’un naturel progressiste, réagit violemment. Comment, le clergé s’intéressait à l’idéologie populaire ? Non ce n’était pas possible le prêtre avait dû regarder Don Camillo en boucle, série télévisée qui avait fait le buzz dans les années après-guerre aux temps bénis des chaînes publiques.

Mon bon ami vous devriez prendre des vacances au bord de la mer. Je sens votre foi qui vacille. Sûrement qu’une petite cure de détoxification du foie vous serait profitable. Certes la ville de Foix réputée pour ses eaux thermales semble être l’endroit idéal pour une régénération de tout votre organisme. Et c’est ainsi que notre bon curé fut évincé temporairement de son petit village.

 

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« Raison ou folie. »

                    Raison, raisonnable. J’entends encore les diktats de mon enfance. « Sois raisonnable » Non je n’ai pas envie. Je sentais qu’on allait me rogner les ailes. Ressembler à tout le monde pas question. « L’ennui naquit un jour de l’uniformité »

« Critique de la raison pure » Kant peut être ? Les philosophes au cours des siècles ont toujours apprécié la raison et la folie.

Alors j’assume mon grain de folie, générateur de créativité, m’ouvrant au monde dans un bain d’originalité. Evidemment l’enfer de Dante ne nous attire pas. Pas plus que l’asile d’aliénés. Mais n’ayons pas peur des fous. Humanité, tolérance vous serviront de passeport.

Passeport pour la folie j’aime bien l’idée.

vendredi 24 mars 2023

Atelier d'écriture du 11 mars 2023



Comme vous le savez peut-être, en mars a lieu le Printemps des poètes, événement national mettant en lumière la poésie sous toutes ses formes.
L'occasion de se lancer une nouvelle fois dans l'écriture poétique !
Sur le thème de cette édition 2023, les frontières, voici ce que Laure nous a proposé :

Ecrire quelques lignes sur ce que vous évoque chacune de ces photos :


Ecrire quatre poèmes :
- pour quelqu'un que l'on ne connaît pas ayant pour titre : « A toi qui... »
- thème « Nos frontières intérieures »
- thème « Passeur ou passeur »
- thème « L'amour au-delà des frontières »


Hélène

 

1.

Le soleil brûle la terre et sa vie végétale
Le grillage est découpé
pour un espoir de liberté
Son cœur brûle de paix en rafale
No man's land
One man dream


2.

Jérusalem, je t'aime et je te hais
Quand seras-tu un lieu de paix
Inconditionnel ?
J'en supplie l'éternel.


3.

Grillages et barbelés
Interdit de passer
Lames de rasoir
Sans possibilité d'Espoir
Honte est dans mon cœur
Que de malheurs.


4.

Économie, business,
Au plus fort la pouque
Pour de la merde en paquets
Quel gâchis
Alors que chaque être humain
Pourrait ne plus avoir faim.


5.

Passeport
Pour moi
Passe-pas pour toi
Pour mes plaisirs
Pour ta survie
Pas d'égalité
Où va l'humanité ?


« À toi qui... »

À toi qui
Loin d'ici
Es mon frère
À toi qui
Près d'ici
Es ma sœur
Frères et sœurs
Sœurs et frères
Êtres humains
Humains
Êtres
  Fraternité
  Sororité
  Respect
  Liberté
Poésie pour ta vie
Douceurs pour ton cœur.


« Nos frontières intérieures »

nos frontières intérieures
Les tiennes, les siennes, les miennes
Les nôtres
Je les connais ou les découvre
Les reconnais et les ouvre
Je les accepte ou fais avec
Mais je peux jouer
Les faire bouger
Ou ne pas en déroger
Les accueillir
En discuter
Philosopher
Réfléchir
Et avancer
Parfois m'en excuser
Et toujours chercher
Un peu plus d'humanité.


« Passeur, passeur »

passe passe passera la dernière la dernière,
Passe passe passera la dernière y restera
Elle nous a volé trois p'tits sacs de blé
Nous la rattraperons et nous lui donnerons trois p'tits coups d'bâton...
  À 5 ans, en cours de récréation
  Je chantais cette chanson
  C'est vrai faut pas voler
  C'est vrai faut des sanctions
  Mais faudrait un autre couplet...
...Je lui ai donné trois p'tits sacs de blé
      N'avait pas à manger
      Alors j'ai partagé
      Aussi trois p'tits bonbons.


« L'amour au-delà des frontières »

Une terre ronde où l'on pose tous nos pieds
Une même Lune qui décline ses quartiers
Un même Soleil qui éclaire
et réchauffe notre air
Un humain unique
Une humanité multiple
Capable du pire comme du meilleur
Comment cultiver ses bons côtés
Pour trouver la Paix ?



Laure


1.

14h
Pas un nuage à l’horizon
Douceur visage caresse
Réalité, mirage ou vision ?
No limite, espoir, jeunesse


2.

A vendre !
Mur béton 50m de long sur 6m de haut
DPE vierge
Espace vert à défraichir
Faire offre
Pas sérieux s’abstenir


3.

Aille, ouille
Dans les livres d’histoire, je ne m’imaginais pas que je le vivrai un jour. Jamais ne cesse. Ici ou ailleurs.
Papy. Mamie. Nous maintenant.
Je charge mon sac à dos de mes quelques effets.
La route sera longue. La boule au ventre.
Peur et espoir.
Incertitude du lendemain.
Ils sont là, ils nous attendent.
800€. La nuit est là.
Pince coupante. Cris de chien.
J’ai envie de dormir. Froid. Noir.


4.

Je le tiens
Tu le tiens
Par la manivelle
Le premier de nous deux
Qui lâchera
Aura tout perdu


« A toi qui… »

A toi qui valses la nuit.
Perdre ou sauver des vies ?
Par vents, accalmies ou pluies.

A toi qui portes nos frères
fatigués des lourdeurs des guerres
par-delà les frontières

A toi qui dérives au grand large
Avec espoir mais peur du naufrage
Transportant des cœurs de tout âge

Je te dis bon courage
Garde le cap, ne chavire pas
Tu portes la vie, ne chavire pas.


« Nos frontières intérieures »

A : Ecoute moi ! Vas-y !
B : Non pas encore, n’y va pas.
A : Trouillard, poule mouillée
B : Prudence, savoir attendre
A : C’est pourtant pas sorcier
B : On n’a pas dit ça
A : Vas-y je te dis, tu seras libéré
B : Mais qu’en sais-tu toi ? T’y ai jamais allé.
A : Quoi de pire que ce qu’il a déjà vécu ?
B : Si c’était si simple.

Respiration. Palpitant. En haut de la colline Mohamed s’élance, court, dévale la descente, saute… Raté ! Encore raté !

225e essai. Genoux saignants. Mains écorchées. Mohamed retentera demain s’il est toujours vivant.


« Passeur ou passeur »

Monstres barbares
Détenteurs de la vie ou la mort
Je vous déteste
Je vous hais
Assoiffés de richesse
Assoiffés de vies
Je vous déteste
Je vous hais

Glorieux courageux
Détenteurs de la vie ou la mort
Je vous vénère
Je vous aime
Assoiffés de sauver
Assoiffés d’espoir
Je vous vénère
Je vous aime


« L’amour au-delà des frontières »

Anéantie de notre séparation
Mon cœur bat en explosion
Tu m’as dit pars c’est de raison
Mais la vie ne vaut rien sans toi

Je ne survivrai pas
La vie ce n’est pas ça
Alors ne m’en veut pas
Mais je rebrousse chemin pour toi



Cathy


Image 1.

Nom Giver
Prénom Mike
L’homme qui trouve la solution à tout.
Le voilà bien installé pour se reposer de son périple.


Image 5.

Passeports multicolores
le mien est bordeaux


A toi qui fais avancer mon stylo
Entre toi et moi, il n’y a pas de frontières
Toi ma tête qui pense
Toi mon corps qui accomplit
Toujours complices mais au-delà des frontières
Il se peut que mon corps n’avance plus et s’incruste alors la maladie.
La malle de toutes mes histoires que je me répète en boucle et qui me fait stagner jusqu’à ne plus dormir, ni manger mais beaucoup ruminer.
Un seul remède, reprendre le sens de ma vie pour retrouver la joie et me dire que quand la santé va, tout va.


« Nos frontières intérieures »

Rire ou pleurer ?
Et pourquoi pas pleurer de rire ?
En yoga du rire, il n’y a pas de frontières
puisqu’il est international
Tout le monde parle le même langage
Et si le rire vient, c’est bien
S’il ne vient pas, c’est bien aussi



Mélanie


« A toi qui »

A toi, médecin sans frontières
Que l’on ne peut accuser de polluer la Terre
Tu vis l’horreur des guerres,
De la misère
Tu fais preuve d’une abnégation sans faille
Soigner, sauver, vaille que vaille
Tu mérites mille médailles
Pour ces honorables batailles


« L’amour au-delà des frontières »

Autrefois réservé aux aventuriers, aux voyageurs
Avides de découvertes, d’explorations
A la recherche de paysages inconnus
Mais aussi de rencontres impromptues

Aujourd’hui accessible aux surfeurs
Férus, sur leurs ordinateurs, de navigation
Qui peuvent faire leur choix sur leur écran comme dans une rue
Et trouver l’amour de cette façon saugrenue



Zoé


« A toi qui »

A toi qui ne sais pas qui je suis
A toi qui vis en pensant ne pas me connaître
Que ce soit dans tes rêves, ton subconscient ou bien ta vie,
Jamais tu ne sauras l’existence de mon être

A toi que j’idéalise
A toi que j’imagine
Au fin fond de mon esquisse
Je te sens vivant, présent, existant

A toi qui es étranger
A toi qui viens du monde
Sache que dans mon cœur,
tu existeras à jamais

A toi qui m’inspires, en écrivant ces paroles
A toi qui occupes mes pensées
Je te laisse désormais vagabonder
vers ta destinée


« Nos frontières intérieures »

Je te regarde, je te souris
Je t’explore, et te déchiffre
Mais qui es-tu vraiment,
Jeune homme aux yeux exaltants.

Tu es pour moi une énigme,
Tu es pour moi une enquête,
A la recherche de tes mystères,
Je vogue au gré de mes découvertes.

Je ne m’attends pas à la vérité,
Je ne m’attends pas à une révélation
Mais, si, malgré mes efforts vains

Je parviens à trouver la clé
Je trouverai un jour ton être
Et j’ouvrirai enfin nos frontières intérieures.


« Passeur ou passeur »

Passeur ou passeur,
sur un terrain de football,
de basket, ou de tennis
qui peut mener à terme d’une victoire.

Passeur ou passeur
En Seine Saint Denis,
où les pauvres gens abandonnés
tentent de se faire un peu d’argent,
en vendant des stupéfiants.

Passeur ou passeur
Ces milliers de gens
qui risquent leur vie
afin d’aider une cause
en appartenant aux domaines différents
que possède le mot « passeur »

 

« L’amour au-delà des frontières »

Je t’aime au-delà du sang
Je t’aime au-delà de la chair
Je t’aime au-delà de la religion
Je t’aime au-delà de la profession

Je te chéris au-delà de la nationalité
Je te chéris au-delà de ta couleur de peau
Je te chéris au-delà de ta finance
Je te chéris au-delà de ta forme physique

Je t’aime car tu es
vivante, puissante et passionnante
virevoltante mais aussi cinglante

Pour moi les barrières n’existent pas
Car seul ton cœur peut
me posséder, à tout jamais



Maïlys


1.

Tranquille, il sourit, se détend. La frontière est ouverte, le passage est possible. Il se balance entre ces deux zones. Une seconde il est ici et celle d’après il est là. Il n’appartient ni à l’une, ni à l’autre. Il est bien.


2.

Une barrière, un mur, un seul bloc qui s’étend sur des kilomètres et des kilomètres. Pas de possibilité de traverser. C’est fermé, bloqué, on ne peut rien faire.


3.

Enfermé, prisonnier dans ce pays. Il tente d’escalader mais glisse. S’écorche les paumes sur les barbelés. Il tombe à la renverse, sa respiration se coupe un instant. Pas de solution, il est bloqué là, étalé de tout son long dans la poussière. Pas de solution, juste d’essayer encore.


4.

La pêche a été bonne, mais qui pourra récolter le butin ? Qui l’emportera ? A qui appartient la mer ?

Eh bien aux poissons, pardi !


5.

SVP passeports
Toi tu passes, toi tu passes, toi tu passes pas.
T’as ton passeport ?
Sans ça, c’est mort.
Tu passeras pas.
Point, c’est comme ça.


« A toi qui »

A toi qui es ici
dans une ville, dans un pays que tu ne connais pas
Toi qui as traversé des frontières
pour en arriver là
Toi qui as marché
jusqu’à faire cloquer tes pieds
jusqu’à perdre ton souffle
jusqu’à épuisement.
Tu es là maintenant
Tu es en sécurité,
mais comment te sens-tu vraiment ?
Il te faut encore apprendre
la langue, les coutumes, de nouvelles habitudes

A toi qui te sens seul
loin de tout ce que tu connais
A toi qui as tant de courage
Sois le bienvenu parmi nous.


« Nos frontières intérieures »

Je suis bloquée
pas inspirée
Frontière des mots
de la parole
Que dire ?
Ca s’envole
Pas concentrée
La page blanche m’affole
Va-t-elle le rester ?


« Passeur ou passeur »

Tout le monde s’installe
en cercle dans le noir
La discrétion est de mise
Mais ils se connaissent bien maintenant
Ils ne se voient pas mais se devinent

C’est toujours le même
qui prend la parole le premier
C’est le passeur
Tout le monde le nomme ainsi
car c’est lui qui fait passer les histoires

Plus un bruit, tous sont à l’écoute
de la suite, de la fin, d’un commencement
Le passeur sait si bien raconter
Tous sont suspendus à ses lèvres
On en oublie le temps, la fatigue, la douleur

Pendant un instant d’éternité
Il n’y a plus que sa voix
qui s’élève comme un enchantement.



Anne-Marie


                « Jeux sans frontière »


                Ce n’était plus un jeu. Les frontières s’étaient refermées. Ces photos de l’horreur en témoignent.

Le petit orphelin hurle à la mort comme un chien. Là le cercueil découvert de sa mère. Les femmes entourent la défunte et récitent la prière des morts.  Il n’y a plus rien à faire. Se soumettre ou mourir.

Au travers de la longue trouée multicolore, on aperçoit la colonne des manifestants. Elle s’étire sur plusieurs kilomètres. Les visages sont fermés, haineux et reflètent la détermination. Celle de vaincre au nom de la liberté. Les lance-pierres, armes dérisoires face a l’ennemi sont brandis de mains de maîtres. Une fumée noire obscurcit le ciel et les flammes rougeâtres entourent cette foule belliqueuse. Et quand le crépuscule tombe, ils sont encore là, tendant courageusement leurs bougies aux flammes vacillantes. Les policiers brandissent leurs boucliers dans l’espoir de les faire reculer.

Alors le peuple opprimé lève la main exprimant sa résistance et son espoir dans un rituel magique et incantatoire. Non pas le V de la victoire mais simplement trois doigts levés.

En haut d’un immeuble, une blanche colombe, symbole de paix se dresse et murmure : See you again.


Texte écrit au vu d’une exposition photographique à la médiathèque sur le dernier soulèvement en Birmanie.

samedi 18 février 2023

Atelier d'écriture du 11 février 2023

« Écrire c'est danser assis », nous sommes partis de cette belle citation de Charles Olson pour démarrer cet atelier d'écriture. Alors écrire, c'est quoi pour vous ?

Nous avons ensuite retrouvé les titres donnés la fois précédente afin d'écrire un poème s'en inspirant.

Enfin, le dernier exercice était l'occasion d'écrire un poème à quelqu'un, sans rien attendre en retour.



Sophie


Ecrire, c’est laisser courir son imagination.
C’est laisser aller, plonger dans l’inconnu.
C’est exprimer les sentiments, les émotions, qui restent le reste du temps enfouis en nous.
C’est prendre la place d’un autre, la peau d’un autre, la vie d’un autre, c’est ne plus être soi et pourtant, ça dit tellement sur soi.
C’est jouer avec les mots, utiliser les règles, la grammaire, la rhétorique pour quitter la réalité.
C’est voyager sans partir de chez soi, dans le temps, dans l’espace, dans la société.
C’est emmener dans son voyage tous les futurs lecteurs, des larmes ou des étoiles dans les yeux.
C’est partager son monde.


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« Le diable du marais »


Si je ne l’avais pas vu
Je n’y aurais jamais cru.
Je n’aurais pas dû être là
Mais pour elle j’aurais fait n’importe quoi.
Courageux mais pas téméraire,
Je n’avais vraiment pas envie de le faire.
Mais voilà elle avait peur,
Je me devais d’être son sauveur.
Malgré le bruit qui me glaçait le sang,
J’avançais, toujours droit devant.
Et quand au moment fatidique
Je pensais voir cette créature magique,
Ma lampe torche a finalement éclairé,
Juste au bord de l’eau,
Un simple petit crapaud,
qu’on prenait pour le diable du marais.


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Vous êtes derrière tous les mots que j’écris.
Aujourd’hui et pour tout ma vie.
Mon poignet posé à plat sur ma page.
Mon stylo calé toujours à la même place,
Mes doigts autour de lui qui l’enlace,
Comme on sait une fois pour toutes comment on nage,
Moi je sais pour toujours que j’écris,
Grâce à tout ce que vous m’avez transmis.
Et tous ces mots qui viennent et s’enchaînent,
Qui se complètent, s’assemblent sans peine.
C’est vous aussi qui m’avez appris
A les collectionner petit à petit
Dans ma tête et dans mon cœur
Pour les coucher comme par magie
A chaque ligne que j’écris
Et qui me comblent de bonheur.
Oui c’est à vous que je dis merci
Et à qui aujourd’hui je dédie
Ce geste que je fais par cœur
Et que vous avez pris des heures,
A me transmettre, juste par amour
De donner sans attendre en retour.

 


Hélène


Écrire c'est prolonger, au-delà de mes doigts, au-delà de mon corps, ce qui est dans ma tête
Écrire c'est m'aider à clarifier mes pensées
Écrire c'est déposer ce qui bouillonne là-haut
Écrire c'est transmettre un message, communiquer
Écrire c'est prendre mon temps pour dire plus juste
Écrire c'est dire plus facilement qu'à l'oral
Écrire c'est utiliser les mots les plus justes possibles, en pouvant rectifier la spontanéité
Écrire c'est lâcher, laisser venir
Écrire c'est déposer sur le papier
Écrire c'est rendre concret ce qui est abstrait
Écrire c'est le plaisir du stylo qui court sur la feuille
Écrire c'est jouer avec les mots, les rythmes, les sonorités
Écrire c'est s'amuser et être surprise par ce qui apparaît
Écrire ça donne à voir pour soi ou pour un autre ou pour les autres.


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« la chaussure »


La chaussure
Ou le pied nu
Les orteils à l'air
Ça me fait rêver
Aux jours d'été
Dans le sable mouillé
Où dans ma maison
Sur le parquet marron
Mais la chaussure
Ta chaussure
La regarder
Et imaginer qui tu es
As-tu belle allure
Ou ta vie est-elle dure
Tu fais quel sport
Tu aimes le confort
Ou bien mal dans ton corps
Mais la chaussure
Me rassure
Me dit que ça va
En pensant à toi
Qui peut-être n'en a pas
Si tu es né où il ne fallait pas
En pensant à toi
Qui l'as laissée sur le bas-côté
Pour courir plus vite
Dans ta fuite
Ou qui est restée
Sous les gravats
En pensant à toi
Qui les as usées, trouées
Et n'as pas de quoi
Pour les remplacer
La chaussure
Ou le pied nu
Regarder l'azur
Le nez en l'air
Ou le regard parterre.


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Qui je choisis
Je ne sais pas
OK c'est parti
Ce sera Toi
Toi le vieux Monsieur
Que je croise souvent
Devant ton immeuble en passant
Nous nous saluons d'un bonjour franc
Et souriant
Déménager
C'est entr'autre quitter
Les voisins
Qu'on aime bien
Alors Toi Monsieur
Par ton Bonjour
Par ton Sourire
Tu es mon accroche-cœur
Une poussière de bonheur
Que je t'offre aussi
Car je t'imagine seul
Un peu en errance
Dans ce grand bloc immense
D'appartements
Aux longs couloirs
De renoncements
Sans histoire
Du passé
Une page est tournée
Ta solitude
Devient une habitude
Et si tu demandais
Monsieur
À la copropriété
À installer un banc
Pour s'asseoir en passant
On pourrait
Bacouetter sur l'actualité
Écouter les oiseaux chanter
Regarder le chat se toiletter
Profiter du temps qu'il fait
À tout à l'heure
Peut-être
Monsieur.


 

Camille

 

Ecrire c’est dans assis
Ecrire c’est crier sans bruit
Ecrire c’est faire le tour du monde plus vite que la musique
Ecrire c’est voyager sans bouger
Ecrire c’est s’adresser à l’autre en différé ou avant qu’il advienne
Ecrire c’est t’aimer pour l’éternité
Ecrire c’est s’amouracher sans même encore s’être rencontré
Ecrire c’est côtoyer ses rêves
Ecrire c’est rencontrer son imaginaire
Ecrire c’est un temps pour arrêter la course du soleil
Ecrire c’est écouter la musicalité de l’Univers
Ecrire c’est le pouvoir d’être en lien par-delà les millénaires
Ecrire c’est me taire en continuant à causer


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Sans adresse
A la vie
Je restitue sa tendresse
A l’infini

Tellement de beauté
Dépassant mes mots
Et tous nos tableaux
Notre art humain ne saurait rien lui ôter



Maïlys

 

Ecrire c’est se libérer
du poids d’un monde trop pesant

Ecrire c’est laisser filer
les fantômes qui encombrent les tiroirs

Ecrire c’est danser
seul mais entouré de gens

Ecrire c’est se contempler
les personnages sont un miroir

Ecrire c’est dépasser
ce que nous offre le présent

Ecrire c’est inventer
une vie qu’on aimerait avoir


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Chut, le chat s’est endormi
Non non non, pas de télé ce soir
Il ne faut pas faire de bruit
Regarde, ses moustaches frémissent
Tu peux le caresser, mais après, au lit
Ah non on ne saute pas sur le canapé
Ce serait très malpoli
De réveiller ce chat
Si bien endormi
Allez, on va faire dodo
Tu peux lui faire un dernier bisou
Un petit câlin
Mais chut, pas de cri
Pas un quart de plus
Non non, c’est fini
Le chat est en train de rêver
On ne va pas le déranger
Regarde, fais comme moi
Marche sur la pointe des pieds
Glisse toi sous les draps
Fais de beaux rêves, mon petit

vendredi 10 février 2023

Atelier d'écriture du 28 janvier 2023

Cet atelier d'écriture était l'occasion de travailler autour de la contrainte.

L'exercice principal consistait à écrire une histoire courte à la première personne, avec quelques phrases données à l'avance, à insérer dans le texte. Le titre était également imposé, un titre par personne.

Le 2e exercice était l'écriture d'une brève de comptoir.



Zoé


« Je ne sais pas »

Je suis là, assise, debout et je réfléchis. Quoi ? Que dois-je faire ? Mais avant de prendre la décision qui peut chambouler la vie de mes partenaires, je dois vous expliquer précisément ce que je fais ici. J’appartiens à un groupe d’espionnage surentraîné qui se nomme « Les petits bouts ». Le but étant de déjouer un plan machiavélique mis au point par le criminel connu en France sous le nom de « Léonard le canard ». C’est un nom peu commun pour un super méchant, n’est-ce-pas ? Bref. Avec ma bande, j’ai réussi à m’introduire dans son quartier général communément appelé « Head quarter » pour les britanniques. Mais en arrivant, tout a changé. Littéralement. Je suis partie avec mon équipe moi, Beth, Lolo et petit pois (oui le but est d’avoir un nom de code pour se repérer facilement en mission) et j’ai escaladé avec eux le mur en béton avec les cordes 3000 ultras-résistantes pour arriver à attraper la clenche de la porte située tout en haut du bâtiment, afin de passer de manière discrète. Ce fut loupé. Ce satané de Léonard le Canard m’avait repéré au moment où nous sommes rentrés dans son super quartier. La discrétion et nous cela fait deux et ce qui s’est passé ensuite, vous allez pas le croire. A l’approche d’une intersection, je ne voyais plus que son poil long, noir et épais qui dépassait de son nez. Et ce fut là que tout a basculé. Il se jeta sur moi et m’emmena loin de mon équipe qui fut projeté en arrière par son méga aimant puissant capable de mettre à terre quiconque s’approchant de cet instrument. J’arrivai en sa compagnie dans, ce que je pense, sa salle favorite avec sur une table basse, deux coupes de champagne. Dedans, les bulles étaient pétillantes à souhait. Il me posa sur un de ces canapés durs et froids qui composaient cette vaste pièce, et me proposa un marché. Dans une semaine, un braquage à la banque de Buenos Aires, d’une valeur de 2,636,842,805 euros. Il avait besoin d’une experte pour pouvoir ouvrir le coffre central qui contenait l’argent. Or, il n’y avait que moi qui sache le faire. Et c’est là qu’il me proposa de venir avec lui au braquage et en échange, mes co-équipiers seraient libérés. Mais, si je refuse, ceux-ci seront envoyés en prison à perpétuité pour espionnage et trahison à la nation à l’aide de preuves factices qu’il pourrait créer lui-même. Les juges seront tellement naïfs que le procès ne se passera pas en 3 heures mais en 10 minutes (J’exagère). Et c’est là que je vous retrouve maintenant, dans ma situation actuelle, à savoir ce que je dois faire. Je ne sais pas. Je réfléchis. Et d’un coup, une idée brillante me vient à l’esprit. Revenons en arrière. Avant de partir en mission, je me souviens m’être mise sur mon TEE-SHIRT en dessous de ma veste, un capteur permettant d’écouter les conversations de n’importe qui parlant jusqu’à 10 m de moi. Cela veut donc dire que je viens d’enregistrer la conversation qui a eu lieu tout de suite, je peux donc refuser de participer à son projet fantabulesque et partir en l’inculpant pour avoir créé de fausses preuves ! Je me lève et cours. Je vois au loin mes amis à terre, et les relèvent un par un, malgré leur état pitoyable. Derrière moi, les gardes qui nous rattrapent. Que faire ? Pas le temps de redescendre. Je décide donc de les affronter jusqu’à les rendre inconscients. Et c’est ainsi que mon histoire se termine. Echapper à Léonard le Canard et l’inculper après 10 ans de recherches intensives à son sujet.

 


Marie

 

« La chaussure »


C'était le dimanche. Je me réveillais d'un coup, sans sonnerie, avec entrain. Le beau temps était annoncé. Sitôt le p'tit déj' avalé, je préparais mes affaires. L'alu sur le sandwich, le sandwich dans le sac et le sac sur le dos, j'étais prête. Plus qu'à enfiler mes chaussures, mes croquenauds disait mon père. Marie y es-tu ? Je mettais mes chaussettes. Marie y es-tu ? Je mettais mes lacets. Marie y es-tu ? J'oubliais, des fois mon écharpe, des fois mes gants. Peu importe, on était déjà dans la voiture, mon père et son bonnet vert, mon frère et sa gourde remplie de bulles pétillantes, moi et ma chaussure tachée de bleu. Le trajet était toujours un poil long mais une fois sur place, la ville derrière et les sommets devant, nous n'attendions que ça : gravir la montagne et savourer nos chips sur un 360 °.

A chaque fois, nous, habitants du plat pays, étions ivres de beauté ; à chaque fois, nous nous disions en silence : on n'a jamais imaginé ça. Et mon regard de reposer sur la tâche bleue de ma chaussure. Aux anges.



Mickaël

 

« Un homme et un chat »

Je suis un chat, euh attends ce n’est pas ce qu’elle a dit… Mais, qu’a-t-elle dit déjà ? Un homme est un chat, un homme et un chat, un homme hait un chat… ? Bon, qu’importe, je pars là-dessus. Je suis un chat donc. Je me lève, il est 15h00, encore une sieste de 18h, bah quoi ? Normal non ?

Je baille, m’étire de tout mon long en plantant mes griffes dans le tapis quand soudain, j’aperçois mon humain tout décoiffé comme d’hab. Aujourd’hui son nez aussi est décoiffé, je ne vois plus que ça, ce long poil noir qui dépasse de sa narine. Il bouge de gauche à droite sur sa moustache, j’ai envie de sauter dessus mais me retiens et décide finalement de jouer avec ma fausse souris en plastique. C’est mieux comme ça, si je l’abîme qui va me donner mes croquettes ? Faut que j’en prenne soin, de mon humain. Comme lors de cette soirée où je le voyais boire jusqu’à plus soif d’innombrables coupes de champagne dont les bulles pétillantes à souhait m’ont fait perdre la tête et sauter dessus. C’était pour son bien et pour le mien aussi. Quand il a la gueule de bois il oublie ma gamelle et me fiche dehors si je miaule pour lui rappeler. Mais, pour une fois, le lendemain de cette soirée arrosée, mon assiette fut servie sans que je ne la réclame et surprise, dans ma gamelle d’eau, du champagne pétillant ! Si on me l’avait dit, je ne l’aurais jamais cru.


------------------------------- 


- Hé Gégé, t’sais pas la dernière ?
- Bah non, mais quelque chose me dit quo va pas durer.
- Ouaip, je sais ce qui rend le rosé du père La pouche si bin.
- Ah ça c’est vrai qu’il est bin bon, mais qu’est quo l’est alors !?
- Parait que l’met de la fraise tagada dedans !
- De la fraise tagada !?
- Ouaip, o l’est bin tcheu !
- Mais qu’est-ce quo l’est que t’chette tagada là, o pousse dans son jardin ?
- Oh bé dame sans doute, l’est pas du genre à aller au Leclerc.

 

 

Camille

 

« Ça fume et ça rigole »

 

Ça fume et ça rigole
Jusqu’à l’aube pour oublier le temps
Ça boit et ça danse
Jusqu’à épuisement pour taire les peines

J’aime pas les réveils
J’essaye de les repousser, hélas je double leur haine et la mienne
J’adore rester en pyjama
Les jours où j’ai l’honneur de ne pas sortir de chez moi

Il faudrait ci, il faudrait ça
Ma lenteur s’endurcit dans ce grand fracas
Je ferais mieux de prioriser
Mes « tout doux listes » ont tout bien théorisé

Dans la pratique
Il y a des hics
Des pots, des hoquets
Heureux de trinquer

Ça fume,
Aussi vrai que la vie se consume
Ça rigole
La vie folle batifole

Je ne voyais plus que ce « poil long noir et épais qui poussait dans ma main »
Le couperai-je ? Le laisserai-je pousser ?
Demain plutôt… Demain peut-être…
De mes deux mains, le surlendemain

Après tout pourquoi là ?
Pourquoi se presser de faire ci ?
Se hâter de faire ça ?
Ça va me faire suer
Me faire soupirer

Je soupire déjà, remarquez
Rien que d’y penser
Rien que de crouler sous le poids
Des contraintes infinies

Vu le peu de jours qu’il reste
Avant, déjà, la fin du mois
Le peu d’années peut-être
Avant la fin de moi

La vaisselle, aujourd’hui,
Pas très envie
On pourrait la casser :
Ça serait l’occasion de la remplacer

Encore le ménage… ?!
Sans en faire tout un fromage,
A quoi bon si demain
Aussi sale le monde redevient ?

Le rangement,
A la limite, me détend
Pour mieux tout retransbahuter
Me voilà partie pour débazarder

Les vitres, c’est pas souvent
Mais vu sur le bureau ce qui m’attend
Ca me donnera l’illusion de profiter de
la lumière du jour, avant que la nuit accoure

Ce soir encore j’aurais voulu travailler mais
« Les bulles étaient pétillantes à souhait »
C’était mon anniversaire ; exception
Et ce soir c’est son anniversaire ; répétition

Les occasions ne manquent pas
Il suffit de les saisir avec joie
Et tant pis pour le reste
Qui dans mon cœur empeste

L’odeur du devoir
La moiteur de l’effort
L’horreur des jours noirs
Ô bain chaud de réconfort

Ah les normes, les devoirs
La coupe est pleine, je vous le dis !
De bulles fines de champagne
Faisant sur le brouhaha urbain rase campagne

« J’aurais jamais imaginé ça »
Les décennies si courtes
Les tâches infinies
Les travaux si durs
La retraite jamais mûre

J’m’en vais au fond de mon lit
M’autoproclamer en retraite, tant pis !
Au mépris de l’insomnie,
Qui tourne en boucle et me redit
Fais ça, fais ci !
Demain, parce qu’après il sera déjà lundi
Et pour une semaine
Le rythme fou, aura repris

J’me tire dans un autre pays,
Le plus longtemps possible, je m’enfuis
Loin de cette tyrannie
Qui fait de nos existences de drôles de vies

Retiens-moi, dansons !
Arrête ce mouvement, chantons !
Reste dans mes bras, rions !
Laisse la Terre en suspens, respirons !

Ça fume et ça rigole
Loin de l’enclume, des règles de ces marioles
Qui d’une plume, avec leurs injonctions folles
Ecument de leur cadence de carriole

Nous ne serons pas les chevaux de trait !
Sur cette course effrénée, tirons un trait !
L’appétit de l’ours est freinée si cesse notre attrait
Pour des bourses qui ne dérideront pas nos portraits

Ça fume et ça rigole
Pour échapper à cette course folle
Ça fume et ça rigole

En attendant que cesse la pluie
Ça fume et ça rigole
Les cœurs batifolent
Ça fume et ça rigole
Les contraintes s’envolent


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« Le caddie rouillé »


Regarde-moi ça :
V’là a zézette…
Où ça ?
Bah là ! Quoi… t’entends pas, son vieux caddy rouillé ?
Pffouah. Il était déjà bringuebalant le jour où elle l’a dégoté.
Il grince jusqu’à l’angle de la rue du Pont Neuf.
Paraît même qu’le père Ruffiot sert en hâte sa clientèle dès qu’il détecte le boucan du roulis strident. C’est Polo qui m’racontait : fissa fissa’l’les met dehors ses habitués en leur pressant le pas.
Il veut pas la voir.
Pourquoi ?
Parce qu’i’ peut pas la voir
Il peut pas blairer les scandales.
Elle l’a bien compris, la Cosette
Elle y fait son sketch.
Devant chez lui, ça s’arrête, ça s’attroupe
Il devient tout rouge
On croirait qu’il va faire une syncope
Une fois, il lui tend vite un paquet de boudins pour qu’elle fiche le camp
Elle l’engueulait presque, comme quoi qu’elle avait pas d’four
Et qu’la charité c’était pas s’débarrasser, qu’ça dispensait pas de réfléchir à s’mettre à la place des pauvres, qu’y voulait limite l’étouffer, l’empoisonner.
L’savait plus où s’foutre
Il s’est même excusé, le brave homme
Tellement Zézette elle a d’l’aplomb
Ce jour-là, elle s’est vu offrir trois tranches de pâté, pis des belles, une de chaque sorte.
Elle a ‘core réussi à le culpabiliser.
Résultat il a dû sortir de sa caisse une grosse pièce pour que Mademoiselle Zézette puisse s’acheter une baguette
Y’aurait encore eu des couverts jetables, il était bon pour lui fournir le couteau et l’assiette.
Nannn.
Ah bah si elle a pas froid aux yeux la Zézette
Y’a pas que les riches qui s’habituent à plus regarder la misère en face
J’voudrais pas dire mais quand même, y’a quand même des…



Sophie

 

« Tu me tiens, je te tiens »


Je le regarde fixement, il me regarde intensément. Ma main caresse à peine son menton, sa main serre le mien, un peu trop fort, mais je ne dis rien. Ça fait partie du jeu. Mes lèvres ne bougent pas, j’ai l’habitude. Ses lèvres s’entrouvrent régulièrement, un moment de déconcentration, puis se referment rapidement quand il se souvient qu’il doit rester sérieux. Très dur pour lui de canaliser son envie de rire. Combien de temps restons-nous dans cette bulle, je ne saurais le dire. Ne veut-il pas perdre ? Sans doute. Mais comprend-il aussi que s’il rompt le charme, la vie reprendra son cours et que je lui annoncerai avoir autre chose à faire, des choses sérieuses, des choses de grand personne… ? Et qu’il lui faudra trouver un autre jeu, mais y jouer seul. Je l’avais vite compris moi, il y a 30 ans de ça. Mon père travaillait du matin au soir, ne revenant que pour manger rapidement et se reposer dans sa chambre tout le reste du temps. Notre seul moment de rencontre était le dimanche, où je devais encore le partager avec mes frères et sœurs. Alors, ce moment-là où, les yeux dans les yeux, la main au bout du menton de l’autre, nous étions liés par ce jeu si simple, était ma bulle de joie à moi, pétillante comme les bulles d’une coupe de champagne. Une bulle chaque dimanche, qui suffisait à me donner l’ivresse de bonheur qui me faisait attendre le prochain rendez-vous hebdomadaire. Je me souviens encore parfaitement de son visage, à l’avoir tant de fois fixé, jusqu’à ce poil long, noir et épais qui dépassait de son nez. A la fin, je ne voyais plus que ça… Et c’est souvent ce qui finissait par me donner le fou rire que je voulais retarder au maximum ! C’est incroyable comme mon fils lui ressemble aujourd’hui, sans ce maudit poil qui dépassait évidemment. Mais voilà, je viens d’y penser, et je sens le sourire commencer à tirailler mes lèvres, mes yeux se plisser et cette fois c’est trop fort. Me voilà éclatant de rire, au grand plaisir de mon fils qui jubile d’avoir gagné. Tout ça pour un poil que mon père ne prenait pas la peine d’arracher, j’en ris encore 30 ans après. Je n’aurais jamais imaginé ça !


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Et les voilà qui recommencent !

- La Janine, elle a encore acheté une paire de talons hauts et une mini-jupe ! A son âge !

Et : - Le père Boulard, il a perdu sa jument. C’était pourtant une sacrée belle bête. Y a vraiment des coups durs dans la vie !

Mais pourquoi font-ils ça ? Parler pour parler ! Chacun raconte la sienne, en même temps que chacun paie sa tournée. Moi j’ai pas demandé à être là. Mais j’ai pas le choix, pour moi le samedi matin, c’est « Chez Lulu » que je le passe. Papa qui parle, qui boit, qui rigole et moi, dans mon coin, mon cocktail jus d’orange et grenadine avec trois fraises tagada sur un pic. Et je les entends discuter avec Papa, tous ses copains. Comment ne pas les entendre ?! Ils parlent si fort. Et le contenu !? Toujours différent, et toujours pareil. Et enfin cette phrase tant attendue :

- Allez, à la semaine prochaine les gars !

Et enfin nous quittons le bruit et l’odeur de café et d’alcool pour le bon air frais de la grand place.



Léonie


Je me souviens. A chaque fois que j’entends ce tube à la radio, je me souviens. Et c’est un bon souvenir même si la parodie était un peu piquante pour la personne concernée.

Quand cette parodie a été jouée, j’avais 19 ans. J’étais en deuxième année d’école d’infirmière. Et c’était au tour de ma promo d’organiser  le bizutage des première année.

Je n’aime pas les bizutages. Ils sont souvent basés sur l’humiliation des nouveaux. C’est d’ailleurs ce qui nous était arrivé l’année précédente quand c’était moi la première année.

J’écoute d’une oreille distraite les propositions fadasses de mes co-étudiants. On est une grosse promo – 126. Je peux donc rêver dans le fond de la classe.

Les idées sont classiques, bêtasses, inintéressantes.  Et cherchent toujours à embêter les nouvelles recrues.

Au bout d’un moment, je ne sais pas ce qui me prend, je lance tout fort : « et si on faisait un truc sur Paulette ? »

Silence, silence profond. L’organisation vient de dérailler. Hé oui, Paulette, c’est la directrice de l’établissement. Je vous la fait courte mais il faut quand même que je vous la présente, Paulette.

Petite, vraiment petite. Permanentée, toujours sapée de noir, talons les plus hauts possible. Et surtout, ongles longs manucurés, bagues multiples, bracelets tintinnabulants. Bref, le portrait de TOUT ce que ne peut pas, ne doit pas être une infirmière. Elle n’est pas crédible quand elle vient faire le cours sur l’hygiène des mains et la tenue professionnelle.

Après le silence c’est un bourdonnement de ruche qui s’élève du groupe. L’idée fait son chemin. Ok pour un truc sur Paulette. Mais quoi ?

Tu penses à quoi ?

Ben j’sais pas

T’as une idée ?

Ben non

Re-bourdonnement. Soudain une des filles chantonne t’as le look coco. Mais à la place de coco elle dit Paulette. Et ça le fait bien.

Voici la promo penchée sur la table, à réécrire la chanson de Laroche Valmont. 3 couplets. On parle des talons hauts, des mains manucurées, des bracelets tintinnabulants. Dommage qu’elle soit si bien apprêtée Paulette. On aurait pu parler d’un poil de nez noir qui dépasse. Bon à force de se triturer les méninges, la promo accouche de son pamphlet musical. Maintenant il faut décider de comment on va présenter ça. Alors bien sûr, on se tourne vers moi. Là, j’ai eu le temps de réfléchir.

Josiane ferait ça super.

Josiane c’est celle de la promo qui ressemble le plus à Paulette. Sauf que, comme elle est élève, elle n’a pas de hauts talons, pas de manucure, pas de bagues, pas de bracelets. Tout ça on peut arranger.

Josiane dit OK. Maintenant, yapuka.

-          Trouver la musique mais sans les paroles. Je vous rappelle qu’il y a 40 ans internet n’existait pas

-          Trouver les accessoires : dans une promo de 120 filles, c’est fastoche.

-          Apprendre les paroles qu’on chantera tous ensemble.

C’est parti. Le jour J arrive. On fait quelques blagues potaches pour les première année : enlever les chaussures qu’on met en tas ; poser une question hyper technique sur le métier …

Et l’apothéose. La parodie. Moi, je ne fais rien de spécial. Je regarde et je savoure. Les yeux des première année qui pétillent comme des bulles de cidre ; le sourire énorme des troisième année ; l’enthousiasme de ma promo. En fait c’était une pas si mauvaise idée que ça

La chanson se termine les élèves applaudissent et en redemandent ; l’équipe enseignante est figée : jamais, au grand jamais, quelqu’un n’avait osé s’attaquer à Paulette depuis toutes ses années de responsabilité.

Paulette se lève, remercie, vient embrasser Josiane et dit que c’est la première fois qu’on fait quelque chose comme ça pendant un bizutage.

L’après-midi reprend son cours.

Il y aura des suites : Paulette a convoqué Josiane pour savoir comment on en était arrivé là. Puis elle a convoqué les leaders de la promo. Ils ont fini par craquer et m’ont dénoncée.

Cela n’a fait que renforcer la rancune que Paulette me portait. Car vous l’avez compris, Paulette et moi, c’était pas le grand amour. Mais j’aurai jamais imaginé qu’elle avait si peu d’humour.



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Hé les filles, vous savez pour la Francine ? J’sais pas si je peux vous l’dire mais c'est gros. Elle a été arrêtée par les gendarmes. Si ! Si ! Ben, la s’maine dernière. Au Franprix. Passqu’elle avait fauché un caddy. Ouai, un caddy. J’te jure, elle est pas ben maline la Francine. Ah bon ? Elle a un caddy à elle ? T’es sûre ? Comment t’es sûre ? Il est tout rouillé ? Ha c’est vrai qu’ça f’rait pas top au Franprix un caddy rouillé. Mais alors, pourquoi qu’la maréchaussée ils l’ont arrêtée ?  A cause de c’qui y’avait dans son caddy rouillé ? Noooooon ? Pour de vrai ? Des escarpins Louboutin ? Y vendent ça au Franprix ?