vendredi 16 décembre 2022

Atelier d'écriture du 10 décembre 2022

Quatre exercices ont été proposés par Laure pendant cet atelier : 

- Ecrire un poème à la gloire d'un objet du quotidien

- Se laisser cueillir par la couverture d’un livre dans la médiathèque, puis inventer un texte pour dire ce que cette couverture m'évoque, m'inspire

- Décrire un paysage vu par un animal, sans le nommer 

- OU décrire une scène banale du quotidien vue par trois points de vue différents



Sophie

 

Je te regarde sans cesse
Je te touche, presque te caresse.
Avec moi tout la journée,
Accrochée à mon poignet,
Tu rythmes tous mes mouvements
Comment pourrais-je faire autrement ?
Je suis dépendante de toi
Je ne peux pas vivre sans toi.
Si un jour, dans le feu de l’action,
Je t’oublie sur la table du salon,
Il me faut très rapidement
Te trouver un remplaçant,
Pour tenir, jusqu’à ce que le soir
J’aie le plaisir de te revoir.
Et pourtant rien n’est plus relaxant
Que quand, pour quelques heures seulement,
J’oublie que le temps m’est compté
En te posant sur ma table de chevet.

 

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Il existe des moments inoubliables, qui restent éternellement dans les souvenirs. Une sensation de douceur comme des plumes que l’on caresse. Un moment d’innocence comme seul un enfant peut offrir. Un rayon de lumière qui réchauffe et qui rassure. Ça ne prend pas tout la place, c’est juste tapi dans un coin. Mais c’est si fort et si beau, que ça gagne tout l’espace. Qu’y a-t-il donc à ajouter ? Juste une ronde de bonheur : trois petits mots qui disent tout, l’amour, la joie, l’éternité. Toi, moi, lui, nous ensemble. Ces instants de chaleur sont dans nos trois cœurs, à jamais. Tous les trois.

Texte inspiré du livre Tous les trois de Gaël Brunet.

 

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Une vieille souche déchiquetée. Son ancien tronc git encore à côté, couvert de mousse et de champignons. Un jour d’orage, la foudre les avait séparés. Plus loin le petit chemin qui s’en va tellement loin que le regard n’en voit pas la fin. Il faut vite le traverser et retourner se cacher de l’autre côté, sous le fourré. Ouf. On peut continuer. Toujours tout droit jusqu’à la clairière, ça c’est le plus facile à faire. L’excitation est à son comble, le but est bientôt atteint. Ça y est, j’aperçois la chaumière et son joli petit jardin. Je ne suis plus qu’à quelques mètres, à moi le bon petit festin. Quand soudain je suis stoppé net. Infortuné ! Mon accès a été bouché ! Adieu tout ce qui me donnait faim. Pas moyen d’aller plus loin !  



Hélène

 

Eh oh, eh oh, ça roule ma poule
Plus vite qu'à pied
Vive la liberté
Tu prolonges mon corps
Avec un peu d'effort
Et je file
Agile
Pneus gonflés
Chaîne graissée
Tu me mènes
Là où j'aime
Sans autre contrainte
Même dans le train
Pour aller plus loin
Bien équipée de bas en haut
Quelle que soit la météo
Pas besoin d'essence
Ça fait la différence
Je te gare partout
Tu es vraiment chou
Toi mon vélo
Tu me portes sur ton dos
Et nous glissons
À l'unisson
Toi ma bicyclette
Tu me rends guillerette
Ta sonnette
Ta trompette
Et ton rétroviseur
Me mettent du baume au cœur
Dans le flot des voitures
Je me sens plus sûre
Mon destrier d'acier
Tu me plais
J'ai le cœur gai.


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« Petits pois, coquelicot et drosera. »

 

Je vous connais

Quels voyages !

Sans âge

Dans quel paysage ?

- voyage dans mon potager, légumes, fruits, herbes, j'en mets plein mon panier. Hum, je vais les déguster

- voyage au bord des chemins, les talus m'en offrent des brassées. Chaque saison, c'est selon. Hier l'herbe sèche était toute givrée et les oiseaux n'avaient pas encore béqueté toutes les boules du houx.

- voyage dans les tourbières en Ecosse, découverte improbable, il y a quelques années. Ouverture sur l'inconnu. Découverte de cette carnivore, si discrète, si élégante

- voyage ici ou là. Mystère des graines qui germent

- voyages, souvenirs

Des eucalyptus au Portugal

Des oliviers en Israël

Des palmiers en Tunisie

Des pommiers dans le pré à côté

Des saules les pieds dans la Touques

Des orties dans le jardin de Béatrice, pour la soupe ou pour infuser

- voyage ici ou là

Mystère

Mais belle réalité

Pour voyager

Même sans forcément

Beaucoup bouger.

 

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La rivière coule de plus en plus doucement, faut dire qu'il fait chaud. Bien chaud, bien sec, le niveau a baissé comme jamais.

Facile de la longer, les pattes à peine mouillées. Le saule pleureur me caresse le dos. Les rats se sont planqués. Les canards se sont envolés en me voyant passer, et les poules d'eau ont fui dans le pré où les fourrés de ronces serrées entre mêlées, m'empêchent de passer...

Continuer le long de la berge qui devient un muret facile à escalader...

Me voilà dans un potager.

L'hiver dernier, il y avait un poulailler, mais l'endroit est désert, éclairé d'un réverbère.

Les maisons se resserrent.

Le goudron sous mes pattes me chauffe les coussinets.

Le jour se lève à peine, je n'ai rien trouvé... Je me sens fatigué... Toute la nuit à chercher sans succès.

Tous ces gros cubes gris, aux couvercles verts, sont un vrai défi, trop lourds à renverser. Derrière l'immeuble en briques, tous alignés, l'un d'eux n'a plus son chapeau, j'y saute aussitôt.

L'odeur me laisse à penser que je pourrais y trouver......Ouais ! Un demi sandwich jambon fromage, le papier est facile à déchirer.

Me voilà sauvé.

À peine régalé de ce petit déjeuner, un énorme bruit de moteur, et de benne qui bascule me fait déguerpir, jusqu'au square à côté, où je vais pouvoir me cacher pour digérer et me reposer.



Laure

 

« Mon arc en ciel »

 

Oh toi mon adorable
Mon grand, mon petit
Tu es un compagnon
Parfois abordable
Parfois hors de prix
Mais souvent mignon 

Oh toi mon capricieux
Quand il fait froid
Tu peux rester figé
Et quand il pleut
Tu baves parfois
Et ça me casse les pieds 

Oh toi mon intemporel
Qui sert au-delà les frontières
Pour servir de guide
Je te souhaite la vie éternelle
Aujourd’hui comme hier
Solide ou liquide

Noir, rouge, vert, bleu
Et plus encore
Jaune, orange, violet, rose
Tu es toujours radieux
En tout occasion raccord
Et chaque fois tu oses 

Je ne te quitterai pas
Mon merveilleux stylo

 

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« Tic-toc »

 

T’as des tics
J’ai des tocs
Ça fait tic/toc
Drôle de son de cloche
Ça fait tic, tac, toc
Tes tics te rendent marteau
Mes tocs me rendent zinzin
La tuyauterie « clac »
Le robinet « clic »
Clic-clac
Drôle de son de cloche
Ça fait clic-clac
T’es un machin tip-top
Je suis une machine flip-flop
Tu flippes quand je suis tip-top
Car dans la tête ça fait boum-boum
Le petit vélo là-haut
Tourne et tourne et ça déraille
Faudrait pas que ça nous échappe
Mais ainsi va la vie
Ça fait clac
Ça clic
Clic-clac kodak c’est dans la boîte
Ça fait des tops
Parfois on flippe
On se tire à toute berzingue
A bicyclette, en brouette ou camionnette
Broum-broum
Ça éclabousse, flic, flac dans les flaques
Quelle heure est-il j’ai pas ma montre ?
Accélère Alfonse je flippe on est à la bourre.
C’est l’heure du thé,
Mamie va péter les plombs
Je ne voudrais pas que Dame Ginette me pique ma tasse.
Prends tes clics, tes clacs et ton doudou
Cherche pas chouchou on va faire grincer les pneus
Aller zou Mister Toc-Toc
Seront-ils à l’heure ?
Mystère et boule de gomme !

 

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« Trois drôles de visiteurs ! »

 

A : Putain, le machin !

B : Oh la vache !

C : Mais qu’est-ce qu’il est chou !

B : Chou ?

A : Chou ?

C : Mais oui regardez, il est super méga-chou.

A : T’es pas sérieuse, beurk, il me dégoute.

B : Moi il me fait peur.

C : Mais vous avez vu ses yeux ? Regardez ses yeux. Pétillants de malice, noirs brillants.

A : Ses yeux son larmoyants, sales, il n’y a rien de très mignon.

B : Ses yeux sont effrayants. J’ai l’impression qu’il veut me dévorer.

C : Et son nez est à croquer. Ni trop petit, ni trop gros. On dirait un dragibus noir. Mes préférés.

B : Son nez est assez gros pour me sentir et se dire que je suis de la bonne chair fraîche à déguster.

A : Son nez coule on dirait qu’il va éternuer. Manquerait plus qu’il s’approche. Rien que d’y penser ça m’écœure. Sans parler de ses oreilles, poilues et toutes mélangées. Je le trouve affreux.

B : Ses oreilles sont gigantesques et il pourrait m’entendre à des kilomètres.

C : Ses oreilles sont comme il faut, j’aimerais qu’il me chatouille avec les poils qui dépassent. Lui faire un gros câlin.

Annonce : Mesdames et messieurs, nous informons notre aimable clientèle que le parc va fermer ses portes dans 15 minutes. Veuillez vous rapprocher de la sortie.

A : Ouf, encore un peu plus et je vomissais.

B : Sauve qui peut, j’espère ne pas faire de cauchemars cette nuit.

C : Attendez, il nous reste du temps pour passer à la boutique souvenirs. Je crois que je vais m’offrir la peluche du chimpanzé !



Maïlys

 

Partout où je passe
Toujours avec moi une tasse

Qu’elle soit bleue, rouge, marron
Elle contient toutes les boissons

Thé vert, thé noir, thé à la mangue
Les savoirs fondent sur ma langue

Sortir de la torpeur le matin
L’infusion du soir qui réchauffe les mains

C’est si agréable cette chaleur
Qui se répand jusqu’au cœur

Une tasse calée devant le nez
Eloigne les mauvaises pensées !

 

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Ils sont là, stoïques. Ils la fixent tous pendant qu’elle témoigne. Les larmes au bord des yeux, les mains tremblantes qu’elle cramponne à la barre, elle raconte de nouveau l’histoire. Les regards sont mêlés de pitié, de dégoût, de compassion, un peu, pendant qu’elle déverse son flot de paroles. Elle se sent mise à nue, encore une fois. Cette fois-ci c’est figuratif. Elle aimerait s’enrouler sur elle-même, se cacher dans ses cheveux, échapper à ces regards si pesants. Mais elle s’exprime et c’est si important. C’est important pour elle, pour sa reconstruction. C’est important pour que ce serpent paye, qu’il ne fasse plus d’autres victimes, plus jamais. Alors elle continue de parler. Tenter de se vider de la colère, de la tristesse, de la peur. Au milieu des visages stoïques elle repère ceux qui sont bienveillants, qui la soutiennent d’un hochement de tête, d’une larme à l’œil. Elle n’est pas seule dans ce combat. Elle a fini de parler, se rassoit. Son avocate pose une main réconfortante sur son bras. Plus tard le verdict sera donné, elle ne préfère pas trop y penser. Pour l’instant elle se sent courageuse, et c’est tout ce qui compte.

Texte inspiré du livre Vilnius poker de Ričardas Gavelis.

 

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Sarah aperçoit Clémence qui s’approche du café pour rejoindre ses amis. Elle lui fait un signe à travers la vitre. « On est là ! » Mais Clémence n’a pas le temps de voir le dernier mot s’inscrire sur les lèvres de son amie, son pied butte contre le trottoir. Patatra, elle s’étale de tout son long, mains en avant sur le goudron.

Charly explose de rire. « Elle ne s’est pas loupée, notre Clem nationale ! » Une main sur les côtes, l’autre sous ses yeux mouillés, il n’arrive plus à s’arrêter. « C’est pas possible, c’est toujours à elle qu’il arrive des trucs pareils », se dit-il.

Pendant ce temps, Caroline s’insurge : « Mais t’es con ou quoi ? Elle s’est peut-être fait mal, peut-être qu’on va devoir l’emmener à l’hôpital ! » Elle commence à se ronger les ongles frénétiquement, regarde anxieusement ce qu’il se passe derrière la vitre.

La seule qui s’est levée, c’est Sarah. Son amie n’avait pas encore touché le sol qu’elle se précipitait déjà dehors pour lui venir en aide. « Ça va, rien de cassé ? » Elle s’accroupit, l’aide à se relever, frictionne son dos d’une main réconfortante.

Mais Clémence a le regard rivé sur ses deux amis dans le café. Leurs réactions opposées font monter en elle une secousse, puis deux, c’est maintenant elle qui est prise d’un fou rire. Puis c’est au tour de Sarah, et même des passants qui sourient de cet enthousiasme.

Ouf, plus de peur que de mal !

mardi 22 novembre 2022

Atelier d'écriture du 12 novembre 2022

Dans cet atelier, il s'agissait d'écrire des textes… à chute ! 

Voici ce que nous avons imaginé pour étonner les lecteurs.



Rose

 

« Une boîte »

 

J'ai une petite boîte.

Dans cette petite boîte il y a des trop belles....

Oh non mes petites chéries

Où elles sont passées

Mes si belles

Chaussures

 

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« Le gardien du trésor »

 

Il était une fois

Un gros trésor.

Le trésor se trouvait dans une grotte.

Mais à cette époque, personne ne savait où il était.

Sauf le dragon.

Le dragon s'appelait Lave.

Mais un jour un voyageur s'approcha du trésor.

À un moment, le voyageur poussa la pierre qui protégeait le trésor.

Le dragon brûla le voyageur et le trésor fut protégé.

Fin.

 

 

 

Hélène

 

« Je sors ce soir »

 

Je monte l'escalier quatre à quatre

J'aurais dû mettre mes baskets

Mais j'avais pas prévu

C'était pas prévisible

C'est arrivé si vite

Ça m'a fait peur

Encore un bon kilomètre

La place à traverser

Vais-je y arriver

Tourner à droite

Une longue ligne droite

Encore des marches

Et après les graviers

Sans me tordre les pieds

Heureusement

Je ne suis même pas essoufflée

Il faut que je sorte mes clés

Ploc Ploc ploc

Je les avais à l'œil

Tout en filant

Ce ciel noir

Et ce vent violent

Ploc Ploc ploc

Le temps de clancher la porte

Et la trombe d'eau

S'abat comme un rideau

Je suis sauvée

Je sors de chez le coiffeur

Ça a failli être une horreur.

 

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Nicolaï et Domino sont à la terrasse du café.

Des plans, ils en ont déjà tant fomenté.

L'excitation monte.

Lulu leur a donné jusqu'au 13, et c'est demain, pour lui livrer la marchandise.

Domino, ce matin, a trouvé un trèfle à quatre feuilles et Nicolaï est venu avec sa chevalière gravée d'une belle coccinelle.

Rester les pieds sur terre, bien tout calculer, chronométrer, chaque pas va être compté.

Tout est prêt.

OK pour y aller... après être passé à la caisse.

Direction le grand mur d'enceinte à franchir, le parc à traverser sous les grandes futées dont les ombres s'allongent, s'étirent sous cette belle lune ronde.

Les voici à la porte des

de Magny, de Goncourt, de Bellais

Dont le dernier est décédé cet été.

C'était Gaston, copain de boisson de Nicolaï, copain aussi pour les confidences, floues, mais joviales et prometteuses.

Aller, direct au placard sous l'escalier

Où, dans le secrétaire,

Le secret est délicatement ouvert.

Domino arrive à y extraire la petite boîte en bakélite, après mille précautions.

Mais Nicolaï s'impatiente, en tenant la porte entrouverte pour profiter d'un rayon de lune.

Un chat noir surgit avec un miaulement strident, entraînant avec lui tous ses copains, dans un courant d'air qui claque la porte.

Une bonne dizaine de chats hirsutes courent dans les couloirs où Nicolaï, qui siffle Domino, se met à courir lui aussi.

Domino met le coffret dans son sac à dos et ferme cette course folle, à la recherche d'une fenêtre d'où pouvoir sauter pour sortir.

Ça y est, les deux compères montent sur un vieux fauteuil et sautent ensemble.

Plouf !

Dans les douves, les crapauds et herbes folles leur font bon accueil.

Il est minuit.

Les cloches de l'église le disent.

Dégoulinants, il faut à nouveau traverser le parc, escalader le mur et prendre le temps, enfin, de s'asseoir dans un fourré pour ouvrir le coffret, où, stupéfaction,

est bien rangée, pliée en quatre, la photo d'un gros diamant tout brillant, étincelant.

Adieu...

Lulu...

C'est foutu.




Mickaël

 

Il a peur, elle aussi.

Elle se prépare à fuir, il se prépare à combattre

Sans la quitter des yeux, il attrape le manche de son arme

Sans le quitter des yeux, elle prie de toute son âme

Elle tremble, lui aussi

Il se lance à l’assaut, elle se sauve dans un sursaut

Il l’a loupée, elle s’est sauvée, bien trop agile cette araignée

 

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Une course contre le temps des boulets plein les pieds

Ça ne va pas être simple mais on va y arriver

Enfin je crois, j’espère, je n’ai pas la foi mais je prie pour ça

Il va falloir tout changer, perdre nos mauvaises habitudes

Plonger vers l’inconnu, loin de nos certitudes

Tout le monde doit s’y mettre mais beaucoup restent à convaincre

L’ignorance et la peur, c’est elles qu’il nous faut vaincre

Par-delà les frontières l’espoir doit se transmettre

Aux arbres et aux enfants, aux armes pour notre planète.

Plus de suspense, on sait où cela nous mène

A nous de combattre sans armes, sans violence et sans haine.

 

 

 

Camille

 

« Amor »

 

Nous chantions à tue-tête

Nous nous prenions dans les bras

Nous parlions à grandes voix

Nous dansions sur des airs de fête

Nous riions aux éclats

Nous succulions cette belle joie

 

Du creux de cette magie

Je profite de la nuit

Pour t’enlacer

Alors tu me souris

A ton regard je compris

Que tu allais m’embrasser

 

Ainsi notre énergique insomnie

Ne fit plus de bruit

Et les mots nous auraient embarrassés

Chut…

 

 

« A mort »

 

Aurait-on pu mieux déguster

Ces instants plein de vie ?

Qu’on aurait voulu infinis

Ce bonheur dans nos mémoires incruster

Comble le besoin d’une existence assouvie

Tandis que s’écoule toute la nuit

 

Ces élans qui s’émerveillent

Colorent l’urgence avant le grand sommeil

Chut…

 

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Les présages de la cartomancienne me restaient en tête. Sa boule de cristal avait formellement confirmé. J’avais moi-même l’impression maintenant de visualiser clairement ma destinée et ma destination. Bien sûr, si j’en parlais à ma sœur, elle rétorquerait que mes bêtises sortent tout droit d’un conte de fées. J’avais beau essayer de rationaliser, la vue du manoir étincelait dans mon imaginaire, c’était plus fort que moi. Je nourrissais mille scénarios comme pour écumer la liste des possibles et me préparer à toutes les éventualités. Finalement cette période prospère en pensées mais bien stérile en actions dura quelques temps. Comme si je succulais par avance. Comme si je redoutais au fond que la mer emporte mon château de sable avant même que je l’achève. Quand je réalisai que plusieurs semaines s’étaient écoulées, je dus me rendre à l’évidence et questionner, au fond, mes appréhensions. Cette introspection initia un tournant et fut le moteur de ma mise en mouvement. Je bouclai ma valise avec détermination, sans aucun doute. D’habitude, je prépare des listes, et mon intuition sent quand j’oublie quelque chose. Là, j’étais sûre de moi. Je ne dis rien à ma sœur. Il était hors de question qu’elle interfère, me refile son lot de préjugés, de désapprobations, me remplisse d’hésitations. Non, maintenant que je me sentais prête, je m’élancerai sans un avertir personne. J’aurai tout le loisir plus tard de lui raconter. Avec les prophéties de l’oracle de mon côté, je ne me sentais ni seule ni perdue.

J’étais en bonne route et j’avais parcouru le plus gros chemin quand je regardai en arrière, avec une montée d’anxiété irrépressible. Et si… Et si… Et si… Et si jamais… Et si cela… Et si ensuite… Et si ceci… Et si bien que, dans le train lancé à pleine vitesse, j’aurais sauté en marche au péril de ma vie si je m’étais écoutée. Mais l’angoisse qui monte me paralysait, bien plutôt. Je tremblais, les impatiences de mes jambes devenaient bruyantes et incontrôlables. Je commençais à perdre pied (… et jambe !) quand soudain la main de ma voisine se posa délicatement mais fermement sur mon genou. Silencieusement, cette dame au sourire discret et au regard tendre avait trouvé à apaiser la tension interne qui m’avait envahie. Elle n’eut rien besoin de rajouter. Elle resta là, dans ce contact inattendu de proximité physique, en tant qu’étrangère. Et… étrangement, sa présence soutenante me fit l’effet d’une mère calmant son nourrisson en proie aux sensations ingérables par lui-même. Il se sembla qu’elle venait en prolongement de ma diseuse de bonne aventure. Elle m’apparut comme une bonne fée, un ange gardien au cœur de mes tourments. Et dans ce nuage se dissipa ma peur. La scène était digne d’un tour de magie. Quand je cherche à me remémorer ce qui se passa ensuite, j’ai du mal à reconstituer le déroulement. Combien de temps me fixa-t-elle calmement ? Ai-je soutenu son regard longtemps ? Le train entra-t-il en gare rapidement après ? S’éloigna-t-elle vite ? S’ensuit l’image de l’attente sur le seuil de la porte, où je suis happée par la magnifique serre accolée à cette demeure sublime, attendant que le majordome m’ouvre et que je fasse mon premier pas dans ma nouvelle vie.

 

 

 

Laure

 

« Clic »

 

Réveil en sursaut.

Mes yeux encore embués par une nuit magique.

Je rassemble mes idées.

J’essaye de me concentrer.

Quel jour sommes-nous ?

Oh punaise. Ce n’est pas vrai. On y est !

C’est le jour J.

Un des jours les plus importants de ma vie.

Il faut que tout soit parfait.

1h pour se préparer.

Ça va être chaud.

Choisir ma tenue, make-up, me lisser les cheveux…

Ma robe bleue ?

Pff non je pense que Mathilde aura la même.

Ok je mets la verte plissée style vintage.

Mes jolies bottines. Accessoires assortis.

Chaque année c’est la même comédie.

Enfin celle-ci compte beaucoup plus encore.

C’est la dernière.

Faut dire que ce n’est pas rien.

Ça reste à vie ce moment est gravé à tout jamais dans les archives de tous.

On peut même les retrouver sur les réseaux.

Bref, je ne veux pas rater mon coup.

Dernier coup d’œil dans le miroir.

Ok validé.

A côté de qui je serai cette année ?

Episode 17.

Lycée Jean Rostand – Caen.

Dernière année de BTS.

Photo de classe du 18 septembre 2022.

 

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12 novembre 1972

Dans un silence intense la foule retient sous souffle.

Les regards intenses fixés vers l’horizon.

Des regards parfaits embués de larmes prêtes à glisser sur les joues rouges du matin glacé de cette journée particulière.

Des regards plissés pour ne rien rater.

Des regards dans le vide histoire de ne pas imaginer ce qui va se passer.

Des regards perdus dans l’horizon profond, fixés vers ces lumières de l’autre côté de cette étendue aqueuse si imprévisible.

Je suis comme les autres à cet instant, unis avec eux dans l’attente de ce moment particulier.

Mon cœur battant parfois un peu plus fort qu’un élan commun fait que l’on imagine que ça y est.

Qui recevra en premier le message, l’information que nous serons à ce moment, cet instant, ce rendez-vous et que cela engendrera un unisson collectif.

Je sens mes orteils gelés se crisper et s’ancrer dans le sol pavé de cette esplanade.

Mes muscles se tendent et figent et le froid glacé a envahi tout mon corps. Mes yeux figés vers là-bas.

Je me sens seule dans cette douleur atroce que mon esprit provoque à mon corps.

J’aimerais attraper la main de mon voisin, le serrer fort dans mes bras pour lui partager mon angoisse mais je n’y arrive pas.

Cette attente est si grande.

Déjà six mois que nous avons vu notre existence bouleversée.

Des chuchotements arrivent à mon oreille et mon cœur s’accélère, je regarde autour de moi ne comprenant pas ce qui se passe. Les chuchotements s’intensifient mais je ne vois pas de signal.

Est-ce que ça y est ?

Mon regard se pose dans celui de mon voisin.

Mon interrogation est la même que lui, et que celle de tous.

Y est-on ? Est-ce le moment ?

Je saisis mon bagage posé au sol. Mon ombrelle à l’autre main. Cela fait déjà 4h que nous y sommes et je m’impatiente.

Le froid a laissé place à la chaleur d’un soleil éclatant.

Et si le signal ne venait pas à nous ?

Et si on nous avait oubliés ?

Et si de l’autre côté tout était comme avant ?

Etait-ce une chance d’avoir été débarqués de ce côté-ci et mis dans cette prison dorée ?

Je ne m’étais jamais sentie aussi seule que ces derniers mois, aussi isolée.

J’avance pas à pas parmi cette foule immobile.

Mon instinct désireux de mettre mon corps en mouvement.

Est-ce que je perds la tête ? Le contrôle de moi-même ?

Ou est-ce la bonne décision ?

Vivre et être libre même si ce n’est que quelques instants.

Au début je suis perdue et me heurte dans mon parcours.

Je sens que la foule figée se dresse dans ses battements de cœur, contre moi, contre ma décision de me mettre en mouvement.

Le silence est de mise. Le silence est de mise depuis six mois déjà. Depuis que l’on est venu nous chercher pour nous parquer là.

Ah oui nous n’avons manqué de rien mais interdit le plus important : l’information, la pensée et la parole.

Ça suffit même si c’est pour la dernière fois je veux savoir ce qui m’attend de l’autre côté et même si cela m’en coûte.

Je sors de cette foule et me retrouve au pied de ce magnifique pont et je passe la barrière interdite.

Mon cerveau ne réfléchit pas et je suis déterminée.

Ne pas se retourner et avancer.

Au milieu du pont je prends une grande respiration et finis de le traverser.

Personne à la seconde barrière.

Je me retourne. Je suis seule.

Personne ne m’a suivie.

Je passe cette seconde barrière et quitte cette bulle qui ne m’est plus supportable.

12 novembre 2022.

M’y revoilà, tout est chaos, détruit et anéanti. Mon cœur se serre. Si j’avais su.

 

 


Marie

 

La neige, la neige sur le prunier

en avril ?

Non un duvet d’oiseau

Comme un espoir sur l’avenir

 

Un anneau d’or au doigt

La mariée sort de l’église

 

Le soleil baigne son front

Trop chaud dans l’étang et

Ressort avec à son cou

Un collier de poissons rouges

 

Mon cœur, mon cœur bat trop vite

Comme un oiseau qui veut sortir de sa coquille

Suspendue sur le fil barbelé

L’araignée comme une note de musique. Alléluia

 

Coccinelle sur mon doigt vole

Envole-toi vers ailleurs

Son du cor de chasse au fond des bois

Cachez-vous, biches et renards

 

La lune me sourit cette nuit

Derrière les nuages où vas-tu avec

Ton voile en dentelle ?

Ça ne te regarde pas

 

Le lézard aux yeux d’or grimpe sur le

Lierre du mur d’en face

 

Hirondelles sur mon balcon

Pépiements battements d’ailes

Retour du printemps

 

Il pleut il pleut mais le soleil essuie

Les cheveux et les pieds de sa

Sœur la pluie

 

Mignone bouille rouge du bébé endormi

Sous le tilleul trop tôt parti

 

Une trompette dans la nuit

Les voisins : chasse aux canards

Cerisier avec ses beaux fruits rouges

Quelle chance plein de boucles d’oreille


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Jour de Pâques 2018 – 1er avril

Fête de la résurrection explique notre Pasteur. Poisson dans le dos, les enfants les petits mais aussi les grands trouvent les œufs dans le jardin fleuri dans les haies et au pieds des arbres.

Réunion à 13h repas pris en commun, 13 à table.

Non pas possible. Au dernier moment un voisin bienvenu apporte d’autres boîtes de chocolats.

Super restez avec nous, partagez les œufs et le pain.

Et puis à 16h tous les invités et la famille partent.

Pierre sort : il y a une fuite d’eau au compteur dans les champs.

Pourquoi tu t’inquiètes à cette heure-ci.

Une heure passe. La fuite doit être importante.

Je sors, j’appelle, personne ne répond.

Je cours, j’attends, je reprends ma course.

Je perds mes chaussures dans la boue je m’en fous.

Un corps étendu. J’appelle, pas de réponse.

Pompiers Samu, poussez-vous, poussez-vous.

C’est un joli jour pour partir

Le jour de Pâques.

Tu parles d’un poisson !

 

13.11.2015

Ça commence, ça recommence

Encore.

J’attends trop longtemps.

 

 

 

Maïlys

 

Depuis que je la connais, elle se tient souvent là près de moi

Elle ne se laisse pas trop approcher, c’est comme ça

Mais elle m’écoute sans broncher, sans langue de bois

Si elle fait une bêtise éhontée, je lui pardonne ce trépas

Je suis très attachée, m’en passer je ne pourrais pas

Oui elle est très aimée, en même temps c’est mon chat

 

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Je me suis réveillée ce matin, un bruit inhabituel imprimé dans les oreilles. Comme une petite mélodie très ténue, qui ne me quitte plus. Ça me dit quelque chose, mais où l’ai-je entendue ? Cette nuit j’ai fait des rêves étranges, je voyais des poupées me sourire, de grandes tasses à la main. Elles étaient un peu flippantes, ces marionnettes aux grandes dents. Mais que m’arrive-t-il enfin ? A midi je retrouve ma sœur pour manger. Alors, prête pour l’aventure ? L’aventure ? Ne me dis pas que tu as oublié ?! Je n’ose pas lui dire que je ne vois pas de quoi elle peut bien parler. Vivement que se termine cette si étrange journée.

Sur le trajet du retour, les oiseaux pépient dans les arbres. La mélodie dans mes oreilles revient plus forte encore. Et si j’allais m’acheter une belle robe bleue pour la soirée de samedi ? Ça au moins, je m’en souviens, je m’offre même la permission de minuit. Le magasin est éclairé de fausses chandelles, d’autres rêves de la nuit me reviennent. Des chandelles qui parlent, qui chantent cette mélodie qui ne me quitte toujours pas. Mais pourquoi donc s’accroche-t-elle comme cela ? Non ce n’est pas possible, je deviens folle ! Qu’est-ce que j’ai bien pu oublier ? Mon téléphone sonne. Un sms de ma nièce adorée. J’ai trop hâte pour demain ! Demain ? je lui fais. Ben oui, c’est demain qu’on va à Disney !!! La mélodie se fait soudain plus claire. Nanananana nanananana… C’était donc ça, les poupées, les tasses, les chandelles… Ce soir je pourrai m’endormir sur mes deux oreilles, maintenant je sais que demain, en compagnie de ma nièce, je vais passer la plus magique des journées.