Dans mes lectures de cet été, une collection s'est trouvée être source de bonnes surprises : la collection
roman ado chez Actes Sud.
Dans Blog,
"Quand le narrateur découvre que son père espionne son blog, cette révélation lui fait l'effet d'une trahison, d'un « viol virtuel ».Révolté, il décide de ne plus lui adresser la parole.Pour se racheter, son père lui fait un don... une plongée dans le passé qui ne sera pas sans conséquence.Un roman généreux sur la filiation et l'écriture intime. "
Accrocs présente quant à lui une année scolaire au sein d'une classe de terminale, par l'intermédiaire de cinq jeunes qui racontent chacun leurs emmerdes, leurs histoires d'amour et de manipulation..
Dans Au rebond, un lycéen se retrouve face à la disparition d'un ami :
"Depuis toujours le narrateur vit dans une cité seul avec sa mère, . Christian, son seul vrai « pote », habite lui dans un quartier résidentiel avec un père, absent également car perpétuellement en voyages d’affaires. Mais ce qui unit les deux garçons, c’est le basket : les séances d’entraînement à deux, la dépense physique, le sentiment d’obéir à ses impulsions. Du jour au lendemain, Christian ne donne plus signe de vie. Qu’est-on censé faire quand un camarade s’évapore ? Peut-être forcer le destin."
Un extrait :
MARS, PREMIÈRE SEMAINE
D’ABORD, IL Y A LE SOUFFLE. Le souffle et les battements du cœur dans les oreilles. Le bruit sourd et répétitif, la ligne de basse d’un morceau de rock, un rythme lancinant. Et puis le souffle, oui. Juste le souffle. Détaché. Couvrant les autres sons. Couvrant le son mat de la balle qui rebondit sur le parquet. Même celui des baskets qui crissent au gré des déplacements des joueurs. Celui des appels mi-angoissés, mi-énervés de mes coéquipiers et de l’entraîneur, sur le banc, au bord du terrain. Je n’entends que mon souffle. Je ne ressens que la balle. Elle va et vient. Elle passe de ma main au sol, elle heurte le parquet et puis revient me caresser la paume. C’est un mouvement qui m’hypnotise. C’est un mouvement qui me berce. Je sens aussi les gouttes de sueur dans mon dos et sur mes tempes. Je déteste être en sueur. La seule exception, c’est ici, dans le gymnase, le mercredi et le samedi après-midi, lors des matchs de basket. Le souffle, le bruit de la balle, le cœur qui tambourine, je cherche des yeux mes partenaires. Je suis comme hors de moi. Je ne sais pas vraiment l’expliquer. C’est comme si je me détachais de mon corps et que j’intégrais un autre espace. Je ne souffre pas de douleurs dans les jambes, ni de celles qui devraient me vriller les épaules après le choc de tout à l’heure. Je suis là, les deux pieds arrimés au sol et le corps pourtant presque aérien, je maîtrise la balle, le temps et l’espace, et les autres patientent, ils attendent de savoir qui sera choisi.
Christian se démarque. C’est à lui que je fais une passe. Je sais qu’il va courir plus vite que les autres vers le panier adverse et qu’il va marquer. Christian ne manque jamais aucun panier en mouvement. Moi non plus, d’ailleurs. Les seuls tirs que je rate, ce sont les lancers francs. Trop de pression. Trop d’attente de la part des autres. Trop de peur de décevoir. Alors, je déçois.
C’est ça, je déçois. Régulièrement.
Je déçois ma mère parce que je ne travaille pas assez bien, parce que je ne suis pas assez serviable, parce que je ne sais pas faire plaisir, parce que je n’ai pas débarrassé la table du petit-déjeuner, parce que je me retire quand elle veut me faire un câlin. Je déçois ma mère surtout parce que je ressemble à mon père. Je déteste quand elle dit ça. En fait, je n’ai aucune raison de détester cette phrase, parce que mon père, je ne le connais pas. Il a pris la poudre d’escampette quand j’avais un an, apparemment à cause de moi, parce qu’un bébé, ce n’était pas dans ses plans, dans ses projets, et puis que je braillais tout le temps ; les trois premiers mois, il paraît que c’est normal, un bébé, ça pleure, alors il a pris son mal en patience, mais je ne me calmais pas, quatre mois, cinq mois, six mois, il paraît que j’étais anxieux, un bébé anxieux, il ne savait même pas que ça existait, et ça lui a fait péter les plombs, d’autant qu’après, j’ai commencé à faire mes dents. Ce qui est drôle, c’est que maintenant, j’ai des dents impeccables. Pas une carie, rien. Je me les lave trois fois par jour et je passe même le fil dentaire. Je déteste avoir des débris entre les dents, j’ai l’impression alors que c’est tout mon corps qui est sale, je pense à ceux qui me regardent et qui se disent “Il a les dents pourries”, qui détournent les yeux, lentement, l’air de ne pas y toucher.
En fait, je ne sais même pas si tout ça, c’est vrai, pour mon père, je veux dire. C’est peut-être simplement parce qu’il n’aimait pas ma mère, qu’il ne l’avait jamais aimée, qu’il s’était retrouvé dans une drôle de position, à un peu plus de vingt-deux ans, elle enceinte et lui obligé d’endosser un rôle dont il ne voulait pas. De toute façon, ça revient au même. On ne laisse pas tomber un môme. À la limite, on laisse tomber la mère, et on continue à garder le contact avec son gamin. Mais pas lui, non. Pffft, disparu. Il y a quelques années, un cousin a raconté l’avoir vu en région parisienne. Je me suis dit que j’allais me mettre à sa recherche, et puis non, finalement. J’avais autre chose à faire. Il fallait que je déçoive. Décevoir, c’est une occupation à plein temps."
On peut aussi noter la présence de trois autres collections chez Actes Sud dans le rayon jeunes adultes de la médiathèque:
- D'une seule voix. Une collection de textes à lire à voix haute, composée de monologues, livres courts et percutants
- Ciné-roman dans laquelle des réalisateurs de court-métrages adaptent leurs œuvres sous la forme de romans.
- Babel J où sont publiés des romans précédemment destinés aux "Adultes"
Bonne lecture !