samedi 10 novembre 2012

Atelier d'écriture 10 novembre 2012

Pour cet atelier, Annie invite chacun à fermer les yeux dans l'attente d'un objet qu'elle va déposer dans nos mains.
Trois propositions d’écriture :
  1. Contact sensation impression
  2. Evocation
  3. Souvenirs projets…
Les boites
Rectangulaire, granuleuse, parfaitement hermétique.
Intérieur tapissé d’un coussin de mousse synthétique. 2 trous pour des boucles d’oreilles disparues, je ne sais où, je ne sais comment, je ne sais rien.
Extérieur rouge grenat

Dessus : inscription gravée dorée : « Past times » temps passé / passe-temps.
Dessin ressemblant à une broche. Et si c’avait été une broche !
Un cadeau, en tous cas, sans doute. Anniversaire ? Quel âge avait donc la femme, c’est forcément une femme !
Souvenir du temps passé, anniversaire de mariage ?
La boite est un peu écornée, elle a donc servi, voyagé, avec son trésor. Bousculée, une petite tache ; l’intérieur est toujours aussi doux.
Resservira-t-elle ?
Pourquoi ce petit R encerclé ? R comme se rappeler, copie d’un bijou ancien ?
C’est vrai que j’ai du mal à jeter une boite. J’en conserve quelques unes : boites à chaussures, beaux ballotins, boite de cotons tiges, en carton, en plastique, en bois…Ces boites sont le souvenir de leur contenu.
C’est important une boite quand on fait un cadeau. Après le ruban denoué, le papier déchiré, la boite cache le cadeau. .L’attente est à son comble, l’excitation de la découverte avant l’enthousiasme ou la déception.
Main droite ou main gauche ? La main est une boite magique qui instaure une relation entre les personnes. Le cœur sur la main, les cœurs battent à l’unisson, les yeux s’observent, complices d’un secret.
La boite contient un secret. Même vide. Même vieille. Comme l’être humain.
Chacune est unique. Même fabriquée en série.
Caisse en bois, container : 6 faces comme le dé. Fermé, mais contrairement au dé, une face peut s’ouvrir, le haut, le côté.
Ma boite à moi, mon cercueil, en bois, matière vivante. Pas la peine d’y mettre cher, le plus simple est le mieux, bien sous terre. Terre au ras du sol.
Avant la mort, pas de boite. La liberté, toute, de respirer le soleil, de voir le ciel à chaque instant, d’entendre le frissonnement du vent dans les feuilles et le murmure des vagues et les oiseaux, les cigales.
Pas de boite. Nomade. Tant encore à découvrir. Emerveillement perpétuel.
Pourtant « past times », ne pas oublier d’où on vient, qui étaient-ils ? Quelle fleur, quelle semence ?
Le retour vers le passé est une boite noire, un tunnel, retour en arrière dans la nuit des morts sans voix parmi les âmes insaisissables qui font fi de toutes les boites. Ah ! l’infini…
Dites-moi, comment disait Pascal déjà ?
« Le silence de ces espaces infinis m’effraie. »
C
Petites boites
Petite boite peu encombrante, légère et lisse, sûrement un peu fragile. Sur un pan un trou avec deux aspérités qui pourraient presque piquer. Une odeur de papier, de bois s’en dégage. Je l’approche de mon oreille et la gratte avec la pulpe de mon doigt. On dirait le bruit d’une souris qui trottine. J’ouvre les yeux. Je suis un peu déçue de sa banalité, hormis l’opercule qui la compose. Cela ressemble à un trou de serrure qui n’attend plus que sa clé pour s’ouvrir. Sur une autre face je lis: savon d’Alep royal200g avec sa composition, sa provenance et son distributeur. Alep qui me faisait rêver, la Seyne sur mer que je connais très bien.
Alep, Syrie : pays actuellement divisé, dévasté, martyrisé. Je pense a ce peuple qui doit être bien loin des préoccupations d’hygiène du monde occidental .A tous ces martyrs opprimés qui souffrent sans issue visible je dis oui retrouvons vite la clé de la liberté.
Une autre boite me fascine : la boite de Pandore. Elle me fait peur. Car parait il lorsqu’on l’ouvre elle se déverse à l’infini, au fur et à mesure que l’on tire sur les éléments qui la compose. Elle n’en finit pas car elle est inépuisable. Mais comment peut-on imaginer une chose qui ne se terminerait jamais ? L’éternité plus un jour ?
AM
Elle pèse pas, elle pique pas, elle sent rin. Elle existe pas.
Caisse ? Dis-y pas caisse d’orange dis-y caisse dépêche.
Quelque part dans et autour de l’ailleurs. Je remonte à la surface.
J’ouvre la main, la chose tombe, petite boite innocente, comme la grenouille qui létargeait inoubliablement parmi les nouveaunénuphars. Cédant à la curiosité, elle sautait sur notre épingle recourbée adorée d’un chiffon rouge fauché au toréro local ou à la petite culotte de ma sœur. Récupéré, le petit animal glissait de sous mon pouce comme la boite mais plus vite et sautait vers son marigot. Ce soir, la nuit tombée, une planchette, une bougie petite, les attirant. Avec la ficelle, nous les tirons jusqu’à nous. A vrai dire c’était rare. Soit qu’elles étaient prises du mal de mare, soit nos mines patibulaires quoique enfantines, éveillaient leurs méfiance. Ceci-dit, les grenouilles ne pensent pas, exactement comme le carton astucieusement plié que j’ai dans la main gauche et qui commence à me briser sérieusement les phalanges. Soudain brisé aussi par l’émotion. Ah les souvenirs un parfum subtil, léger m’a frisé les naseaux. La boite a susurré nettement : rose fraiche. Logique. Pourrie ferait désordre comme les 30 minutes allouées à des âmes enfermées. Allez pour la plus belle, la poubelle.
B
Cette boite me fait penser au Kinder surprise, à l’intérieur se place pour moi une petite boite en plastique bombée qui bombe le torse pour faire sortir l’oiseau de mes rêves, en morceau pour l’instant, peut-être deviendra-t-il réalité cet oiseau de toutes les couleurs, asiatique, jauni par son enveloppe et noir de chocolat à l’intérieur. Pourrait-il voler cet oiseau ? Non, je ne le pense pas, car c’est un poussin et un qui pousse l’un pousse l’autre qui trébuchera dans cette marée de poussins à la cage n°10, tous anonymes très formatés autant les uns que les autres. Moi, finalement je vais pour l’adopter l’appeler, Alfred, mon poussin, ce qui veut dire AVIDE LIBERTE FOLLE RECHERCHANT ENVOL DURABLEMENT
Elle fait peur car elle se déverse sans arrêt.
M

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  1. Mes premières sensations sont simples = rectangulaire, avec vécue et entravée  entourée d'un élastique sans doute du fait d'une trop grande utilisation. Ma pensée va vers la boite d'allumettes. Je m'aperçois que mon imaginaire est bridé par manque de vue. Même si je n'aime pas le contact de l'élastique et de la pastelle ainsi que l'odeur de vieillot qui s'en dégage et le silence me gêne. Cette boite n'a aucune musique.
  2. L'ouverture de mes yeux est synonyme de l'ouverture d'état d’esprit, je découvre une petite boite nationalisée sur les cotés avec un dessin sous forme de fresque intitulé « Napoléon au tombeau du grand Fréderic (1806) » Et là, je découvre tout d'un coup, que je suis inculte merci  Annie pour ce samedi noir, ce 10/11, dont je me serais bien passé et je me rassure en disant que toute culture a une limite, comme un boite soit dit en passant. Comme je suis honnête (au moins intellectuellement) tout ce laïus pour cacher ma méconnaissance de cet événement. Bon allez je tente un nom de famille pour ce Frédéric = DARD, DIEFENTHAL, NIETCHE… En fait je m’en moque et passons à ce qui m’intéresse vraiment : la boite dite « idéale » (totalement imposée par Annie, encore cette Annie)
  3. Je suis obligée d’imaginer une boite, la mienne, mon idéale de boite et justement qu’il n’y en ait pas. Je sais j’exagère. Mais cette idée de boite me fait penser à une case psychologique dans laquelle on enferme un état d’esprit, une culture, des compétences professionnelles, un rôle dans la personne humaine. Je suis conscient que l’invention de la boite est de structurer, d’organiser et de ranger. Et c’est bien, surtout lorsque je me rappelle avoir acheté un livre hier AM avec pour titre « De l’enfant roi à l’enfant tyran ». Il faut au moins une boite éducative pour équilibrer notre boite mondiale dans laquelle nous vivons.
P
Annie me pose dans la main une boite cylindrique, assez haute. On sent la forme circulaire en cheminant avec les doigts autour de la forme.
Elle est légère, papier, carton ? Elle est forcément bleu marine- non rouge sombre- non vert sapin. Elle est forcément féminine. Elle s’ouvre ? Elle ne s’ouvre pas. Pas de rainure qui permette d’en explorer l’intérieur. Si, elle s’ouvre, mais la rainure est bien dissimulée (tout en haut – Tout en bas ?) Rien dedans, sensation de carton. Oui, sûr, c’est du carton.
Allez, j’ouvre les yeux. Déception idiote : elle n’est pas bleue, ni rose, ni verte. Une boite à savonnette parfumée, à l’ancienne.
Inscription énigmatique : Quelques fleurs naturelle. Quoi ? Une faute d’orthographe sur une boite de savon. Annie n’aurait pas permis cela ! J’ouvre pour sentir : Quel parfum, ce savon ?
Des inscriptions au fond de la boite : Cette poudre » (Ah, c’est de la poudre !) se fait dans les nuances : blanche, rosée, Rachel (Rachel ?), naturelle, ocre, ocre rosée, Rachel Soleil (Rachel soleil !)
C’est donc ça, la faute d’orthographe :
Parfum : Quelques fleurs
Nuance : Naturelle
Les noms des parfums fleurent bon (c’est le cas de le dire) le début de siècle- Non, pas le nôtre- La Rose France, Cœur de Jeannette, Royal bégonia.
Plus aucune trace de poudre dans la boite. Combien de matins a-t-elle coloré les jours d’une Germaine, d’une Philomène, d’une Emma ? Etait-ce la peau fraiche d’une jeune fille, la peau fanée d’une vieille dame ?
Dans quel tiroir a-t-elle passé tous ces jours avant de finir posée sur une tablette, devant ma feuille, à la médiathèque de Lisieux ?
Si tu ouvres cette boite, mon ami- si tu as le courage, l’audace, d’ouvrir cette boite, tu pourras y trouver tout objet perdu, cassé, disparu, volé, que tu souhaiterais récupérer.
Peu importe la taille, la boite s’adaptera.
Peu importe les circonstances, la boite retrouvera.
Il te suffira de le désirer assez fort, il suffira que l’objet te manque suffisamment.
Je te donne cette boite car je l’ai assez utilisée. Je l’ai trop utilisée- J’ai retrouvé des centaines d’objets, les objets de mon enfance (ours en peluche, jouets, livres), les objets de ma jeunesse (bijoux, lettres, photos), tout ceux que j’avais abimés, cassés, qu’on m’avait pris, empruntés et jamais rendus.
Aucun ne m’a satisfaite.
Il fallait que j’ouvre à nouveau la boite, toujours et encore ; Et ma maison a commencé peu à peu à se remplir, à s’encombrer, à déborder ;
C’est alors que j’ai tenté- oui, mon ami, j’ai tenté et réussi- ce que je n’aurais jamais dû oser : faire revenir les êtres.
Et là, le passé m’a explosé à la figure : tous ceux qui m’avaient entouré tout au long de ma vie sont revenus, grâce à la boite. Comme les objets, ils ont peu à peu envahi mon espace, m’ont éjecté de ma propre vie.
Alors voilà, mon ami, je te la donne, cette boite.
Fais-en bon usage !
D
Boites et caisses
La boite est constituée d’un fond carré ou rectangulaire autour de ce fond quatre cotés forment un réceptacle. Tout ça tient ensemble et permet de placer deux chaussures, un chapeau, des bijoux, des gâteaux, un loukoum. Sur ce premier élément vient s’encastrer un couvercle très semblable au fond, il a lui aussi quatre cotés mais cette deuxième partie est un peu plus grande que la première et grâce à des mesures méticuleusement prises, elle vient « chapeauter » le fond et ainsi protéger les divers objets mis à l’intérieur.
La caisse, elle, peut-être simplement un fond, des parois de planches non rabotées, clouées rapidement sans souci d’esthétique, elle sert à entreposer du savon, des clous, des outils. Le cageot est lui aussi une caisse et non une boite puisqu’il n’y a pas de joli couvercle. La boite est plus précieuse que la caisse, peut-être parce qu’elle peut contenir des trésors. Un coffre est-il une boite ?
« On prend ma caisse pour aller en boite ? »
Si on disait
« On prend ma boite pour aller en caisse ? »
Qui aurait envi d’aller danser en caisse ?
Qui prendrait une boite pour se déplacer ?
Par contre la caisse, comme les caisses à savon munies de roues de notre enfance, c’est très attractif.
Danser en caisse, c’est un peu lugubre, Ce n’est pas jolie, une caisse. On préfère danser en boite surtout avec des jolis murs de toutes les couleurs.
Caisse boite caisse boite
Jolies boites très étroites, jolies boites toutes pareilles
Je rêve d’une Mercedes décapotable siège cuir avec un prince à l’intérieur, en route pour Vienne et ses valses interminables.
Caisse boite caisse boite
De toute façon tout se termine par une mise en boite.
G
Moi je vois la mer
Vieille comme un dinosaure
S’affaissant sur la grève
En un lit de bulles éparses
Disséminés par le vent
Moi je vois la mer
Je la médite, frugale, ancienne
Sur le corps et l’âme humaine
Mêlée d’amour et de haine
Sa houle s’étale d’écumes
Comme draps de satin
De blanc marié
Sur de ces grèves dispersées
Moi je vois la mer tapissée
De constellations et d’étoiles
Où les marins même les yeux du ciel
Puisent dans leurs cerveaux
La quintessence de parfums marins
Qu’ils exhaleront de leurs pores
Jusque dans le fond des ports
Moi je vois la mer gardienne souveraine de sirènes
Et là, elles entonnent dans les alizés
Des rengaines que le vent entrain
Vers des horizons sans limite
Moi je vois la mer, la mer avec des yeux bleus
Que les oiseaux de passage n’ont pas
La mer, la mer, elle dicte ses colères le long des écueils
Polis par l’allée et le retour de marée rougies par
La fatigue que les digues lui prodiguent.
La mer, la mer, elle étale ses marées d’écumes en des dentelles tapies d’étoiles où des rêves même en moi élèvent des visions d’embruns que le vent arrache au sommet des vagues où le matin au sommet de sa puissance
En des trésors marins emplit ses calebasses
Dans ces criques à marée basse
Où des ancêtres dans le clair obscur trépassent
Mais dont la mémoire ne s’efface.
M