samedi 19 novembre 2011

Atelier d'écriture du 19 novembre 2011

Un objet que l’on choisit. Description sans dire le nom.
Ombres
Nuages fuyant
Brumes bleutées
Normandie à pas feutrés

Sur des sentiers ondoyant
Ombres figées
Brouillards opaques
Bretagne, au vent qui claque
Sur tes côtes sauvagement découpées
Ombres de soleil ajourées
Brumes d’un matin malin
Maine aux tempêtes exhibées
Aux sols d’un jaune vert angevin
Ombres de coton
Soyeuses et lumineuse
Les cieux s’effilent de coton
Seul demeure le bleu des cieux.
M
Froid vitre ronronnement machine à laver amer médicaments du matin lavande assouplissant textile douceur pelage de ma minoulette.
AM
Frr jaune orangé noir chimique guerre du Koweit chaud chaud chaud de l’air toiles d’araignées peintes en noir.
G
La première phrase des textes ci-dessous est de Claude Bourgeyx
"Lorsque Mme Godinet m’a sollicité pour garder son animal de compagnie, le temps pour elle d’aller en Alsace marier un cousin, j’ai répondu oui sans hésiter »…
Il faut dire que « l’animal de compagnie de Mme Godinet », c’était une vraie légende dans l’immeuble, l’objet de toutes les rumeurs, de toutes les spéculations du voisinage, du rez de chaussée au cinquième étage. M. Martin, du 2ème, pensait avoir entrevu un soir une ombre massive et poilue dans la cage d’escalier. Mais pas du tout, rétorquait Mme Lesueur du 3ème B, ce devait être une sorte d’oiseau, puisqu’on entendait des gazouillis, presque des grésillements, qui s’échappaient de l’appartement du 3ème A, celui de Mme Godinet.
En tout cas, cet animal devait avoir un régime particulier, ni vraiment carnivore, ni vraiment herbivore, car on sentait souvent sur le palier une odeur de beurre chaud et d’œuf au plat alors même que Mme Godinet, on le savait par le Docteur Moreau du 1er, n’avait plus droit aux œufs depuis ses gros problèmes d’estomac de l’hiver dernier.
Mais que pouvait bien cacher Mme Godinet dans son petit 3 pièces-cuisine ?
Certains locataires avaient même tenté de lancer une pétition, car à plusieurs reprises, une matière jaune et gluante s’était écoulée du vide-ordure de Mme Godinet, engorgeant la canalisation et provoquant des remontées d’odeurs désagréables.
Alors, vous pensez bien que l’occasion était trop belle, je pouvais enfin assouvir ma curiosité.
Le matin du départ de Mme Godinet, ce ne fut pas sans un peu d’appréhension que je vins récupérer les clés et les consignes au 3ème A. Je sonnai. Aucun bruit derrière la porte, aucune odeur étrange, aucune trace de poil ou de plume sur le paillasson de l’entrée…pas de réponse de Mme Godinet.
C’est alors que je me rendis compte que la porte n’était pas complètement close. Je la poussai légèrement, tendis mon cou pour voir si quelqu’un était dans les parages
« Mme Godinet ? Vous êtes là ? C’est moi je viens pour votre… bestiole »
Pas un bruit, pas une réaction. J’entrai prudemment dans le petit couloir sombre. C’est vrai que c’était vraiment peu éclairé chez Mme Godinet. Et pour cause : les fenêtres étaient protégées par d’épais rideaux occultant – ce qui n’est pas banal dans une cuisine- et l’ampoule basse-conso était particulièrement « basse conso » puisqu’elle ne distillait qu’une vague lueur qui permettait tout au plus de ne pas se cogner dans la table en formica. Un silence total régnait dans les lieux : même pas le bourdonnement habituel d’un frigo, le cliquetis d’une horloge où tous ces petits bruits habituels qu’on remarque dans une maison quand rien ne bouge… De fait, une fois mes yeux un peu habitués à l’obscurité, je me rendis comte qu’il n’y avait ni frigo, ni horloge, ni d’ailleurs aucun meuble dans cette cuisine, à part la table en formica
Le Dr Moreau m’avait confié, malgré le secret médical, que notre voisine avait des problèmes de digestion, mais de là à n’avoir aucune nourriture, aucun ustensile chez soi… ils devaient être drôlement grave ses problèmes de digestion !
Et puis, d’où venait alors cette odeur d’œuf, de beurre…
Décidemment Mme Godinet n’était peut-être pas seulement la grosse dame que je croisais de temps en temps aux boîtes aux lettres….
D
On dirait un piège en train de se refermer sur moi, mais j’ignore qui en actionne les ressorts.
Je continue à avancer. Je réfléchis. Qu’est-ce qui c’est passé ? Qu’est-ce que j’ai fait pour me retrouver dans cette engeance. N’est-ce pas une erreur sur la personne ? Pourquoi moi ? Au chômage, sans compagne, étranger dans cette ville. Je me suis mis à courir. J’ai peur. Que me veulent-ils ? Où me cacher ? A qui téléphoner ? Suis-je sur écoute ? J’ai échappé de justesse à la poursuite. Qui était cet homme ? Je ne l’avais jamais vu. J’ai eu de la chance pour cette fois. Je n’ose pas rentrer chez moi. La nuit est tombée. Il fait froid. Une voiture ralentit à mon niveau, des portières claquent, trois hommes sortent et courent à ma poursuite. Je détale, sans réfléchir, je traverse à grandes enjambées la rue encombrée, j’évite de justesse les voitures et je me précipite dans l’escalier qui descend vers le fleuve. Deux des hommes arrivent au sommet de l’escalier. Où est l’autre ? Je cours, je ne me pensais pas aussi en forme, l’adrénaline agit. Je cours, les deux hommes à mes trousses. Je maintiens la distance. J’ai les yeux qui pleurent, la sueur qui dégouline, je serre les dents. Si j’arrive à atteindre l’autre pont, j’ai un espoir de m’échapper. J’y suis presque. Devant moi le troisième homme surgit. Je suis fait. Je ferme les yeux. Je suis foutu. Les gaillards vont me broyer. Je cède à la panique. Je vais y passer, y rester, trépasser. Quand frrr, bing, boum hue devant moi dans un nuage de fumée noire qui me fait tousser apparaît une femme vêtue d’une robe aux couleurs de l’enfer. Elle me dit : « Où tu vas comme ça, petit ? Je suis la fée Koweit, c’est toi que j’ai choisi. Désormais pour toi, ce sera toujours la fête. Viens là, on décolle. Et dans un bruit de tonnerre j’ai quitté la planète Terre.
G
La brume m’enveloppe le long de ces berges
Où la pluie par saccade imprime son rythme
Les ombres des nuages s’obscurcissent
Je pédale allégrement le long de ces docks
Des cris d’oiseaux acides transpercent ces diables d’orage et sombrent dans l’oubli de mon esprit effaré par des bruits de navire.
Là, près de ces navires, ma chaine déraille.
Je la remets sur ses rails maintes fois
Puis, la pluie m’asperge de ses sanglots d’en haut. Je fais un vœu : je veux du soleil et une mobylette roulant au mélange gratuit, le mélange est tellement chère de notre temps et le vélo un mode de déplacement très précaire pour parcourir tous ces quais du havre où je séjourne. Je pourrais vivre dans un Havre de paix excepté le bruit de ma mobylette… pouf pouf  Tiens le ciel s’est décoloré en moins d’une seconde !!! La nuit va surgir.
M
Je faisais ma promenade digestive dans mon quartier, quand j’ai vu quelqu’un assis sur le trottoir, à l’autre bout de la rue. Je n’en revenais pas. Deux fauteuils roulants, côte à côte, dès neuf heurs du matin. D’accord, nous avions convenu avec le directeur de la maison de retraite, que nous ferions participer les résidents à l’arrivée du Tour de France, mais dans des conditions humaines si possible. Le passage du Tour n’est prévu qu’à 14h ! Heureusement qu’il ne pleut pas. Mais je redoute le pire. Des intempéries sont prévues aujourd’hui. Je m’approche discrètement des deux personnes. Ouf ! Ils ne sont pas à nous. J’imaginais déjà les gros titres : maltraitance envers les personnes âgées à la maison de retraite de Lisieux. J’abandonnai lâchement les deux pauvres handicapés, surement hébergés au Foyer des malades, situé en face du petit square. Notre honneur était sauf.
Je faisais ma promenade digestive dans mon quartier, quand j’ai vu quelqu’un assis sur le trottoir, à l’autre bout de la rue. Oui, c’était bien lui ! JC comme nous le surnommions dans la famille. Mon aîné neveu occupé à ranger son matériel de camping : tente pliable, sac de couchage.
Ne voulant déranger personne pour un hébergement à Lisieux, il avait dormi dans le petit square, abrité et caché sous un grand arbre feuillu. Protégé du froid et des regards indiscrets, il émergeait tel un oiseau un peu ébouriffé, couvert de quelques feuilles d’automne. Vas-y JC, tu es prêt pour Kohlanta !
AM
Il y a deux mois, quand cela a commencé, je recevais un ou deux appels par semaine, et les appels se sont multipliés pour devenir quasiment quotidiens. Chaque fois que le téléphone sonnait, je devenais nerveuse. Je savais qui j'aurai au bout du fil, je connaissais par cœur les propos que je tiendrais et pourtant je devenais nerveuse. Deux mois, cela faisait deux mois que cela avait commencé. Comme chaque année à la même époque, on sentait autour de soi une certaine fébrilité; les jours étaient plus courts, plus sombres, les vitrines commençaient à se parer de mille lumières et chaque jour le téléphone sonnait. Surtout ne pas se laisser prendre par cette frénésie ambiante. Se poser, souffler, prendre le temps, se retirer de cette agitation. Voilà c'est beaucoup mieux. Mes yeux se posent sur la corbeille de fruits posée sur la table. Je prends dans le creux de ma main une clémentine à la peau légèrement rugueuse, je l'épluche en laissant son odeur vive et pétillante m'envahir; son goût délicieusement piquant me ramène à ces années où Noël n'était qu'émerveillement, féérie. Le téléphone sonne. Je décroche. Non Tatie, je n'ai pas oublié que Noël c'est le 25 décembre, oui, tatie, le sapin croulera sous les cadeaux, oui tatie, j'irai faire les courses, oui tatie, oui tatie... Je raccroche, respire à plein poumon la douce odeur laissée par la clémentine, prend la liste dictée par cette chère tatie et sort affronter la cohue de la ville.
C.
Hier matin, j’ai reçu un de ces envois publicitaires qui vous informent de votre récente participation à un tirage au sort dont vous êtes le grand gagnant puisque vous voilà l’heureux propriétaire d’une voiture, d’une rivière de diamants, ou de quelque autre lot d’égale valeur.
Voilà pourquoi depuis, je suis dans les nuages. Soyons honnêtes, rêver est une seconde nature alors quand en plus j’y suis autorisée par une phrase trouvée là au milieu d’une boîte, je ne vais pas m’en priver. D’où vient ce besoin de toujours imaginer la vie autrement qu’elle n’est ? Mon quotidien, aussi banal soit-il, n’est pas dénué d’intérêt. Actif, trépidant, passionnant parfois, il me laisse peu de repos et pourtant… Dès que l’occasion m’en est donnée je me détache, je quitte le sol. Il ne s’agit pas de trouver mieux que la vie que je mène. La vie que j’imagine est différente simplement, le personnage que je joue n’est pas vraiment moi, ce qu’il fait jamais je ne le ferais, ce qu’il dit jamais je ne le dirais, ce à quoi il pense jamais je n’y penserais.
Et si ce personnage au contraire était le moi que je ne veux pas voir, cette face bien cachée que seul le rêve ose dévoiler.
Finalement, peu importe pourquoi ou à quoi je rêve. Ce qui est le plus précieux peut-être, c’est l’état dans lequel je me trouve au sortir d’un rêve. Calme, apaisée, ressourcée, dynamisée aussi, prête à affronter la vie qui m’est offerte.
C