samedi 9 juin 2012

telier d'écriture 9 juin 2012

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Les chaises, chaise de l'enfance, photographies de chaises

Elle est petite : elle culmine à 50cm du sol environ
Elle est jumelle : François mon frère a presque la même.
Elle est le contraire de l’imposant fauteuil Voltaire de mon grand-père.

Elle est paillée : les premières années la paille est bien agencée, très colorée, formant un joli canevas doux et luisant. Peu à peu au fil des ans, elle se décolore, se déchire, disparaît : on en voit de plus en plus la charpente. Elle est quand même solide. Elle existe encore, chez ma mère, utilisée par mes nombreux frères et sœurs. Mes enfants aussi l’ont usée, et leurs petites cousines la prennent encore aujourd’hui pour jouer avec leurs poupées. (D’ailleurs, est-ce la mienne ou celle de François ? Chacun de nous deux doit se l’approprier, j’imagine… C’est LA chaise de notre enfance).


Chers collaborateurs, Maurice, notre concepteur design, nous a proposé hier soir son nouveau modèle de chaise.
Le cahier des charges ne me semble pas totalement respecté, aussi dois-je prendre votre avis : est-il bien raisonnable de commencer la fabrication alors que notre principal client est l’évêché de Bayeux pour l’ensemble de ses paroisses ?
Je ne suis pas certain que le recrutement récent de Maurice ait par ailleurs été totalement judicieux.
Chers collègues, que dois-je faire : licencier Maurice sur le champ, ou bien convaincre l’évêque que, non seulement ses églises seront bien plus accueillantes ainsi meublées, mais que de tels dossiers empêcheront à coup sûr les fidèles de s’endormir pendant la messe ?
Aidez-moi, chers amis, je suis dans le doute.
Signé : le PDG de « Chaises pour tous »
D

Chaise haute
Chaise cannelée de mon enfance
Où le confort et la sécurité
Se fiancent avec la dureté et l’enfermement
Elle est ronde, mais bien sur ses jambes
Elle rompt avec la monotonie des chaises en formica ou en plastique.
Elle est vivante devant la fenêtre
Près de la fenêtre sans rideaux.
Elle est de bois mais elle parlerait si elle pouvait.
Des cris, des odeurs acres, des déjections
Des senteurs d’eau de Javel.

La chaise
Il y a parait-il dans une pièce une chaise qu’on surnomme bête à quatre pattes.
Elle est bien assise sur ses 4 pieds.
Depuis ma naissance jusqu’à…. ?
Haute, très haute, dès ma naissance
Elle en est même exubérante
Puis avec l’âge elle se tasse
Ses pieds raccourcissent
Elle se fait plus proche de la terre
Elle me porte à l’école, au travail
Dans les moindres vicissitudes de la vie
Conçues d’habitudes de s’asseoir
Sur sa chaise de tomber de fatigue
De cette même chaise devenue bancale avec le temps.
M

Pendant qu’ils regardent tous la ligne d’horizon, j’ai pris la chaise la plus belle, et j’en profite pour aller regarder ailleurs car c’est bien connu, ailleurs c’est certainement bien meilleur.
Et puis je ne comprends pas pourquoi ils restent tous là en rang d’oignons, à l’ombre, moi je vais au soleil ! C’est ça l’avantage d’être petite, au raz du sol, je ne souffre pas du vert ! Comment ça tous les projecteurs sont sur moi ? J’en suis intimidée.
V

Fauteuil tout petit rotin tressé fin accoudoirs arqués larges avec petits bambous très fins sur chaque coté de l’accoudoir forment les pieds cannelés avec du rouge genre broderie petit losange dossier confortable forme ronde épouse la forme du dos assis comme un prince une princesse un trône en quelque sorte mais léger multi-usage dinette repas utilisable mis à disposition pour les poupées les poupards ayant appartenu à ma sœur où est-il ? N’existe plus a été donné. Douceur de l’enfance seul au monde centre du monde le monde autour roi reine mais tout petit minuscules nains lutins.

Quatre pattes une assise un dossier le postérieur bien au fond de l’assise les cuisses à plat posées. Le genou fait l’angle le mollet est légèrement appuyé sur l’assise. Le pied est posé au sol à plat. Le dos est appuyé bien droit au dossier les épaules sont d’équerre avec le dessus du dossier. La tête vient couronner le tout. Elle est droite. « Tient toi droite. Arrête de faire basculer ta chaise, tu vas tomber. Ne te balance pas. Tu es encore assise sur le bord de ta chaise. Assied toi comme il faut »  Rêve de chaise où le corps se laisse aller, les relations avec les autres en seraient bousculées.
G
La chaise de votre enfance
Eh bien ! je ne sais pas ce qu’elle est devenue, enfin…il, car c’est, ne vous en déplaise, un fauteuil, s’il vous plait.
Description : en bois clair vernis, de forme arrondie, dossier et accoudoirs en un seul demi cercle.
Je ne me revois pas assise, je ne revois pas de petite table non plus. Je le vois tout seul, pas abandonné mais comme un meuble, près à vous accueillir – si besoin.
Sans doute mes poupées y ont trôné car j’adorais jouer à « l’anniversaire des poupées », prétexte à manger des bonbons de toutes sortes.
Peut-être que ma sœur s’y est assise, elle.
En tous cas, aujourd’hui, il a été relégué au sous-sol dans la maison de maman, probablement. Je me renseignerai, irai lui porter un regard ému comme à un ami trop tôt disparu. Ah ! cher objet de mon enfance…
P.S. : Renseignement pris….il a disparu….pas de nos têtes où il est encore bien vivant

C


Illustration : photo de square dans un grand désordre.
Ce jour là, les chaises étaient humides comme si souvent dans les squares et autres jardins publics. Je m’en approchai. Une grosse moustache grommela : Pique ai piou … Il est anglais dit un bon gars à côté. C’est une chaise, ou ça y ressemble. « Prends en une et assieds-toi parterre et si tu veux parler commence par te taire ». D’habitude, une me suffit, répondis-je sobrement.
Posés sur une fesse, nous surveillons du coin de l’œil, le passage de la vieille caissière, dite la mère ronchon. Une terreur sans pitié rarement louée. De fait, elle déboule derrière nous avec les pattes de chat et réclame son dû. Nous faisions remarquer un usage partiel de son mobilier et jurons sur les têtes de sa regrettable famille un bref arrêt pour un repos maladif.
Nous nous sommes mal compris et peu appréciés.
Il y eut comme une discussion assez animée, avec quelques envolées…
Depuis, il se chuchote dans les allées où jouent les enfants, que la chère vieille chose est disséminée parmi les feuilles mortes à droite.
B

Image …
Le fauteuil de grand-mère
Elle s'impose tout de suite ou plutôt il s'impose le fauteuil de grand-mère un haut dossier rigide, c'est tout ce que je voyais du haut de mes jeunes années, le reste du siège étant occupé, disparaissant sous les jupons noirs qui retombaient jusqu'aux pantoufles, elles-mêmes reposant sur la chaufferette qui dégageait une odeur odeur de caoutchouc brûlé!
Toujours placé près de la cuisinière d'émail bleue, ce fauteuil de bois dominait tout le mobilier, c'était le seul objet, presque luxueux, qui se dégageait de l'ensemble modeste de la petite cuisine. Grand-mère y trônait en majesté! Son beau visage doucement installé sur le dossier, un coussin de velours passé soutenant sa tête qui plongeait à intervalle régulier vers sa poitrine, lorsqu’un petit somme la surprenait au milieu d’une phrase après le déjeuner, moi, je la regardais, patiente, assise sur mon tabouret en attendant qu’elle ouvre les yeux à nouveau, réveillée par son propre ronflement, elle souriait, me souriait en disant « J’ai du plonger un p’tit coup… » on en était où… Avant de reprendre notre histoire !

Toi fauteuil sans le savoir tu vas m’aider ! Bien campé sut tes quatre pieds, tu as ta place droit dans tes bottes et tu n’en doutes pas. C’est que voilà, ce n’est pas si simple d’être un fauteuil comme il faut, j’en ai pour preuve mes indicibles hésitations sur le choix d’une couleur, d’une texture, d’une garniture à la hauteur de ce vieux fauteuil, cet UNIQUE fauteuil, tellement convoité mais en piteux état à qui je souhaite redonner une vie, une vie digne d’un fauteuil que dis-je d’une bergère Louis XV. Cela parait évident lorsqu’on le voit dans une vitrine ou sur une photo mais quelle aventure lorsqu’on prend la responsabilité de lui redonner vie. Vais-je respecter son histoire ? Vais-je le profaner ? Vais-je l’apprivoiser ? Vais-je l’aimer autant lorsqu’il sera tout propre ?
H
Une photo
Paris, un après-midi, jardin des Tuileries. Grande allée d’arbres. Derrière : 2 chaises, vides. 2 chaises face à face ; l’une contre une haie desséchée y dessine son ombre, 2 chaises vertes, puis une 3e un peu lus loin.
Qu’ont pu se dire les gens assis ici, ou faire ? sur l’une des chaises manque un montant. Chaise  percée ? Non pas des chaises, des fauteuils avec accoudoirs en tube.
Une femme et son enfant ? Elle lui donne son goûter ? Une scène de divorce, ce face à face. Une conversation animée, une discussion philosophique ou politique ?familiale.
Les chaises sont désertées. Qui viendra les déplacer, les mettre côte à côte, c’est tentant.
Lire au soleil de fin d’été, se reposer d’une longue déambulation, méditer, écrire son journal, siroter une menthe à l’eau, regarder les passants, les enfants jouer, courir, rire, tomber…puis s’en aller encore, laisser derrière soi ce moment passé. La nuit va s’imposer, la rosée se déposer. Lentement le soleil s’imposer, la vie s’écouler.
C

C'est pas vraiment une chaise. C'est la marche de la cuisine. Papa s'assoit dessus, porte ouverte derrière son dos, fraîcheur de la cuisine sur son échine.
Il fume là sa gauloise ; son regard scrute le jardin : le tilleul qu'il faudrait tailler, la brande qui s'écroule un peu à consolider...
Je ne sais pas quel âge j'ai, je suis juste assez grande pour que ma jambe fasse toute la hauteur de la marche. Contact ferme et frais sous l'assise, un peu rugueux contre le mollet. C'est l'été, les vacances. J'ai l'impression d'être grande et sérieuse comme mon père. Je fais un effort pour ne pas parler, comme lui, pour avoir l'air de réfléchir à des choses importantes.
Ma grand-mère me dit « Pousse-toi » je reçois des gouttes d'eau, c'est la bassine de linge, elle va finir de le frotter sur le banc à laver, installé dans le jardin tant qu'il fait beau.
Je me tasse contre l'embrasure de la porte, mon père ne bouge pas d'un millimètre. Ah ! Être grande, pouvoir tenir tête et garder sa place sur la marche quoi qu'il arrive.


  • Bon, qu'est-ce qu'on peut faire ?
  • Les chaises ! le temps que les projos refroidissent.
Aïe, j'aurais pas dû poser la question, coincée maintenant ! Les chaises, c'est tout un truc...
on les empile par 2, pas de souci, par 3, 4, ça va, dès la 5ème ça devient un vrai problème : le pied arrière gauche ne peut pas rentrer à sa place, le droit coince, on tire, on pousse, ça passe. 6Ème, même chose, la 7ème, déjà faut se hisser sur la pointe des pieds et... de travers ! - la dégager .
Zut, elle est coincée, quand je tire, la numéro 6 vient avec et la 5 aussi...
Bon, je fais une autre pile, de 4, et je la hisserai sur le tas.
Trop lourde la pile, j'y arrive pas – et quand j'aurai fini celles-là, il en restera encore 192 à empiler !
J'entends : « Tu les mets par 12, et puis on les déplacera avec le chariot ! »
Je craque
je demande de l'aide
au 3ème appel, on vient, un grand mec et une futée.
On y arrive !
Le chariot – on aligne tous nos tas le long du mur ; bien empilées , les chaises, nickel ! On est en nage, vaguement mal aux reins, bras alourdis, mains tétanisées.
On contemple béats le fruit de nos efforts : 6 piles de 12 chaises...
  • 12 ?
  • Tiens ! Y a une pile plus haute que les autres...
    Je compte, le grand mec compte aussi, la futée regarde fixement l'alignement : « Y en a 14, elle dit, à côté aussi !
  • Mince !
  • Zut !
  • Faut recommencer !
    Je dis rien, je compte les autres piles... 13 chaises – Allez, on recommence .
  • Eh les feignants ! Vous avez pas bientôt fini de vous amuser avec les chaises !

A

La chaise de notre enfance
Aujourd’hui elle trône dans mon bureau, au cœur d’un bric à brac de livres et d’objets amassés par le temps. Douce et dorée, je l’ai rencontrée, je ne me souviens pas du moment, elle avoir toujours été là, je l’ai rencontrée donc devant la machine à coudre de ma grand-mère. Avant que celle-ci ne s’en aille, elle avait toujours été là à attendre la couturière, un petit coussin chamarré posé sur l’assise. Bois ordinaire, sans valeur, sans odeur, lissé par les années, ni peinte, ni sculptée, mais quelle présence dans cette pièce, dans le quotidien de grand-mère, dans ma vie aujourd’hui.
La photo
Chaise musicale qui s’est mal terminée
Spectacle interrompu par la tempête
Spectateurs invisibles d’un mur qui ne s’effondre pas
Enchevêtrement de corps après la bataille
Automne gris après un été de fêtes et de joie
Autant d’images qui se bousculent dans mon esprit. Et cette chaise, là au premier plan qui semble avoir été mise à l’écart, au coin même, comme un enfant turbulent. Quelle bêtise peut-elle avoir commise ? Les autres l’ignorent, s’adonnent à leurs jeux préférés, je ne la regarde pas non plus, cet isolement est peut-être mérité. Le square est fermé, la nuit va tomber, peut-être qu’au matin le gardien viendra lever la sanction et la laissera rejoindre les autres…
C