Réalisé avant Elephant (Palme d'or à Cannes en 2003), le film avait connu quelques difficultés pour être distribué en France ; mais une Palme d'or ça détend le financeur, et le film est finalement sorti en France en 2004. Pour notre plus grand bonheur !
Alors, qu'est-ce donc que Gerry ? et pourquoi est-ce celui-là, parmi une quinzaine de films de Gus Van Sant, que je préfère ?
Le film inaugure la série du réalisateur sur les faits divers, les "instants limites" de l'adolescence (avec Elephant, Last Days et Paranoïd Park).
Inspiré d'une histoire réelle : deux jeunes hommes, amis très proches, se promènent dans le désert, s'y perdent, un seul en revient ; le film donne à voir cet "évènement", ou plutôt ce "non-évènement" du point de vue de l'intensité dramatique.
En effet, dans Gerry, comme dans Elephant (le massacre de Colombine) ou dans Last Days (la mort de Kurt Cobain), la fin du film, connue d'avance, n'est pas le point central vers lequel tend la narration. Dès les premières images nous connaissons le dénouement.
Ce qui tient le film, ce qui lui donne sa raison d'être, ce n'est plus un enchaînement d'actions mais l'observation de ce que cet enchaînement provoque. Pas de "climax".
Et toute l'esthétique du film en découle.
Peu importe que les deux gars s'appellent Gerry, que ce soit ou non leur vrai nom, peu importe la raison pour laquelle ils se sont perdus, peu importe le lieu et le temps.
Ce qui importe c'est comment, d'un point de vue cinématographique, Gus Van Sant va donner cette perte à voir.
Et ce qu'il nous livre est un chef-d'œuvre, de mise en scène (les corps dans l'espace, rien que ça il y aurait de quoi faire trois semaines de billets sur ce blogue !), de mise en lumière, de montage.
De longs travellings ou de longs plans séquences composent le film ; on assiste à des plans qui durent parfois dix minutes, où seule la marche des deux Gerry est filmée. Seule la marche, vraiment ?
Non. La distance parcourue, la distance à parcourir nous traversent grâce à la durée des plans. Le temps s'étire et le spectateur vit, dans sa chair, l'épuisement des deux marcheurs.
L'espace du désert, d'abord identifiable, sur lequel nous avons prise, perd peu à peu de sa matérialité, pour s'achever sur une étendue de sel, blanche, irréaliste, où la ligne d'horizon disparaît, où ciel et terre se confondent, et où seuls les deux corps meurtris restent visibles. Deux corps perdus dans un espace qui n'en est plus un.
Le temps n'est plus une donnée repérable, quantifiable. Passée la première nuit, impossible de dire combien ni comment le temps s'écoule. Est-ce le matin, est-ce le soir ? est-ce le fin des temps ?
Rien n'est expliqué dans ce film. Pas de psychologie, pas de dialogues (ou si peu...), et pourtant, il me semble que, rarement, on partage à ce point une "expérience limite".
En ce qui me concerne, Gerry est, sans aucun doute, l'une des œuvres qui m'a le plus troublée, marquée, ravie (au vrai sens du terme : sortie de moi-même).
Marquant un tournant significatif dans l'œuvre de Gus Van Sant, libéré des codes et des dogmes, et d'une beauté formelle rare, Gerry est une expérience troublante, et un grand film.
Le film inaugure la série du réalisateur sur les faits divers, les "instants limites" de l'adolescence (avec Elephant, Last Days et Paranoïd Park).
Inspiré d'une histoire réelle : deux jeunes hommes, amis très proches, se promènent dans le désert, s'y perdent, un seul en revient ; le film donne à voir cet "évènement", ou plutôt ce "non-évènement" du point de vue de l'intensité dramatique.
En effet, dans Gerry, comme dans Elephant (le massacre de Colombine) ou dans Last Days (la mort de Kurt Cobain), la fin du film, connue d'avance, n'est pas le point central vers lequel tend la narration. Dès les premières images nous connaissons le dénouement.
Ce qui tient le film, ce qui lui donne sa raison d'être, ce n'est plus un enchaînement d'actions mais l'observation de ce que cet enchaînement provoque. Pas de "climax".
Et toute l'esthétique du film en découle.
Peu importe que les deux gars s'appellent Gerry, que ce soit ou non leur vrai nom, peu importe la raison pour laquelle ils se sont perdus, peu importe le lieu et le temps.
Ce qui importe c'est comment, d'un point de vue cinématographique, Gus Van Sant va donner cette perte à voir.
Et ce qu'il nous livre est un chef-d'œuvre, de mise en scène (les corps dans l'espace, rien que ça il y aurait de quoi faire trois semaines de billets sur ce blogue !), de mise en lumière, de montage.
De longs travellings ou de longs plans séquences composent le film ; on assiste à des plans qui durent parfois dix minutes, où seule la marche des deux Gerry est filmée. Seule la marche, vraiment ?
Non. La distance parcourue, la distance à parcourir nous traversent grâce à la durée des plans. Le temps s'étire et le spectateur vit, dans sa chair, l'épuisement des deux marcheurs.
L'espace du désert, d'abord identifiable, sur lequel nous avons prise, perd peu à peu de sa matérialité, pour s'achever sur une étendue de sel, blanche, irréaliste, où la ligne d'horizon disparaît, où ciel et terre se confondent, et où seuls les deux corps meurtris restent visibles. Deux corps perdus dans un espace qui n'en est plus un.
Le temps n'est plus une donnée repérable, quantifiable. Passée la première nuit, impossible de dire combien ni comment le temps s'écoule. Est-ce le matin, est-ce le soir ? est-ce le fin des temps ?
Rien n'est expliqué dans ce film. Pas de psychologie, pas de dialogues (ou si peu...), et pourtant, il me semble que, rarement, on partage à ce point une "expérience limite".
En ce qui me concerne, Gerry est, sans aucun doute, l'une des œuvres qui m'a le plus troublée, marquée, ravie (au vrai sens du terme : sortie de moi-même).
Marquant un tournant significatif dans l'œuvre de Gus Van Sant, libéré des codes et des dogmes, et d'une beauté formelle rare, Gerry est une expérience troublante, et un grand film.
1 commentaire:
Tout à fait d'accord !
Et la musique d'Arvo Pärt y fait beaucoup aussi.
J'ai vu ce film il y a presque 5 ans et je m'en souviens comme si c'était hier...
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