La ferme Groult à Criquebeuf, Paul Alfred Colin, 1875 |
Pour cet atelier, nous nous sommes aventurés en dehors de la médiathèque... Il avait lieu au Musée d'Art et d'Histoire de Lisieux, et plus particulièrement dans la salle d'exposition temporaire « Paysages en collections ».
Tout d'abord, nous avons observé les différents tableaux afin d'écrire quelques mots clés qui nous venaient en tête.
Le deuxième exercice consistait à écrire une correspondance entre deux personnes, en s'inspirant d'un des tableau. Le choix de l'époque et de la forme (lettre, mail, sms...) était libre.
Si vous souhaitez visiter l'exposition, elle est toujours visible jusqu'au 18 septembre prochain. L'entrée est gratuite !
Voici les textes qu'elle nous a inspirés...
Camille
Tant à faire, tant à voir
Tous s’affairent autour du lavoir
Les paysans chargent
Leurs attelages patients
Tandis qu’à la marge
L’enfant se détend
Derrière lui, bavards discrets
L’attroupement de canards aux jolis duvets
Les arbres de toute leur hauteur
Laissent percer des douces lueurs
On ressent que la journée défile
Les familles de poules se déplacent en file
A droite à gauche partout
Jonchant le sol seau renversé
Dans le toit de chaume un trou
Carriole à l’arrêt, à réparer
Animaux à nourrir
A peine le temps pour les soupirs
La vie de la ferme s’avère intense
Derrière ses étendues immenses
Fourmille la vie à l’infini
Oies s’agitant, vache paisible
Paissant tranquille ou aux déplacements en troupe audibles
Mercredi 23 juillet 1875
Ma chère mère,
Je n’ai pas réussi à t’attendre pour te dire au revoir. Cette nuit je
n’ai pas fermé l’œil. Je raturais les lettres, je jetais mes feuilles emplies
de larmes, se déchirant comme mon cœur malheureux. Je redoutais trop de voir
tes yeux humides et ta mine s’assombrir. J’ai préféré m’enfuir avant l’aube à
pas de loup. Je soupçonne même que je vous ai éveillés et que tu m’auras
devinée. Votre chagrin m’est trop insupportable. Je sais qu’une nouvelle vie
m’attend grâce à tous vos sacrifices. Je pars en emportant dans mes bagages
votre amour précieux et nos souvenirs heureux. Je vous aime pour toujours.
Dimanche 27 juillet 1875
Maman,
Voici quatre jours que je vous ai quittés. C’était au-dessus de mes
forces de vous dire adieu et maintenant je m’en veux de ne vous avoir pas
serrés dans mes bras une dernière fois.
Durant deux jours et demi nous avons serpenté les flancs de nos collines
bien aimées. Leurs paysages familiers défilaient sous mes yeux tels des
tableaux à la beauté immuable.
L’approche du bas de la vallée dont grand-père nous décrivait dans ses
histoires l’étrangeté et les couleurs bariolées prenait corps très différemment
de tout ce que mon imaginaire se représentait.
C’est difficile de trouver quels mots décriraient les architectures
singulières des habitations de ces contrées longeant le fleuve. Demain il
faudra d’ailleurs embarquer pour le remonter en direction de ma destinée. Que
dieu vous protège.
Mardi 29 juillet 1875
Ma petite mère tant aimée,
Je n’ai guère pu t’écrire tant mon cœur chavirait de tout côté dans cette
épopée fluviale. J’étais si incommodée par le mouvement incessant des flots que
je croyais perdre pied et pire, perdre la raison. Le sol se dérobait sous mon
corps tel mon destin en ce moment même me transporte en m’arrachant tout repère
solide et tangible.
Je me sens tel un arbre déraciné sans aucune stabilité. Si le décor à
l’arrivée était un spectacle somptueux à la clémence du crépuscule tendre, dans
un dégradé de nuances orangées se reflétant dans le miroir scintillant, je n’ai
su réellement l’apprécier qu’une fois débarquée, malgré qu’il m’a bien fallu
quelques minutes, peut-être plus, pour me remettre de mes aventures
perturbantes.
Si tu savais comme je regrette amèrement de n’avoir pas persévéré quand
mon cousin Yvain tenait à m’apprendre à nager dans notre étang familier où nul
danger ne m’apparait aujourd’hui comme significatif.
Vendredi 1er août 1875
Mère,
C’est après moult frayeurs et tristesses qu’hier j’ai pu rejoindre enfin
la grand ville qui constitue désormais ma nouvelle maison. Mon accueil fut
chaleureux et mon fiancé fait preuve d’une patience touchante. Malgré tout,
l’ombre de ma nostalgie qui plane derrière mes tentatives de sourire ne saurait
échapper à sa sensibilité manifeste. J’espère ne décevoir ni ses espoirs, ni
votre honneur et m’acclimater bientôt à ce nouvel univers qui m’est encore tout
neuf.
Mercredi 13 août 1875
Maman,
Ici fourmillent mille et un inconnus s’affairant dans tous les coins de
rue. Les boutiques s’enchevêtrent sans discontinuer et rivalisent de diversité.
Les vitrines brillantes feraient pâlir les princesses tellement la cité semble
regorger de richesses. Mon fiancé voudrait me couvrir de ces biens desquels les
femmes élégantes paraissent raffoler. Je ne compte pas ses efforts pour
satisfaire à mes aspirations. Néanmoins je n’éprouve guère aucun désir, même en
me forçant. Le seul objet auquel je m’accroche et qui m’importe est mon carnet
de croquis aux traits de pastel dont je tourne chaque soir les pages avec
langueur.
J’ignore si je serai jamais consolable en vérité.
Jeudi 21 août 1875
Ma douce maman,
Voici trois semaines que j’ai rejoint ma nouvelle demeure. Je compte les
jours et même les heures. Cela me culpabilise de ne savoir pas comment être
heureuse ici et j’ai même peur maintenant que mes écrits ne vous blessent vous
ou ma belle-famille charmante au demeurant.
Charles a proposé que je rencontre le meilleur médecin de la ville. Il se
plie en quatre et je lui en suis tout à fait gré.
Je vous aime. Que Dieu vous garde.
Lundi 1er septembre 1875
Maman,
Un mois déjà… ma gorge est nouée. Je n’ose plus écrire. J’ai peur que le
temps ne parvienne pas lui-même à me guérir. Le mariage approche. Je ne trouve
guère l’énergie de me projeter, de participer à l’organiser.
Avec amour.
Mardi 22 septembre 1875
Maman, ma chère maman,
La mélancolie gagne du terrain, je ne réussis plus à la freiner. Le
médecin est inquiet. Pardonne-moi de vous inquiéter. Je m’en veux tellement de
tous vous blesser, vous décevoir.
Mercredi… Octobre… de ma dernière année
Charles, mère, père,
A vous qui m’aimez et que j’aime. Je ne vous demande nullement de
comprendre, de pardonner ni d’accepter seulement mon geste… Mon dramatique et
irréversible geste… Ma décision terrible et sans retour… Les mots me manquent.
Je suis en proie à la faiblesse. Je cède à la facilité. Je vous quitte pour
mieux vous retrouver dans la légèreté du ciel.
Mickaël
Très chère mère,
Je ne vous écris que trop peu à votre goût, si bien que, je le sais par
avance, cette lettre va sûrement vous faire plaisir. Mais ce ne sera qu’une
joie de courte durée car la nouvelle qu’elle annonce ne va malheureusement pas
vous plaire.
Je vais très prochainement partir pour un très long voyage de l’autre
côté de l’océan, sur le nouveau continent.
J’embarque dans deux jours et n’aurai donc pas le temps de rentrer vous
saluer avant mon départ.
Mon ami l’irlandais me l’a assuré, là-bas, la fortune nous tend les bras.
Je ne peux pas passer à côté d’une telle occasion.
Je vous embrasse.
Votre cher et tendre fils, Mickaël
Très chère mère,
Le voyage fut long et parfois très chaotique mais nous sommes bien
arrivés.
J’espère que ce courrier n’aura pas moins de chance que nous et qu’il ne
sombrera pas suite à une tempête ou autre. Mon ami qui m’avait dit être un
marin chevronné n’a pas très bien supporté la traversée.
A l’heure où je vous écris, celui-ci est encore malade. Je vais
certainement devoir me débrouiller seul dans un premier temps. Cela me déçoit mais
ne m’inquiète pas pour la suite car il est robuste et même si je devais me
retrouver seul je n’aurais pas de mal à faire affaire avec les innombrables
armateurs présents ici.
J’espère que vous vous portez bien et que vous ne...
(le texte n'a pas pu être terminé)
Mon frère, je suis partie ce matin. Vous dormiez encore, les parents et
toi. Je ne pouvais plus supporter le poids du regard méprisant de papa, de la
pitié dans les gestes de maman, le poids du vide dans mes entrailles. Il
fallait que je souffle un peu. Je pars vers la mer, où tout paraît plus simple,
où l’odeur des embruns calmera mes pensées. Où je ne serai plus aux yeux de
tous cette jeune mère qui a abandonné son enfant. Je sais que tu comprendras et
que tu ne m’en voudras pas. Je te fais confiance pour me couvrir et te donne
très vite des nouvelles. Des bisous frangin.
Sœurette, je comprends et respecte tes choix. Celui de ton départ comme
l’autre. Tu as fait ce dont tu avais besoin, ne portes pas trop d’intérêt au
regard des autres. J’espère que l’air de la mer t’apaisera. A bientôt.
Frérot, merci pour ta compréhension qui me rassure tant, je sais qu’elle
est sincère. Je t’écris ce message face à la mer. Le ciel est noir au-dessus de
ma tête, la pluie n’est pas loin et les vagues se déchainent. Finalement les
éléments reflètent ma pensée et la mer d’huile que j’avais imaginée pour me
calmer n’est pas au rendez-vous. Quand j’ai vu ce temps ce matin je me suis dit
que c’était peut-être une connerie d’être venue ici, et finalement là, assise
sur le sable, je me sens à ma place. J’attends la pluie comme si elle allait me
laver de tous mes souvenirs, me rendre ma page blanche du début, de la
naissance. Ma fille, elle, sera une véritable page blanche. Elle grandira sans
son passé, mais c’est ce que j’ai de mieux à lui offrir. J’attends la pluie
mais je sais qu’elle ne me lavera de rien, c’est sûrement mieux ainsi. Je serai
bientôt de retour mon frangin.
Tu avais besoin de te vider un peu la tête, mais c’est important que tes souvenirs
restent car ils font partie de toi maintenant. Ta fille grandira sans toi mais
elle ne sera pas moins aimée. A très bientôt sœurette.
Frérot, je suis sur la route du retour. J’ai eu beau attendre la pluie, elle n’est jamais venue. C’est toi qui as raison, cet événement fait partie de moi maintenant, de mon corps, de mes pensées et de mon histoire. La culpabilité est toujours aussi forte mais je sens qu’un jour, je pourrai l’accepter. Rentrer, c’est déjà un pas vers cela. Je serai à la maison vers 15h. Je sais que les parents seront au boulot et que toi tu n’as pas cours. J’aurai bien besoin de se sas de décompression avant d’affronter leurs regards. Je ne devrais pas y porter trop d’intérêt, mais c’est plus facile à dire qu’à faire, comme on dit. Le ressac des vagues m’a tout de même convaincue de leur parler. L'importance de toujours revenir sur le rivage. A tout à l’heure.