jeudi 23 avril 2015

Atelier d'écriture du 13 décembre 2014

Première partie :
Thème sensoriel : l’olfactif
Une boîte circule. On la sent, les yeux fermés.
3 ou 4 mots sur ce qu’on a senti - ou pas senti.
Inodore ? Quasiment. Discrète senteur de paillette, savonneuse, culinaire ?
A partir de ces impressions, écrire un texte sur un souvenir que cela déclencha, ou, de façon imaginaire, que nous vient-il à partir de ce déclencheur.
On peut utiliser les mots des autres lors de la description initiale.
Durée : 35 min

L’art du remplissage … des boîtes vides
La boîte circule. Une boîte ronde comme la table ronde autour de laquelle nous sommes ce matin réunis. Une boîte invisible, mystérieuse, et inodore à mes narines obstruées, passe de mains en mains. Par derrière les baies vitrées de la médiathèque, il pleut sur Lisieux. Il a plu toute la semaine d’ailleurs. L’air est imbibé d’humidité jusqu’à la moelle de son essence normande. Les poumons protestent, les bronches ronflent et les narines s’embouteillent. Au dehors, le marché bat son plein, les sonorités nasillardes de Noël se déclinent à toutes les sauces, françaises ou anglo-saxonnes, entrecoupées de messages publicitaires : « Profitez de notre offre promotionnelle unique », « Pour les fêtes, faites-vous plaisir », «  Aujourd’hui, exceptionnellement, le chapon à neuf euros quatre-vingt-dix-neuf le kilo, joyeux Noël à tous ». Malheureusement, le thème d’aujourd’hui, à l’atelier d’écriture, n’est pas celui de l’ouie. Des sonorités profondes, utérines et rythmiques, remontent des étages du bâtiment. Basse, djumbé et percussions, sont à l’œuvre au sous-sol, mais non, concentrons-nous, le thème du jour est l’olfaction, pas l’audition. Revenons à nos odeurs, supposées ou inventées, et décryptons ce qui peut l’être ; pour le reste, inventons. Les gouttes de pluie, lourdes et larges, s’écrasent sur les toiles colorées des stands de légumes qui ont l’avantage, eux, d’avoir une odeur reconnaissable, même les yeux fermés. Rondeur chaude et crémeuse du potiron. Amertume précoce du chou vert. Suavité fibreuse du navet. Parfum estival de la courgette. Senteurs automnales des châtaignes. Flagrance anisée du céleri. Rien de tout cela dans la mystérieuse boîte qui circule. Une boîte de métal, c’est sûr, froideur au bout des doigts, préservée après le passage circulaire dans toutes ces paires des mains. Une boîte rouillée, oxydée, en voilà une odeur reconnaissable, qui masque, presque totalement à mes narines en perdition, celle de son contenu, objet du jour. L’arôme subtil de la masse poudreuse, pailletée, brune, légère, sèche, bruyante, savonneuse, alimentaire, n’évoque en moi que des images confuses. Mon esprit tourne en rond et rêve alors d’un échappatoire : une tasse de thé bien chaude, bouillante même, dans le creux des mains. Un thé vanillé, au sucre de canne caramélisé. Ce pourrait être … une image subliminale ?
Deuxième partie :
Exposition de tableaux naïfs et de masques à la médiathèque :
Deux possibilités :
- Entrer dans le tableau, écrire de l’intérieur du tableau : être un personnage du tableau et on se promène dans cet univers.
- Dialoguer, inventer un dialogue avec un personnage d’un tableau, ou avec un visiteur lambda, ou entre deux personnages de deux tableaux qui discutent entre eux.
Durée : 20 minutes
Mascarade
Masque 1 :
Boucles d’oreilles en anneau, nez violet, bouche violette, gros yeux ronds inexpressifs.
- Qu’est-ce que vous faites ici ?
Masque 2 :
Long nez courbé, bouche lippue, yeux verts en amande, menton prononcé.
- La même chose que vous.
Masque 1 :
- C'est-à-dire ?
Masque 2 :
- J’attends. J’attends depuis des jours le bon vouloir des passants. L’œil avisé des spectateurs. L’admiration de l’amateur éclairé. La reconnaissance de l’esthète.
Masque 1 :
- Ah bon, monsieur avec sa tronche de traviole et sa bouche pendante de pervers exotique espère séduire les esthètes ? Attirer les amoureux des arts primitifs ? Inspirer les critiques d’art ? Laissez-moi rire !
Masque 2 :
- Non mais ça va bien, vous, espèce de folledingue ! Regardez-là donc cette hystérique, cramponnée à son grillage noir, avec ses yeux vides et troués, cette face de bois aplatie, ce rouge à lèvres violet - une horreur - ! Et ça se prend pour une œuvre d’art, peut-être ?
Masque 1 :
- Je n’ai pas cette prétention, moi, môssieur. Je suis là comme témoin, témoin muet de l’artisanat africain revisité par des mains innocentes. Je guette le sourire d’un enfant. J’espère le rire, la surprise et la joie d’un autre. Je témoigne d’un voyage imaginaire, dans des contrées lointaines et …
Masque 2 :
- Artisanat, ça oui ! On voit bien que, contrairement à moi, vous n’avez pas été façonnée par des mains de maître ! Un vulgaire ouvrage de débutant ! Cette figure grossière, ces couleurs choquantes, ce matériau bon marché … pas besoin d’être critique d’art pour sentir à deux kilomètres vos origines locales.
Masque 1 :
- Oh ça suffit ! Vous et votre prétention ! Vous vous croyez quoi ? Un masque burkinabais Senoufo traditionnel du dix-septième siècle ? Un authentique masque Massa camerounais de cérémonie sacrificielle ? Un objet sénégalais sacré réservé à l’initiation des jeunes filles ?
Masque 2 :
- Ben… oui, évidemment. Cela se voit, non, d’ailleurs ? C’est écrit sur ma figure, même, oserais-je dire ! Mes origines sont anciennes, si anciennes qu’elles se perdent dans la nuit des temps.
Masque 1 :
- Et cette étiquette, là, sur votre dos ? Laissez-moi voir. « Made in Taiwan ». Vous vous moquez du monde ! Ni art, ni artisanat ! Objet industriel ! Sale objet industriel qui se la joue pièce d’art unique !
Masque 2 :
- Quoi ? Mais non, non ! Ce n’est pas possible, il doit y avoir erreur !
Masque 1 :
- Gardien ! Gaaaardien !
Masque 2 :
- Mais puisque je vous dis qu’il y a forcément erreur ! Je suis un au-then-ti-que masque Bété ivoirien, issu d’une prestigieuse collection muséale ….
Masque 1 :
- Gardien ! Ah, vous voilà enfin. Fichez-moi cet imposteur dehors !
Masque 2 :
- … acheté à prix d’or par la ville de Lisieux. Pièce maîtresse de l’exposition d’aujourd’hui… une valeur inestimable….
Masque 1 et le gardien, en chœur :
- Ouste, du balai ! A la porte !
Masque 1 :
- Et maintenant, j’attends la visite des enfants.
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I
Atelier d’écriture avec Annie 13/12/2014
Le thé.
Des sachets qui, parfois, donnent un gout de papier au breuvage. Du thé qui fait bruler l’estomac. Vraiment, c’est nul, le thé.
Et puis l’Angleterre. On ébouillante la théière. On met une cuillerée de plus, là encore pour la théière. C’est chaud. C’est bon. Finalement, c’est une boisson acceptable.
Et puis le petit magasin de la rue de la Convention qui annonce « 100 sortes de thés différents ». Et là ça devient la frénésie. En plus on achète les boites à thé anglaises, kitchs à souhait. Et on teste un maximum de saveurs. On apprend à doser. On a des boules à thé de contenance et de forme différentes, des tasses qui vont bien. On devient snob.
Et puis le désert. L’eau qui bout sur le feu de bois. Le thé noir qui macère pendant des heures avec la cardamome et le sucre. Un vrai sirop mais tellement désaltérant. Les bédouins qui lèvent le bras bien haut pour faire couler le breuvage doré dans la tasse sans qu’aucune goutte ne tombe à côté. Un retour vers les choses vraies.
Et puis la communauté religieuse qui a fait vœu de pauvreté et où personne n’aime le thé. Trois malheureux petits sachets dans 15 l d’eau qui n’ira même pas jusqu’à ébullition. Petits-déjeuners insipides. Découverte de l’ascèse.
Et puis les noëls avec la belle boite de thé de luxe, nature ou aromatisé. La promesse de moments merveilleux seule ou accompagnée. Certitude d’instants chaleureux et reposants.
Et puis ce thé que nous n’avons jamais pris ensemble. Rendez-vous lancés avec persévérance non aboutis pour raisons diverses. Papo’thé nous attend toujours. Plaisir de l’espérance.
Un petit regard en arrière et on se rend compte que le thé est le compagnon le plus fidèle de notre vie.
L
Le placard était profond, les portes à glissière très hautes- du sol au plafond- risquaient de se décrocher- il fallait les faire glisser en douceur- disait mémé. Parfois, je passais de l'autre côté, un espace de vingt centimètres me permettait de refermer les portes et d'être enfermée. Les bruits m'arrivaient étouffés, peu de lumière, les torchons étaient mélangés aux serviettes, le tout rangé au millimètre près. Les denrées alimentaires étaient bien disposées comme dans une épicerie. Mon étagère préférée et juste au niveau de mon nez était celle des boites carrées, rectangles, jaune Bon Banania, à fleur pour les tisanes, usées avec des dessins du passé pour les gâteaux secs, rondes pour la poudre de chocolat. Celle-ci était bien fermée. Je me souvins du jour où mes petits doigts ont insisté doucement, méticuleusement, demi millimètre par demimillimètre, le couvercle s'est décoincé mais la boite m'a échappée et dans l'espace clos du placard de mémé, la poudre de chocolat s'est envolée, c'était amer, pas sucré, j'ai éternué, une fois, deux fois, en fermant les yeux. quand j'ai regardé la poudre s'était volatilisée mais sur le sol, un lapin brun avec des yeux dorés, des moustaches qui frétillaient m'a dit: "Je suis en retard, je suis en retard". Il m'a fait un clin d'oeil, m'a fait signe de la patte et vous me croirez si vous voulez, c'est là que mon aventure a commencé.
G
J'allais lui rendre visite à mes heures perdues, entre deux cours assommants à la Sorbonne. Il fallait la gagner, par l'escalier de service, cette minuscule carrée sous les toits du Ve arrondissement. Ce qui frappait le plus en y entrant, plus que le fouillis organisé, la cuisine à même la chambre et la penderie un peu partout, c'était l'odeur, sèche, rance et douceâtre, des vieilles boîtes de thé empilées au sommet de l'unique étagère. Elle tenait quelque peu du miracle, dans un espace où chaque centimètre carré était un trésor, cette collection insolite et désuète destinée, peut-être, à accueillir les hôtes de passage ? En tout cas, de tous les après-midis mornes et pluvieux où je montai dans son perchoir, pas une fois elle ne m'y offrit un thé, issu de ses boîtes en ferraille périmée. De mon côté, j'apportai un jour des fleurs, un autre du chocolat et même, offense suprême, je finis par lui offrir du thé, acheté dans une grande maison parisienne au prix de mes maigres économies. Chaque fois, mes présents odorants étaient poliment acceptés, mais je sentais nettement qu'ils étaient quelque peu malvenus. Comme s'ils troublaient l'harmonie du lieu, générée en quelque sorte, en tout cas jalousement gardée, par cette senteur persistante de fer blanc, de cacao hors d'âge, de fleurs séchées.
Le temps a filé, c'était il y a longtemps déjà. J'ai fini par prendre mes aises dans ses quartiers, et avec moi mes odeurs, et nos respirations accrochées sur les vitres au long des matinées traînardes, d'après-midis de cours séchés, relents de la sueur de nos ébats. L'odeur fanée du commencement, vexée, n'est jamais revenue. Et j'ai compris que c'était elle qui m'avait plu, m'avait charmé ; j'ai réalisé que sans cette fragrance écœurante et austère, ni la chambre, ni son occupante ne conservaient son magnétisme sur moi. Peut-être aussi que j'ai grandi, que j'ai mûri, et que cet amour est devenu obsolète, ainsi qu'ils sont, dit-on, tous destinés à devenir. Mes sentiments ont pris la tournure grise et périmée de cette odeur qui m'avait accroché et que, bien malgré moi, je cherche encore au détour des rues et dans les cheveux des inconnues.
Amis, si vous m'offrez l'hospitalité, ayez pitié de moi, ne laissez pas traîner sur l'étagère les boîtes de thé parfumé, rances et douceâtres, de votre jeunesse.
M

Atelier de février...

Sens : Audition
Le soleil se lève doucement
Tes yeux s’ouvrent lentement
Aujourd’hui est un évènement
Cela fait des semaines que tu l’attends

Quand tu es arrivé la première fois
J’ai senti comme un poids
Tu t’es enfoui dans mes brindilles de bois
Pendant de longs mois

J’ai senti la chaleur
J’ai vu la douceur
J’ai goûté au bonheur
J’ai entendu tes pleurs

Aujourd’hui est un évènement
Tu dois prendre ton envol maintenant
Mes branches te donneront de l’élan
C’est la liberté qui t’attends

Je serais toujours là
Pour sentir à nouveau tes pas
Et peut-être, pourquoi pas,
Accueillir ton enfant à toi

A nouveau, pendant des heures,
Je sentirai la chaleur,
Je verrai la douceur,
Je goûterai au bonheur.

 B












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