samedi 10 janvier 2009

Taxidermie - György Palfi

C'est écrit dessus : interdit aux moins de 16 ans.
L'affiche du film est suffisamment explicite : un homme nu, avec un geyser de flammes qui lui sort du sexe...
Avec ça, si je n'étais pas prévenue !
Mais voilà, j'aime les expériences cinématographiques extrêmes... alors j'ai regardé Taxidermie, et attentivement encore ; et tous les plans, et sans presque jamais détourner le regard...
Qui dit mieux ????


Facile de résumer ce film : l'histoire de la Hongrie, à travers trois portraits : le grand-père, aide de camp martyrisé par son chef ; le père, champion de "bouffe-sportive" sous l'ère communiste ; le fils, taxidermiste, de nos jours. Et quand on a dit ça, on n'a rien dit !

Le film s'ouvre avec une voix off, le temps du générique : "Qui se souvient de la famille Belatony ?". Cette narration semble placer le film dans le plus grand classicisme ; effet amplifié par les premières images : de belles couleurs sépia pour une scène de bain, des plans larges, panoramiques, sur une campagne hongroise désolée ; tout contribue dans ces premières secondes à un beau raffinement.
Et puis subitement... subitement, on assiste au rituel de masturbation du 1er personnage : à l'aide d'une bougie il contraint son corps à une jouissance dans la pire souffrance.
Ce corps exploré, détaillé, et meurtri sera le fil conducteur de toute l'œuvre ; le lieu de la transmission du grand-père au petit-fils.


3 générations, 3 temps, et 3 façons de questionner l'humain qui est en nous, mettre en lumière cette part d'animalité qui nous compose.
3 rapports névrosés au corps. Et quelle névroses !
Le film est découpé en trois séquences d'égale durée, 30 minutes chacune, pour expliquer, tenter de comprendre.

Visuellement, le film est parfois insupportable. Le deuxième personnage, le "sportif de la bouffe" passe la moitié du temps à vomir ce qu'il a ingurgité juste avant. La première partie du film met en scène des rapports sexuels de façon excessivement crue ; aucune complaisance pour le corps filmé. Quant à la dernière partie, qui raconte l'histoire du petit-fils taxidermiste, elle surpasse en violence visuelle, en "gore" tout ce qui précède.

Alors pourquoi ? Quel intérêt à cette accumulation d'images ?

D'abord pour les trouvailles narratives et visuelles, le beauté des images (oui, et c'est là que le bas blesse : ce film est beau...), mais surtout pour le "choc intellectuel" que provoque ce film.
Impossible de ne pas y penser, et y penser encore. Impossible de ne pas lire dans les cicatrices des hommes les blessures d'un pays, la Hongrie, et plus généralement, les nôtres. Impossible de ne pas se voir, là, dans ces images qui nous dégoutent.
Et puis il y a aussi ce dernier plan, la statue du David de Michel-Ange décapitée, ce corps sublimé, et ici amputé, qui renverse le système du film ; et qui nous place devant d'autres interrogations : que met-on en jeu lors de la création ? A quel prix humain ce corps magnifié ? Que reste-t-il d'humain à cet homme ? La statue sans tête : l'homme ne peut-il être que son corps ? Quelle perfection, finalement, dans ce corps ?


Je le répète, j'aime les expériences extrêmes cinématographiques. Si tel n'est pas votre cas, ne regardez pas ce film. Sinon, préparez-vous à passer un moment difficile, éprouvant.
Mais, finalement, ce sont ces œuvres-là qui restent.

Le très riche et très beau site du film : ici
A la médiathèque : DVD PAL

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