samedi 3 novembre 2007

La sérénade du pavé


La Sérénade du pavé (1898)
Paroles et musique de Jean Vanet, version par Eugénie Buffet (1933)


Connaissez-vous Eugénie Buffet (1866-1934) ?

«... Quelques survivants de la « Belle Epoque » (ou dite telle) se sont réunis pour commémorer amicalement le vingt-cinquième anniversaire de la mort d'Eugénie Buffet, chanteuse des rues puis comédienne de cabaret et de music-hall, mémorialiste enfin d'un temps où la vie des cigales n'était pas tellement plus facile qu'a notre atomique époque. Car, enfin, Eugénie Buffet, après avoir connu une large aisance, presque la fortune, mourut dans la misère et dut, en ses dernières années faire pitoyablement appel à la solidarité de camarades plus jeunes ou plus heureux.

Elle était née en Algérie, à Tlemcen, d'un père adjudant qui mourut alors qu'elle avait à peine 6 ans, et d'une mère couturière en chambre, dont les amours semblent avoir été assez nombreuses. Elle débuta sur les planches dans de petites troupes qui couraient les villes nord-africaines en chantant les opérettes classiques : Le Petit Duc, La Fille de Mme Angot, La Périchole, etc. Elle ne vint à Paris qu'en 1893, à 27 ans, mais y apparut aussitôt comme une des plus sincères animatrices de la chanson populaire. Maurice Donnay, qui la connut alors, disait d'elle : - Maigre, anguleuse, le teint mat, elle avait l'air, avec son jersey rouge, sa jupe noire et son tablier, d'une illustration de Steinlen pour une chanson de Bruant.

Et encore : - Elle était peuple avec tout ce que ce mot comporte de « petite fleur bleue », « de coeur sur la main », de « penses-tu, ma chère ! », de « pas froid aux yeux » et de « Vive la France! »

Et, en effet, Eugénie Buffet fut boulangiste puis chanta pour la Ligue des Patriotes de Déroulède et Jules Lemaître, tout en se liant d'amitié avec l'anarchiste Séverine. Elle eut, un instant, de grandes ambitions théâtrales ; elle prit même des leçons avec Delaunay, de la Comédie-Française, puis, un soir, lui vint l'idée de défendre les filles : elle se constitua un répertoire d'une dizaine de chansons qui, toutes obtinrent un immense succès. A la Cigale notamment où elle créa ce nouveau genre, avant même de grouper quelques camarades et d'aller chanter dans les cours sa fameuse Sérénade du pavé :

Sois bonne, o ma chère inconnue
Pour qui j'ai si souvent chanté...

Le cinéma l'attira, après la Première Guerre mondiale. Elle fut (elle en avait conçu un candide orgueil) Madame Mère, Laetitia Bonaparte, dans le Napoléon d'Abel Gance, et y montra une étonnante autorité. C'est en 1930 seulement qu'elle se décida à écrire ses souvenirs. Avec une franchise absolue, ne cachant aucune des liaisons, parfois très brillantes, qu'elle avait eues en son jeune temps, et pas davantage les désillusions qui lui en étaient restées. Elle s'était résignée à une philosophie assez plate, mais, tout compte fait, pas si sotte, et qu'elle expliquait ainsi : - Le bonheur, c'est comme la santé ; quelque chose de négatif. Pas d'ennuis ! Et surtout plus d'ennuis !

Elle ne disait d'ailleurs pas « ennuis » - ayant gardé un vocabulaire dru et sans façon : - Contrairement au proverbe, ajoutait-elle, chat échaudé aime l'eau froide. Malheur consolé, bonheur consolidé !

On peut ne pas partager ce point de vue, mais il est assurément celui où conduisent les vies trop agitées. » [Léon Treich, 10 mars 1959]

A signaler, le site incontournable de Pascal Dubé : Du Temps des cerises aux Feuilles mortes consacré à la chanson française de la fin du Second Empire aux années cinquante (1870-1945)

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