mardi 25 août 2009

Les yeux de Simone

Voir avec les oreilles c’est possible : on appelle ça l’audio description. Après des années de travail associatif pour décrire les films aux aveugles et mal voyants, la technique se professionnalise.

C’est la naissance d’un nouveau métier “audio descripteur”. Depuis 2005 la société Titra Film collabore avec une écrivain, Hélène Bleskine, pour réaliser la “dentelle” textuelle qui accompagne les films. Précis, ressérés, les mots doivent se glisser entre les bruits, les dialogues et la musique pour transmettre l’image. http://bonnenouvelle.blog.lemonde.fr

A Pontarlier, sous préfecture du département du Doubs, Simone fait ce travail d’audio descripteur pour son mari Pierre aveugle depuis une vingtaine d’année. Tous deux sont les créateurs du ciné-club Jean Becker...

Jean-Loup Porchet en a fait un film présenté en avant-première à Locarno en Suisse, le samedi 15 août.


Article de Jean-Louis Kuffer http://www.24heures.ch

"L'émotion de Jean-Louis Porchet entrepreneur en quête de poésie

Avec « Les yeux de Simone », le producteur passe à la réalisation.

Le génie suisse a des racines terriennes et souvent autodidactes dont le producteur vaudois Jean-Louis Porchet, la soixantaine toujours aventureuse, est un bon exemple. L’homme a beau avoir plus de cinquante productions à son actif (en tant que cofondateur de CAB Productions), où les noms de Tanner et de Chabrol voisinent avec ceux de Tavernier, de Reusser ou de Kieslowski, la grosse tête ne lui est pas venue… pas plus que la fortune. Samedi soir 15 août, devant une Piazza Grande archicomble, avec une pointe d’accent de chez nous, celui qui se dit prioritairement un entrepreneur, arrivé au cinéma par raccroc, s’est immédiatement effacé devant le couple emblématique de fous de cinéma qu’il a filmés dans son premier court-métrage, Les yeux de Simone.

A ses côtés: un jeune prof de philo aveugle de 83ans, du nom de Pierre Blondeau, flanqué de son épouse, Simone, qui lui «raconte» les films à l’oreille depuis qu’il a perdu la vue. Le couple anime le Ciné-Club Jean Becker de Pontarlier depuis 1961, où ont défilé les plus grands réalisateurs contemporains, tels Joseph Losey, Elia Kazan, Ettore Scola ou Dino Risi, entre autres Tanner et Tavernier. Or ce n’est qu’en 2008 que Jean-Louis Porchet a pris la mesure de cette extraordinaire passion «provinciale» du genre Cinema Paradiso, lorsque les Blondeau mirent sur pied une rétrospective de vingt films produits par CAB Productions au fil d’une semaine entière.

«Je me devais de raconter cette histoire d’amour, explique le producteur sur une terrasse locarnaise, d’autant plus que je me trouvais personnellement en pleine crise de couple»… Et d’évoquer les péripéties de cette nouvelle aventure commandée par le besoin de manifester sa reconnaissance. L’idée du projet ayant cristallisé, Irène Jacob, la mémorable interprète de Trois couleurs - Rouge, fut appelée à la rescousse pour un rôle quasi muet mais qui dit dans le film tout ce que les gens de cinéma doivent à leurs zélateurs fidèles. Et pour compléter le casting: la toute jeune Viviane Pavillon, à qui le producteur a déjà tendu la perche. «A nos âges, on sait faire des cadeaux», remarque alors Jean-Louis Porchet, qui insiste sur le fait que Pierre Blondeau l’a beaucoup fait réfléchir au cinéma et à la vie, alors que le film lui a permis de retrouver l’harmonie de son couple…

Au-delà de la caricature

Dans la foulée, ce premier court-métrage va marquer un tournant dans le travail du producteur: «J’ai envie, désormais, de m’investir dans des films qui raconteraient d’autres passions inaperçues. Il y a quelque temps, déjà, que j’aimerais faire un film sur Henri-Ferdinand Lavanchy, inventeur du travail intérimaire. Je sens que derrière le bâtisseur se tient un «poète». De la même façon, j’aimerais visiter le jardin secret d’un Sepp Blatter, alors que je ne connais rien au foot, ou d’Alain Morisod, cet autre dingue intéressant. Ces types ont une image souvent caricaturale alors qu’ils ont des ressources personnelles insoupçonnées. Il y a là une Suisse profonde qui m’intéresse, comme m’a intéressé la Belgique profonde quand j’ai réalisé Les convoyeurs attendent. Des institutions aussi ridicules, apparemment, que le roi des Belges ou l’armée suisse m’intéressent autant, par leur façon de «lier» une communauté que le ressourcement par la traite des chèvres ou la contemplation de la pleine lune. »

Date de sortie du film 1 janvier 2010

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