Les textes de cet atelier juste avant l'été ne nous sont pas tous parvenus. Un atelier avait lieu à la Médiathèque le matin, et un autre atelier l'après-midi au Chateau de Saint Germain de Livet. Les écrivains étaient les mêmes, Annie Bons était l'animatrice des deux ateliers. Les textes de l'après-midi sont parfois mêlés à ceux du matin. Bonne lecture tout de même.Si des retardataires se décident à envoyer leurs textes, nous pouvons les intégrer sans souci à ceux ci-dessous.
Trouver un miroir, un lieu qui réfléchit une image. Observer le reflet, ce qu’on voit en arrière ou au travers. Après l’observation, noter 4 ou 5 mots qui viennent de l’observation. Puis faire quelque chose avec ces mots.
Le miroir de l’âme
Mieux qu’un cauchemar, pire qu’un mauvais film. L’image est nulle : floue, distordue, illisible. Quoique … les boites rose fuchsia du marchand de chaussures font bel effet dans cette façade de verre de la médiathèque. Et puis, la forme en Y des fenêtres de l’immeuble en face est plutôt rigolote. Bon ça ne fait quand même pas un bon scénario. Tiens, le monsieur qui se met le doigt dans le nez en pensant que personne ne le voit ! Bon ça ne fait toujours pas une page d’écriture pour l’atelier d’Annie. Elle risque d’être déçue, Annie !
Le soleil tape. Je vais rentrer. Non, un dernier effort. Je regarde, je regarde et je vois … de l’Hébreu. Si ! Si ! Je lis « croissanterie » de droite à gauche. Sympa ! Non ? Je regarde encore un peu et je distingue un mouvement de l’autre côté de la vitre. Des gens, peut-être ? Une plante ou une forêt tropicale ? Et puis moi. Immobile au milieu du tableau. Mais de quel côté suis-je ? Où est ma droite ? Où est ma gauche ?
Bizarre.
Réflexion …
Cette façade qui réfléchit tout mais déformé. Qui laisse tout deviner de l’intérieur mais ne livre aucun secret. N’est-ce pas moi ? N’est-ce pas l’image de ma vie intérieure ? Je peux tout y voir et tout y deviner mais ne saisis rien. Je dois décoder et deviner tout en sachant bien de quoi il s’agit.
Bizarre cette façade en verre de la médiathèque.
N’est-elle pas aussi l’image de l’Autre ? L’Autre qu’on croit connaître mais dont en fait on ne sait que du flou, du déformé, de l’à peu près ?
Bizarre cette façade. Bizarre cet exercice.
Mieux qu’un cauchemar mais pire qu’un mauvais film.
E
Tout pour l’audition
Oui au marché
Si l’on a une bonne audition
On peut entendre des tas de bruits.
Tout pour la vue
Oui au marché
On peut apercevoir des reflets
Dans les vitrines des magasins
Echoppes diverses, ombres fuyantes
Sous le soleil de Lisieux
Où parfois on en prend plein les yeux
Le soleil dont je ne sais quel Satan
M’avait privé ces derniers temps
Se fixe sur la lunette arrière de la voiture
Me brûlant les yeux
Au point que je doive détourner le regard.
M
Le miroir ocre m’habilla de chaudes couleurs.
Les pâles visages se teintaient d’un hâle fictif.
La vie se réchauffait de milles paillettes cuivrées.
Mirage sur la route des vacances où la brume de chaleur déformait les êtres et les choses… Le reflet des immeubles annonçait leur chute prochaine, château de cartes déséquilibré Miroir du « Palais des glaces » de mon enfance où es-tu ?
S
100 Millions d’Euros !
100 millions d’Euros voilà ce que disait l’affiche bleue de JackPot derrière la vitre du kiosque à journaux.
Et même, si on s’arrêtait un peu devant, elle disait « 100 millions d’euros MINIMUM » !
Déjà, 100 Millions, c’était pas mal : je pouvais m’offrir 100 maisons à 1 million, 45000piscines à 22222,222€, 2 millions 400,08 paires de chaussures à 49,99 €, 13333333kg de cerises, 66 666 666,666 cafés en terrasse, 12 784 815 plants de tomates sur le marché… Je pouvais m’offrir… le monde entier.
(Je pouvais même acheter 1000 millions (minimum) de tickets de Jackpot pour gagner encore une fois les 100 millions d’Euros (minimum).
Dans le reflet de la vitre du kiosque à journaux, les billets virevoltaient, les petits bleus de 5, ceux de 20, de 50, et même ceux qu’on ne voit jamais, 200, 500…
Dans le reflet de la vitre du kiosque à journaux, je me voyais aussi en transparence sur l’affiche du Jackpot : ce que je voyais, c’était la millionnaire, la propriétaire bienheureuse des 100 maisons, des 45000 piscines, des 13333333,3 kg de cerises !
Les 2 millions 400,08 paires de chaussures scintillaient à mes pieds, telles des pantoufles de vair d’une Cendrillon enfin reconnue par la chance.
Les 12784815 plants de tomates ondulaient doucement, chargés de 76708890 tomates bien mûres, clignotant derrière mon reflet dans la vitre.
C’est alors que le reflet de la vitre du kiosque à journaux explosa, le verre se brisa en 100Millions (minimum) de petits débris, et l’affiche apparut sans le titre explicite : « Super JackPot, 100 Millions d’Euros Minimum. Tirage Vendredi 7 juin » Et on « était samedi –samedi 8 juin.
D
2° exercice :
Se mettre à deux. Dans l’exposition de Muzo, choisir un tableau où il y un reflet. Lui donner un titre, puis faire dialoguer les deux parties du tableau.
Tout
Exercice fait en compagnie de S.
Tableau choisi : deux profils emmêlés forment un seul visage. L’un des profils a un nez immense et une oreille. L’autre une immense bouche avec 6 dents.
Le nez parle à la bouche
Le nez : c’est quoi l’adresse de ton dentiste ?
La bouche : c’est le dentiste à 6 dents, pas dissident.
Le nez : tu crois qu’il soigne les tarins aussi ?
Les dents : tarin, tartarin, se tartarer. J’peux lui demander. J’pense pas qu’il ait la dent dure.
Le nez : le dérange pas, j’irai au pif. Je prêterai l’oreille au bruit de la roulette.
Les dents : avec ton grand nez et mes six dents, les deux yeux au milieu, nous sommes prêts à y aller ensemble …
Les deux ensembles : ça roule !
E. S.
En chasse ! D’abord la Médiathèque. Logique, j’y suis. Illico presto, subito, direction la salle de prêts et pourtant propre de près ; soit dit en passant. Excepté l’ictodon à queue plate qui ne sort que la nuit, on y trouve… tout ; surtout des livres et des vitres, lourdes de promesses vitrifiées et ce jour voilées pour cause de soleil et ceux et celles qui les font vivre…les livres et les cachent parfois. J’entre, virage à droite : Extase, jubilation. Tout est là. Miroir, reflets, réflexion, transparences, apparence, apparitions : superpositions ; sur six ou sept mètres de haut. Véhémente surprise. Face à la chose je m’affale sur un fauteuil bas sans bras. Evidence, spectacle parfait, forcément à la Médiathèque André Malraux. Cinq images superposées, sans rapport ; quoique leur dissemblance contribue à leur originalité. En bas, deux poteaux avec chaussures supportent une vue du Havre avec eau sèche, œuvre de Pissarro, sublime bien sûr. Au dessus, si ce n’est pas un chantier de démolition, c’est un atelier de menuiserie avec poutres que des bipèdes semblent passer à la dégauchisseuse, une surtout, les autres sont au plafond ; les poutres ; avec chat incertain en bas à droite. On doit pouvoir s’en passer. D’ailleurs ce n’est pas un chat et ça se passe sur la tôle d’une camionnette du marché à fanfreluches. Rien ne bouge. Entre le peintre et les hommes du bois, posé sur le Havre beau quoique incongru, un demi melon adulte de Cavaillon. Je tâte, tâtonne, je soulève, on voit les dents. Un peu surpris mes orteils se contractent. En bas le pied bouge. Ça doit être à moi tout ça. Instinctivement, je bigle vers le haut. D’un seul élan l’Eglise Saint Jacques quoique légèrement tronquée, s’élève, …, m’éblouit. Splendeur lumineuse, les hommes industrieux, le peintre inspiré, le sanctuaire hors du temps, la beauté toujours.
Si soleil chaud, ensemble visible gratuitement aux heurs d’ouverture de la Médiathèque. Demandez à la caisse avec précaution. Guide bilingue.
B
Ce samedi matin, derrière les étalages du marché, un miroir, placé à côté d'une mercerie, m'attire. Je m'approche et je me regarde. J'éprouve le besoin de déplacer une mèche de cheveux qui tombe trop sur les yeux. Puis, je réajuste un peu mieux ma coiffure.
Alors, j'ai envie de me regarder dans la vitrine.Là, je vois encore mon image, mais elle a changé,elle est devenue beaucoup plus floue,,suggérée presque, se mêlant aux passants qui se promènent. Je vois aussi la vendeuse qui mesure et taille le tissu dans son magasin. Mon image ou plutôt, la silhouette d'un visage au milieu d'une mosaïque de couleurs, flotte au dessus des canevas. C'est comme si j'étais au milieu de ces canevas, de ces napperons, de ces fils à broder aux couleurs magnifiques et j'aimerais presque les acheter. Et en même temps, c'est comme si j'étais aussi au milieu du marché, avec ces passants, ces badauds, ces dames derrière moi qui essaient des chaussures.
Alors, je reviens me regarder devant le vrai miroir fixe et net. Je compare les deux images et je m'aperçois que je préfère celle de la vitrine où tout se mêle. Là, mon image est liée à cette vie extérieure et à toutes ces personnes qui portent chacune une histoire, leur vie personnelle.
Aujourd'hui, en me regardant dans cette vitrine, tout se mêle,mon image, ma vie, toutes ces images, ces vies individuelles, si différentes les unes des autres. Tout cela est rassemblé, assemblé, dans ce même lieu, au même moment, sur le Marché. Le Marché, lieu de vie et d'histoires...
E
Une idée de soi
Sa silhouette se découpe sur l’image de l’apéritif. Drôle d’histoire, l’apéro à 10h30 du matin, trop tôt, même si la brasserie auquelle elle tourne le dos se trouve pleine à craquer. C’est quand même pas l’heure !
Du coup son regard accroche le rose des boîtes à chaussures. Il faut dire que le rose flashy sur l’image en noire et blanc de Muzo, ça la ramène quelques années en arrière, robe rose, chaussures noires sur fond blanc d’amertume. Son esprit vagabonde parmi les souvenirs puis revient à l’agitation des bras, des bustes, des têtes qui lui tournent le dos. L’image s’anime, tout d’un coup les gens de la rue s’accrochent au tableau et s’invitent à l’apéritif. Muzo prend de la couleur et revient à la vie. Elle devient une passante qui regarde les gens à l’apéro chez Muzo. Pas trop longtemps, même si les livres l’attirent, elle se laisse entraîner par l’agitation et participe à la fête du soleil, un verre à la main.
Le nez parle à la bouche
N : C’est quoi l’adresse de ton dentiste ?
B : C’est l’adresse du dentiste à six dents, pas dissident !
N : Tu crois qu’il soigne les tarins aussi ?
B : Tarin, tartarin, se tartarer, je peux lui demander ! je pense pas qu’il a la dent dure !
N : Le dérange pas ! J’irai au pif ! Je prêterai l’oreille au bruit de la roulette !
B : Avec ton grand nez et mes 6 dents, les 2 yeux au milieu, nous sommes prêts à y aller ensemble.
B&N : Ça roule !
Saule pleureur
Impression de vie
Chatoiement et splendeur
Clapotis de l’eau argentée
Jaune doré de l’églantier
Passage du cygne blanc, glacé
L’onde s’exprime, sous- jacente
La régularité devient apaisante
La sensation au cœur du monde
Tâches de couleurs entre les pâquerettes
Apparition magique du château
La fée n’a pas daigné apparaître
Feuilles en mouvement
Balancier de la vie
Couleur d’espoir, vert profond
Harmonie du temps qui passe
Les feuilles qui bruissent
Les écrits qui naissent
Crise de bord mer,
Il s’assit, rêveur. Laissant son regard vagabondé de l’autre côté de l’anse. Il se remémora la scène qui venait de se dérouler une heure plutôt, plein de tempête et sentant la peur. Tristes dégâts de son existence passée. Pour chasser ce souvenir désagréable, il se mit à longer le chemin côtier. Son regard se portait sur la falaise brune au loin. Il parcourut en pensée, la peau brune de sa femme. La colère le prit par surprise et il serra les dents, sa main accrocha les genêts, les herbes sauvages ; ses pieds piétinèrent le sol caillouteux ; il n’entendait même plus le roulement des vagues. Sa tête s’emmêlait et se démêlait au gré du ciel gris ardoise. Il se calma, et se remit à marcher rapidement, sans état d’âme. Il longea la bande de sable au pied des roches brunes. Il ne s’occupait pas de l’espace bleuté à côté de lui. Il s’accrochait tout d’un coup à l’espoir qui l’envahissait. Il lui dirait qu’elle l’avait profondément blessée et que la renaissance passerait par le dialogue et la tendresse. Il en avait besoin comme le sable qui coule doucement dans les mains. Son visage se tendit, et il gouta la sueur salée de son front. Le courage lui vint, il accéléra le pas ; l’odeur iodée de la mer l’accompagnait. Il se ressourçait du souffle de la brise. Quand il la vit au bout de la falaise, un grand souffle intérieur, couleur dorée, le transperça.
S
Lady Chatterley
L’automne est là, paré de ses douces couleurs. L’aube n’est pas loin. Une odeur de mousse, de champignons rend l’air frais, exaltant. Au loin les cloches du château sonnent pour appeler à la messe du matin. La femme debout, sombrement vêtue, hume l’odeur douceâtre de l’humus. Elle est à l’arrêt, devant un grand chêne dénudé. Elle a rendez- vous devant la cabane située près du ruisseau. Propriétaire du château, elle a des instructions à donner pour l’entretien des bois alentours. Perdue, un peu tremblante, légèrement essoufflée, elle se repose. Elle n’est pas habituée à l’exercice physique et elle sent que la vivacité de l’air met ses sens en éveil.
Non loin du pont qui traverse la rivière, un homme s’approche et la salue bien bas : Bonjour Lady Chatterley.
Portrait de sa fille Rosalie.
Elle pose d’une manière académique, comme il sied à l’époque. Elle n’est pas vraiment jolie, ses traits sont même un peu masculins. Sa belle robe bleue met en valeur son teint d’albâtre, son long cou et ses jolies épaules. Sa coiffure sage et peu seyante donne envie de dénouer ses cheveux, dégageant une fragrance lourde et épicée. Tout semble paisible et aucun bruit ne transparaît durant cette séance de pose.
C’est un calvaire pense t-elle en son for intérieur.Elle ne voit rien devant elle hormis la prairie à perte de vue. Sa bouche est sèche, elle n’a rien bu depuis le repas de midi. Qu’est ce qu’elle ne donnerait pas pour un verre bien frais de sirop d’orgeat ! L’odeur nauséabonde des étangs proches lui soulève le cœur et le pépiement des oiseaux l’agace au plus haut point.
A vingt trois ans elle rêve d’un autre avenir Non elle n’envisage pas de servir de modèle à son père toute sa vie. Ce dernier, peintre talentueux mais qui n’est pas encore célèbre la couvre d’invectives : Tiens toi droite mais sans raideur, souris, donne une âme à ce portrait.
Franchement, si sa fille continue ainsi, c’est sur, ce pastel sera sûrement raté !
Grenouille fugueuse
Dans l’eau moirée
Tu t’évades
Cygnes majestueux
Sur l’onde mutine
Naviguent au vent.
Saule ancien
Couhé dans l’eau
Pleure tristement.
Visiteurs hagards.
Dans le parc somptueux
S’égarent.
AM
Le troupeau progressait vers la mer. Les sabors englués dans le sable comme une flottille en perdition attirée par le chant des sirènes. Un beuglement dans le lointain. Qu'avons-nous fait? Quel sort nous a été jeté? La roche noire raisonnait de ses cris, le liseré de l'horizon tranchait le ciel de son gris acier. la soie blanchâtre des nuages adoucissait la scène. est-ce l'été ou bien l'hiver? Nul bruit sur la route. nul bateau sur la mer. Sûrement un marée basse. Du haut de la jetée, le regard glissait du champ du massacre aux froides falaises, impassibles, immuables, devant cette détresse.
D
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