… [ Charles se saisit d'une boîte en carton. Il traverse l'atelier et s'apprête à la déposer, là, au pied du mur. Pendant le transport, il entend cliqueter le contenu de la boîte. Charles est tenté. La boîte est de couleur marron foncé. Sur le couvercle, s'étale une inscription discrète et raffinée. On peut lire : La Maison du Chocolat. Charles ouvre la boîte. Depuis longtemps les chocolats ont disparu. De petits coquillages en grand nombre les remplacent, coquillages ramassés avec les enfants sur les plages de Bretagne.
Le papier doré de l'intérieur de la boîte rehausse leurs couleurs. Il y a là, en majorité, des coquillages semblables aux bigorneaux mais jaunes. Tous les tons sont représentés, depuis les ivoires presque blancs aux orangés soutenus en passant par les citrons, pailles ou ors. Il y a également de minuscules porcelaines et toutes sortes de colimaçons sculptés, rayés, cloisonnés, pointillés. Charles les contemple longuement et les fait rouler sousq ses doigts. Parmi les centaines de coquillages, il en sélectionne un, peut-être le plus petit d'entre eux. Les traits rouge carmin qui partent de la base ont attiré son oeil. Charles va chercher une loupe, s'installe sur la table à tréteaux et observe.
Le temps passe. C'est comme si le monde s'ouvrait devant Charles. Comme si tous les mystères étaient renfermés dans ce minuscule morceau de calcaire aux proportions magiques.] …
Bruno Allain Monsieur Néplion, p. 127-128 Edition de l'Amandier
La pauvre Josiane... Elle perd de plus en plus la boule ; il va falloir faire quelque chose, ça devient pathétique, et ça fait mauvais genre pour la clientèle ! Elle, Josiane, elle était dans son monde – ça lui arrivait de plus en plus souvent de puis l'épisode de la photo – Elle était redevenue petite fille – 6 ans – 6 ans ½ - quand, à l'école, elle vivait quasiment toute la journée avec des petits cailloux dans les chaussures (la cour était gravillonnée et ses souliers avaient des rous aux semelles) Les petits cailloux étaien en quelque sorte devenus familiers, comme des minuscules animaux qu'elle aurait cachés pour lui tennir compagnie... c'est vrai, ils lui avaient tenu compagnie pendant toute cette période où, trop petite, trop effacée, elle ne réussissait pas à se faire des amis, et était restée ignorée de cette maîtresse qui s'intéressait plus à des enfants plus doués – ou plus amusants – Et, encore une fois, ce fut la patronne qui la replogea brusquement dans le monde de 2011 - « Bon maintenant Josiane, ça suffit, ça va cinq minutes, votre petit manège ! Il y a des caisses à mettre dans la réserve ! » Avec un petit soupir, Josiane enleva son soulier, le secoua. Lle caillou minuscule – gris – roula en brinquebalant sous un rayonnage... Mais elle avait bien repéré où il s'était caché, et ce soir, avant de fermer la boutique, elle le récupérerait et le mettrait avec tous les autres dans le tiroir secret de son armoire. D...
Emile, le lilliputien, part à la recherche d'une nouvelle habitation. Un arbre, en pleine ville, pas facile à trouver - impossible de trouver son chemin à l'odeur, il y enna tant et tant des odeurs. Ces odeurs elles sont comme des murs : elles le heurtent, le blessent, et limitent chaque pas. Il tente de trouver de l'eau – là aussi cela s'avère être une vraie chasse au trésor – pas à pas de lilliputien, opiniâtre et courageux, le miracle se produit : le voilà au pied d'un hêtre. Il le reconnaît à ses fruits sur le sol ; avec un seul de ses fruits il a à manger pour 15 jours ! Un hêtre en ville, c'est possible ? Un vrai hêtre sensible, vibrant, lumineux, nourrissant, protecteur. Et si c'était le fruit de son imagination, si c'était une illusion – il l'a tant cherché, tant désiré – il a tant voulu retrouver cet hêtre dont tout lilliputien, encore en vie, sur cette terre, a gardé la mémoire. Il gratte doucement avec la pulpe de ses doigts, avec la paume de sa main et les fibres s'écartent, les fils invisibles s'éclairent et Emile entre heureux dans son hêtre.. Ses yeux peuvent enfin se reposer, l'espace à travers l'arbre est immense et chaque détail, chaque parcelle est un monde en soi : l'araignée et ses fils, les veines et leurs paysages, les dégradés de couleurs, la densité de la sève – et tous ces chemins qu'Emile le lilliputien va pouvoir découvrir dans les racines, sur les branches, au faîte de l'arbre. Il en pleure de joie, il se baigne dans ses larmes et l'hêtre palpite de cette eau retrouvée. Et les oreilles d'Emile ? Elles savourent les crissements, les grincements, les pics pics des oiseaux. V...
La fille à la grande écharpe rentre chez elle, elle doit téléphoner et cherche le numéro dans le répertoire. Elle le saisit, c’est un banal répertoire, de petit format, à ressort, rouge, un peu écorné maintenant. Au début, de bonnes résolutions l’avaient conduite à noter les noms, les numéros et quelquefois les adresses, toujours de la même écriture scripte, à l’encre bleue, noms en majuscules, soulignés. La précipitation a bouleversé le bon ordonnancement : utilisation de stylo bille noir, lettres cursives, minuscules. Les ratures sont venues aussi : changement d’adresses, de numéros, disparitions. Et puis là, ce nom, cette adresse et ce numéro ne sont pas barrés, pourtant la personne concernée l’a quittée depuis quelques années déjà ; légalement elle ne fait plus partie du monde des vivants. Comme les autres, elle devrait avoir disparu de la liste ! C’est trop dur, la jeune fille ne peut se résoudre à l’effacer. Le fauteuil usé sous les cuisses où elle s’assoit pour lire, la tasse à la queue cassée dans laquelle elle boit son café tous les jours, la lui rappellent quotidiennement. Mais rayer ce nom, ce prénom, ce numéro d’un téléphone qui ne sonne plus, elle ne le veut pas ! Cette voix, tant d’années après, elle l’entend encore. Cet espace dans ce calepin est un espace de vie. Tant qu’il sera là, elle sera encore une petite fille, « la fille de » tout simplement. Elle ne sera jamais seule. Personne ne lui a jamais demandé en consultant ce carnet pourquoi ce numéro était-il toujours en vigueur ? Tout simplement, elle aurait répondu « parce que ».E...
Nos archéologues qui sont constamment en train de rechercher à découvrir surtout en Egypte ce que pouvait être la vie dans le lointain passé avaient mis à jour dans les profondeurs d'une pyramide les restes momifiés d'un ancêtre à qui ils ne parvenaient pas à trouver un nom. Les jours passaient et quelle ne fut pas leur surprise en revenant un matin près du sarcophage de découvrir qu'il était vide. Les questions fusèrent la journée entière mais la nuit suivante le sommeil de plusieurs personnes fut mouvementé par des rêves, des apparitions succinctes, éphémères, non certifiées de la vue, de la sensation de présence près de leur lit . L'on découvrit aussi que la machine à calculer de l'un d'eux avait disparu et l'on s'en étonna, tous bien certains qu'aucune personne du chantier ne pouvait avoir subtilisé ladite « prothèse électronique pour cerveau fatigué » d'un collègue; la nuit suivante il fut décidé que cachés dans la pyramide chacun leur tour, les archéologues monteraient la garde et tenteraient de constituer l'histoire des disparitions. Quelle ne fut pas la surprise de l'un d'eux de voir dans l'obscurité presque complète de la pyramide Belfégor qui un jour avait hanté le musée du Louvre... en train de manipuler la machine à calculer et de prononcer à plusieurs reprises : « Mais nous avions jadis des moyens semblables... Ils ont modernisé mais n'ont rien inventé ! » …M...
mon personnage. Je suis sortie de ma campagne. Je quittai ma province à 16 ans avec comme bagage 1 certificat d'études et un CAP de couture et mon trousseau et mon livret de caisse d'Epargne. J'ai pris le train vers Paris. Je suis arrivée à la gare Montparnasse et j'ai trouvé un foyer d'accueil dans le 5ème arrondissement. J'ai appris à me guider dans le métro et j'ai trouvé un emploi de vendeuse pas très payée. Je me suis guidée place Vendôme, j'ai repéré une annoce qu'ils recherchaient une petite main avec un meilleur salaire et engagée avec beaucoup d'heures. J'ai pu retrouver un appartement Square de la Martine où j'ai acheté quelques meubles j'ai fini ma vie de rêve avec beaucoup de sacrifice et les années ont défilé.E...
Ah heureusement B est là. Représentant de l'ordre et de la justice, il va pouvoir m'aider. Je suis très connue des services de police. Je rentre dans l'enceinte du commissariat, toujours aussi désincarné. Après les civilités d'usage, mon interrogatoire commence. Et qui est ce Monsieur ? Qu'est-ce qu'il fait là ? Et pourquoi cet endroit lui semble si familier ? Et ô surprise j'apprends que cet homme fait partie de la Grande Maison. Mandaté par la brigade de surveillance des biens publics, il enquête actuellement sur un trafic d'oeuvres d'art. En planque à la médiathèque, il observe tout mouvement suspect qui pourrait lui fournir des indices. Fouiller les tiroirs n'était qu'un prétexte pour affiner son observation – Car l'exposition actuelle, n'était-elle pas le fruit du recel d'oeuvres disparues il y a quelques années. Abîmé dans la contemplation des tableaux, et fort de ses études aux Beaux Arts, notre homme était dubitatif ! Ces formes, ces couleurs, ces visages toujours les mêmes lui rappelaient un peintre bien connu. Le samouraï là, dans la maîtrise de son art, en un mouvement parfait. Et ces femmes, blanches colombes, aux ailes repliées. Des oiseaux prisonniers, prêts à s'envoler. Du bleu, du rouge, des visages pâles et toujours de profil. Du figuratif, de l'abstrait. Un peintre talentueux, oui, mais lequel ? Toujours en planque afin d'observer notre homme et avancer dans mon enquête, je reprends ma filature. D'un pas alerte et dynamique, l'inspecteur gadget (c'est ainsi que je le surnomme) se dirige à nouveau vers la médiathèque. Ô surprise l'exposition n'est plus la même. Mais si notre homme est encore là, à observer, cela voudrait-il dire que le trafic continue ? Je l'aperçois, fouillant discrètement dans une des poches de son blouson. Je le vois extraire un petit appareil, rectangulaire mais de petite taille. De couleur gris argenté, il semble tenir facilement dans le creux de la main. C'est d'ailleurs de cette façon qu'il vient s'y loger, tel un petit animal discipliné, dans la grande main élégante du monsieur qui cherche. Je le vois se diriger vers les tableaux, et d'une façon naturelle lever cette main à leur hauteur. Une lueur furtive et brève, quasi imperceptible, se déclenche à chaque mouvement devant un tableau. Personne n'a rien remarqué; Je suis toujours aussi intriguée. Que cherche-t-il véritablement ?AM...
Trois
déménagements en moins d'un an. Cette fois c'est le dernier. Assise sur
une chaise posée là au milieu des cartons, elle savoure l'instant. Il
est tard. Les bonnes volontés venues l'aider sont reparties pour un
repos bien mérité. Elle est enfin chez elle. L'ouvrage pour les
prochains jours ne va pas tarder mais ce soir qu'importe... Ses yeux se
posent sur un carton ou plutôt sur l'étiquette du carton qu'elle a
méticuleusement collée il y a bien longtemps maintenant. Livres. Ce
n'est pas très raisonnable. La vaisselle, les vêtements devraient sans
doute être déballés d'abord mais on verra plus tard. Des cartons comme
celui-là, il y en a de nombreux. En les regardant un à un elle comprend
combien ils lui ont manqué. Pendant tous ces mois, elle ne pouvait pas
s'encombrer de superflu. Ses hébergements provisoires ne lui
permettaient pas mais aujourd'hui, à ce moment précis, le superflu
devient l'indispensable. Elle doit ouvrir un carton, puis un autre. Des
livres de toutes tailles, de toutes couleurs. Chacun a marqué sa mémoire
à sa façon et puis son regard est attiré irrésistiblement par le livre.
Il est jauni, défraîchi, ni plus épais, ni plus grand qu'un autre, il
n'a rien pour retenir l'attention mais pourtant. Elle le prend
doucement, le caresse, le feuillette puis va s'installer sur son lit.
C'est peut-être le seul meuble qui ait trouvé sa place définitive. Une
amie a même pris le temps de mettre des draps propres avant de partir,
pour qu'elle passe une bonne première nuit. Elle s'assied
confortablement et regarde la couverture presque comme si elle la voyait
pour la première fois. En fait, elle reprend possession de son livre,
elle revoit tout le chemin qu'ils ont parcouru ensemble. Elle ne se
souvient plus de l'avant lui, il a accompagné tous les moments
importants de sa vie. Ces moments défilent dans sa tête. Immanquablement
se yeux se ferment, elle résiste, résiste puis plus rien. Elle
s'endort, un sourire sur les lèvres, Mr Néplion sur les genoux. C...
Imagine...(proposition d'écriture au Jardin des Simples, Salon du Livre de Caen 2011)Texte1: Eh bien, justement, je n'imagine rien. C'est dur d'imaginer à la demande ! J'essaye, je me creuse la cervelle...Rien, Nada. Il y a des choses, comme ça, qu'on ne peut pas faire comme on veut : Dors ! Aime ! Concentre-toi (je ne sais pas si vous avez déjà essayé : que faire quand on nous dit « mais concentre-toi, bon sang ! » - eh oui – c'est toujours sur un ton un peu énervé qu'on nous serine ça - ) Alors vous pensez bien : IMAGINE ! Quels sont les ressorts du cerveau que l'on peut mettre en marche ? Y a-t-il un bouton, un petit interrupteur caché, qu'on pourrait pousser et CLIC ! La machine à rêve se déclenche, on part... Imaginez ce que ce serait bien !D...
Texte 2 : Bon, déjà, un texte, c'était dur, alors 2 ! Mais quelle idée ! D'abord, qu'est-ce que c'est, l'imagination ? Un petit cinéma dans le cerveau ? Un billet gratuit pour le lointain ? Et alors, du coup, c'est quoi, l'inimaginable ? « C'est inimaginable ! » Alors que justement on est en train de l'imaginer... Bon, j'arrête, ça devient pénible, j'ai mal à la tête et je ne voudrais pas lasser. Alors, je vous laisse imaginer la suite ! D...
Texte 1 : Imagine, que chaque être, animal, homme, chaque plante, soit attentif à l'autre, vibre avec l'autre et soit vigilant sans peur de perdre, de ne pas avoir, de ne pas être entendu, reconnu, imagine V...
Texte 2 : Imagine, des feux d'artifice, des arcs-en-ciel, des silences, des fous-rires, des éclats de rire, des larmes de joie et de miel, des vibrations, des oublis, des résonnances. V...
Texte1 : Imagine une vie où chacun aurait son jardin, même en ville, comment ? Je ne sais pas. Chacun pourrait y faire pousser ce qu’il voudrait : légumes, fleurs, plantes aromatiques ou, pourquoi pas, un jardin laissé en friche où la faune et la flore locale s’exprimeraient. La seule obligation serait de respecter celui de son voisin et tout devrait être fait de façon naturelle, sans moteurs, sans technique, à l’huile de coude, à la patience, à l’amour, à l’émerveillement, au partage aussi ! Les pragmatiques s’exprimeraient dans un jardin potager, les poètes puiseraient l’inspiration parmi les fleurs, les sorcières cultiveraient toutes sortes de plantes médicinales connues d’elles seules, les paresseux se repaîtraient d’insectes volants, bourdonnants, de petits animaux courant dans les herbes folles, jouiraient du parfum et des couleurs des fleurs semées par le vent et les insectes…E...
Texte 2 : Imagine que dans ces jardins, les petits enfants disposeraient d’un carré à eux. Ils y planteraient ce que les adultes voudraient bien leur abandonner, des légumes, des fleurs à repiquer. Certains creuseraient pour construire une mare en espérant y trouver des têtards ou des grenouilles. D’autres ramasseraient, lors de promenades, des pieds de violettes et de primevères pour les replanter. Les petits arrosoirs inonderaient trop souvent les parcelles. Ce serait des constructions et déconstructions permanentes…E...
Texte 1 : Imagine que tu ne restes pas sur ton négationnisme habituel ton défétisme permanent. Imagine demain ou même après-demain te revoyant danser, courir, sourire, blaguer comme par le passé. Tu ne retrouveras pas l'âge que tu avais avant d'accord mais l'expérience acquise durant ce temps passé te sera bénéfique et t'aidera à positiver, à éviter les petites erreurs de comportement que tu pouvais regretter et que seul toi remarquais et regrettais. M...
Texte 2 : Imagine que ta situation bien qu'elle soit restée la même ton bien être récent t'aide à le voir différemment. Tu te satisferas avec plaisir de ce que tu possèdes et tu remarqueras que bien d'autres n'en possèdent pas autant. Le moindre bien matériel a la valeur que nos yeux veulent bien lui donner et la santé que l'on retrouve ne peut faire penser que si on l'a perdue durant un temps toujours bien trop long, d'autres ne l'ont jamais eue et ne l'auront jamais. M...
Texte 1 : J'imagine que je suis dans mon jardin parmi les fleurs et les légumes envahie par les grandes herbes. Avec les reflets du soleil et le parfum des fleurs et la rosée du matin. E...
Texte 2 : J'imagine que ma tenue vestimentaire ne suit pas mes idées, et que cela est à revoir et pas facile avec ce mois AVRIL 2011, où on ne sait que mettre en début de journée.E...
Texte
1: Imagine des hommes sans visage. Comment s'adresser à eux ? Que
regarder pour leur parler ? Et surtout, comment savoir ce qu'ils
entendent, comment ils réagissent, ce qu'ils ressentent ? Colère,
tristesse, joie et bonheur n'auront sans doute pas la même saveur.
Imagine un monde sans jardin. En courant après quel papillon le jeune
enfant découvrirait-il la marche ? En mangeant quel fruit volé
apprendrait-il le goût ? En observant quelle feuille légère
comprendrait-il le vent ? En admirant quelle fleur découvrirait-il la
couleur ? Un monde sans jardin c'est un monde sans sensation, on ne peut
pas l'imaginer. C...
Proposition 2 :
Objet trouvé : votre personnage trouve, remarque, voit un objet, un objet qui lui rappelle quelque chose, qui lui est familier, qui a évolué au cours du temps...
Texte d'appui : Monsieur Néplion, p. 127-128
… [ Charles se saisit d'une boîte en carton. Il traverse l'atelier et s'apprête à la déposer, là, au pied du mur. Pendant le transport, il entend cliqueter le contenu de la boîte. Charles est tenté. La boîte est de couleur marron foncé. Sur le couvercle, s'étale une inscription discrète et raffinée. On peut lire : La Maison du Chocolat. Charles ouvre la boîte. Depuis longtemps les chocolats ont disparu. De petits coquillages en grand nombre les remplacent, coquillages ramassés avec les enfants sur les plages de Bretagne. Le papier doré de l'intérieur de la boîte rehausse leurs couleurs. Il y a là, en majorité, des coquillages semblables aux bigorneaux mais jaunes. Tous les tons sont représentés, depuis les ivoires presque blancs aux orangés soutenus en passant par les citrons, pailles ou ors. Il y a également de minuscules porcelaines et toutes sortes de colimaçons sculptés, rayés, cloisonnés, pointillés. Charles les contemple longuement et les fait rouler sousq ses doigts. Parmi les centaines de coquillages, il en sélectionne un, peut-être le plus petit d'entre eux. Les traits rouge carmin qui partent de la base ont attiré son oeil. Charles va chercher une loupe, s'installe sur la table à tréteaux et observe.
Le temps passe. C'est comme si le monde s'ouvrait devant Charles. Comme si tous les mystères étaient renfermés dans ce minuscule morceau de calcaire aux proportions magiques.] …
La pauvre Josiane... Elle perd de plus en plus la boule ; il va falloir faire quelque chose, ça devient pathétique, et ça fait mauvais genre pour la clientèle !
Elle, Josiane, elle était dans son monde – ça lui arrivait de plus en plus souvent de puis l'épisode de la photo – Elle était redevenue petite fille – 6 ans – 6 ans ½ - quand, à l'école, elle vivait quasiment toute la journée avec des petits cailloux dans les chaussures (la cour était gravillonnée et ses souliers avaient des rous aux semelles)
Les petits cailloux étaien en quelque sorte devenus familiers, comme des minuscules animaux qu'elle aurait cachés pour lui tennir compagnie... c'est vrai, ils lui avaient tenu compagnie pendant toute cette période où, trop petite, trop effacée, elle ne réussissait pas à se faire des amis, et était restée ignorée de cette maîtresse qui s'intéressait plus à des enfants plus doués – ou plus amusants – Et, encore une fois, ce fut la patronne qui la replogea brusquement dans le monde de 2011 - « Bon maintenant Josiane, ça suffit, ça va cinq minutes, votre petit manège ! Il y a des caisses à mettre dans la réserve ! »
Avec un petit soupir, Josiane enleva son soulier, le secoua. Lle caillou minuscule – gris – roula en brinquebalant sous un rayonnage... Mais elle avait bien repéré où il s'était caché, et ce soir, avant de fermer la boutique, elle le récupérerait et le mettrait avec tous les autres dans le tiroir secret de son armoire.D...
Emile, le lilliputien, part à la recherche d'une nouvelle habitation. Un arbre, en pleine ville, pas facile à trouver - impossible de trouver son chemin à l'odeur, il y enna tant et tant des odeurs. Ces odeurs elles sont comme des murs : elles le heurtent, le blessent, et limitent chaque pas. Il tente de trouver de l'eau – là aussi cela s'avère être une vraie chasse au trésor – pas à pas de lilliputien, opiniâtre et courageux, le miracle se produit : le voilà au pied d'un hêtre. Il le reconnaît à ses fruits sur le sol ; avec un seul de ses fruits il a à manger pour 15 jours ! Un hêtre en ville, c'est possible ? Un vrai hêtre sensible, vibrant, lumineux, nourrissant, protecteur. Et si c'était le fruit de son imagination, si c'était une illusion – il l'a tant cherché, tant désiré – il a tant voulu retrouver cet hêtre dont tout lilliputien, encore en vie, sur cette terre, a gardé la mémoire.
Il gratte doucement avec la pulpe de ses doigts, avec la paume de sa main et les fibres s'écartent, les fils invisibles s'éclairent et Emile entre heureux dans son hêtre.. Ses yeux peuvent enfin se reposer, l'espace à travers l'arbre est immense et chaque détail, chaque parcelle est un monde en soi : l'araignée et ses fils, les veines et leurs paysages, les dégradés de couleurs, la densité de la sève – et tous ces chemins qu'Emile le lilliputien va pouvoir découvrir dans les racines, sur les branches, au faîte de l'arbre. Il en pleure de joie, il se baigne dans ses larmes et l'hêtre palpite de cette eau retrouvée.
Et les oreilles d'Emile ? Elles savourent les crissements, les grincements, les pics pics des oiseaux.V...
La fille à la grande écharpe rentre chez elle, elle doit téléphoner et cherche le numéro dans le répertoire. Elle le saisit, c’est un banal répertoire, de petit format, à ressort, rouge, un peu écorné maintenant.
Au début, de bonnes résolutions l’avaient conduite à noter les noms, les numéros et quelquefois les adresses, toujours de la même écriture scripte, à l’encre bleue, noms en majuscules, soulignés. La précipitation a bouleversé le bon ordonnancement : utilisation de stylo bille noir, lettres cursives, minuscules.
Les ratures sont venues aussi : changement d’adresses, de numéros, disparitions. Et puis là, ce nom, cette adresse et ce numéro ne sont pas barrés, pourtant la personne concernée l’a quittée depuis quelques années déjà ; légalement elle ne fait plus partie du monde des vivants. Comme les autres, elle devrait avoir disparu de la liste !
C’est trop dur, la jeune fille ne peut se résoudre à l’effacer. Le fauteuil usé sous les cuisses où elle s’assoit pour lire, la tasse à la queue cassée dans laquelle elle boit son café tous les jours, la lui rappellent quotidiennement.
Mais rayer ce nom, ce prénom, ce numéro d’un téléphone qui ne sonne plus, elle ne le veut pas !
Cette voix, tant d’années après, elle l’entend encore. Cet espace dans ce calepin est un espace de vie. Tant qu’il sera là, elle sera encore une petite fille, « la fille de » tout simplement. Elle ne sera jamais seule.
Personne ne lui a jamais demandé en consultant ce carnet pourquoi ce numéro était-il toujours en vigueur ? Tout simplement, elle aurait répondu « parce que ». E...
Nos archéologues qui sont constamment en train de rechercher à découvrir surtout en Egypte ce que pouvait être la vie dans le lointain passé avaient mis à jour dans les profondeurs d'une pyramide les restes momifiés d'un ancêtre à qui ils ne parvenaient pas à trouver un nom. Les jours passaient et quelle ne fut pas leur surprise en revenant un matin près du sarcophage de découvrir qu'il était vide. Les questions fusèrent la journée entière mais la nuit suivante le sommeil de plusieurs personnes fut mouvementé par des rêves, des apparitions succinctes, éphémères, non certifiées de la vue, de la sensation de présence près de leur lit . L'on découvrit aussi que la machine à calculer de l'un d'eux avait disparu et l'on s'en étonna, tous bien certains qu'aucune personne du chantier ne pouvait avoir subtilisé ladite « prothèse électronique pour cerveau fatigué » d'un collègue; la nuit suivante il fut décidé que cachés dans la pyramide chacun leur tour, les archéologues monteraient la garde et tenteraient de constituer l'histoire des disparitions.
Quelle ne fut pas la surprise de l'un d'eux de voir dans l'obscurité presque complète de la pyramide Belfégor qui un jour avait hanté le musée du Louvre... en train de manipuler la machine à calculer et de prononcer à plusieurs reprises : « Mais nous avions jadis des moyens semblables... Ils ont modernisé mais n'ont rien inventé ! » …M...
mon personnage. Je suis sortie de ma campagne. Je quittai ma province à 16 ans avec comme bagage 1 certificat d'études et un CAP de couture et mon trousseau et mon livret de caisse d'Epargne. J'ai pris le train vers Paris. Je suis arrivée à la gare Montparnasse et j'ai trouvé un foyer d'accueil dans le 5ème arrondissement. J'ai appris à me guider dans le métro et j'ai trouvé un emploi de vendeuse pas très payée. Je me suis guidée place Vendôme, j'ai repéré une annoce qu'ils recherchaient une petite main avec un meilleur salaire et engagée avec beaucoup d'heures. J'ai pu retrouver un appartement Square de la Martine où j'ai acheté quelques meubles j'ai fini ma vie de rêve avec beaucoup de sacrifice et les années ont défilé.E...
Ah heureusement B est là. Représentant de l'ordre et de la justice, il va pouvoir m'aider.
Je suis très connue des services de police.
Je rentre dans l'enceinte du commissariat, toujours aussi désincarné.
Après les civilités d'usage, mon interrogatoire commence.
Et qui est ce Monsieur ? Qu'est-ce qu'il fait là ? Et pourquoi cet endroit lui semble si familier ? Et ô surprise j'apprends que cet homme fait partie de la Grande Maison. Mandaté par la brigade de surveillance des biens publics, il enquête actuellement sur un trafic d'oeuvres d'art. En planque à la médiathèque, il observe tout mouvement suspect qui pourrait lui fournir des indices. Fouiller les tiroirs n'était qu'un prétexte pour affiner son observation – Car l'exposition actuelle, n'était-elle pas le fruit du recel d'oeuvres disparues il y a quelques années. Abîmé dans la contemplation des tableaux, et fort de ses études aux Beaux Arts, notre homme était dubitatif ! Ces formes, ces couleurs, ces visages toujours les mêmes lui rappelaient un peintre bien connu.
Le samouraï là, dans la maîtrise de son art, en un mouvement parfait. Et ces femmes, blanches colombes, aux ailes repliées. Des oiseaux prisonniers, prêts à s'envoler. Du bleu, du rouge, des visages pâles et toujours de profil. Du figuratif, de l'abstrait. Un peintre talentueux, oui, mais lequel ?
Toujours en planque afin d'observer notre homme et avancer dans mon enquête, je reprends ma filature.
D'un pas alerte et dynamique, l'inspecteur gadget (c'est ainsi que je le surnomme) se dirige à nouveau vers la médiathèque.
Ô surprise l'exposition n'est plus la même. Mais si notre homme est encore là, à observer, cela voudrait-il dire que le trafic continue ?
Je l'aperçois, fouillant discrètement dans une des poches de son blouson.
Je le vois extraire un petit appareil, rectangulaire mais de petite taille. De couleur gris argenté, il semble tenir facilement dans le creux de la main. C'est d'ailleurs de cette façon qu'il vient s'y loger, tel un petit animal discipliné, dans la grande main élégante du monsieur qui cherche.
Je le vois se diriger vers les tableaux, et d'une façon naturelle lever cette main à leur hauteur. Une lueur furtive et brève, quasi imperceptible, se déclenche à chaque mouvement devant un tableau. Personne n'a rien remarqué;
Je suis toujours aussi intriguée. Que cherche-t-il véritablement ?
Trois
déménagements en moins d'un an. Cette fois c'est le dernier. Assise sur
une chaise posée là au milieu des cartons, elle savoure l'instant. Il
est tard. Les bonnes volontés venues l'aider sont reparties pour un
repos bien mérité. Elle est enfin chez elle. L'ouvrage pour les
prochains jours ne va pas tarder mais ce soir qu'importe... Ses yeux se
posent sur un carton ou plutôt sur l'étiquette du carton qu'elle a
méticuleusement collée il y a bien longtemps maintenant. Livres. Ce
n'est pas très raisonnable. La vaisselle, les vêtements devraient sans
doute être déballés d'abord mais on verra plus tard. Des cartons comme
celui-là, il y en a de nombreux. En les regardant un à un elle comprend
combien ils lui ont manqué. Pendant tous ces mois, elle ne pouvait pas
s'encombrer de superflu. Ses hébergements provisoires ne lui
permettaient pas mais aujourd'hui, à ce moment précis, le superflu
devient l'indispensable. Elle doit ouvrir un carton, puis un autre. Des
livres de toutes tailles, de toutes couleurs. Chacun a marqué sa mémoire
à sa façon et puis son regard est attiré irrésistiblement par le livre.
Il est jauni, défraîchi, ni plus épais, ni plus grand qu'un autre, il
n'a rien pour retenir l'attention mais pourtant. Elle le prend
doucement, le caresse, le feuillette puis va s'installer sur son lit.
C'est peut-être le seul meuble qui ait trouvé sa place définitive. Une
amie a même pris le temps de mettre des draps propres avant de partir,
pour qu'elle passe une bonne première nuit. Elle s'assied
confortablement et regarde la couverture presque comme si elle la voyait
pour la première fois. En fait, elle reprend possession de son livre,
elle revoit tout le chemin qu'ils ont parcouru ensemble. Elle ne se
souvient plus de l'avant lui, il a accompagné tous les moments
importants de sa vie. Ces moments défilent dans sa tête. Immanquablement
se yeux se ferment, elle résiste, résiste puis plus rien. Elle
s'endort, un sourire sur les lèvres, Mr Néplion sur les genoux. AM
Imagine
des hommes sans visage. Comment s'adresser à eux ? Que regarder pour
leur parler ? Et surtout, comment savoir ce qu'ils entendent, comment
ils réagissent, ce qu'ils ressentent ? Colère, tristesse, joie et
bonheur n'auront sans doute pas la même saveur.
Imagine
un monde sans jardin. En courant après quel papillon le jeune enfant
découvrirait-il la marche ? En mangeant quel fruit volé apprendrait-il
le goût ? En observant quelle feuille légère comprendrait-il le vent ?
En admirant quelle fleur découvrirait-il la couleur ?
Un monde sans jardin c'est un monde sans sensation, on ne peut pas l'imaginer.C...
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