Après ces jours derniers particulièrement bien remplis, je décide, pour m'en éloigner, de me retrouver face à un texte.
Assez rétive à l'idée de lire ce qu'il faut lire absolument (quel palmarès de critiques ! ), je fonce néanmoins chez la libraire (eh oui, il nous arrive d'acheter des livres !) et me plonge dans le Paris-Brest de Tanguy Viel, j'ai soudain envie de m'y colleter, d'autant que cet auteur nous a rendu visite à Lisieux le 2 avril et que d'évidence le personnage m'intéresse - son Insoupçonnable m'avait beaucoup emballée -, alors voyons un peu ce roman sorti il y a trois mois déjà.
Cette ville de Brest ça fait longtemps que je la connais et que je l'aime, c'est vrai qu'elle est moche et ravagée (je cite l'auteur !), mais c'est aussi ce qui la rend belle et on n'arrive pas par hasard à Brest : pour la voir il faut le vouloir. Il faut la vouloir, cette ville !
J'y suis vraiment entrée immédiatement, est-ce parce que le protagoniste y règle ses comptes et que cela correspond à mon état d'esprit du moment.
Vive les secrets de famille. Ce texte sent le soufre et son style sent l'iode.
Je ne l'ai pas lâché. Je l'ai lu debout. Dos à un feu de cheminée que j'ai régulièrement alimenté, de sorte que la chaleur diffusée était à la limite du tenable, ça me chauffait les fesses mais je n'avais pas l'intention de bouger d'un iota parce que j'avais besoin de cette chaleur à cet instant-là, parce que cette histoire m'a portée et que je l'ai bien supportée ; chaque nouveau paragraphe reprenant la fin du précédent, on en ressent le rythme des vagues et du ressac, avec la fausse impression de faire du sur place alors qu'on est déjà sur la crête suivante.
La page 56 commence ainsi :
(..) on ne s'est pas parlé du trajet, comme rendus plus silencieux encore par la mer endormie qu'on longeait maintenant sur la seule route tracée qui sillonnait la dune, où chaque rocher dressé à la surface de l'eau semblait comme une stèle apaisée à la mémoire du vent. Mais c'est à peine si je la regardais, la mer, attentif seulement à l'instant où on apercevrait cette maison dont ma mère m'avait parlé cent fois au téléphone, on ne peut pas la rater, disait-elle, tu verras comme elle est belle. Et dans le ciel sans reproche, bientôt on pourrait voir, comme sur un promontoire exprès, la solitude de la maison se profiler à l'horizon de la route, exactement comme je l'imaginais, comme un rocher que la mer aurait jeté un jour énervé d'équinoxe, vieux mélange de granit et d'ardoise, dont chaque marée trop haute sous chaque rafale trop grande venait encore rafraîchir le vieux lierre sur la façade si fière, érigée comme un défi bourgeois à la mer millénaire.
Au long de cent quatre-vingt-dix pages non stop, parfaitement immobile, je me suis tenue prête à recevoir les vagues successives, mes pensées seules en mouvement.
Ce fut un beau dimanche à se laisser bercer par une histoire sombre qui suinte la mer, la vraie, la mer d'Iroise.
Vue sur la rade de Brest
Cette ville de Brest ça fait longtemps que je la connais et que je l'aime, c'est vrai qu'elle est moche et ravagée (je cite l'auteur !), mais c'est aussi ce qui la rend belle et on n'arrive pas par hasard à Brest : pour la voir il faut le vouloir. Il faut la vouloir, cette ville !
J'y suis vraiment entrée immédiatement, est-ce parce que le protagoniste y règle ses comptes et que cela correspond à mon état d'esprit du moment.
Vive les secrets de famille. Ce texte sent le soufre et son style sent l'iode.
Je ne l'ai pas lâché. Je l'ai lu debout. Dos à un feu de cheminée que j'ai régulièrement alimenté, de sorte que la chaleur diffusée était à la limite du tenable, ça me chauffait les fesses mais je n'avais pas l'intention de bouger d'un iota parce que j'avais besoin de cette chaleur à cet instant-là, parce que cette histoire m'a portée et que je l'ai bien supportée ; chaque nouveau paragraphe reprenant la fin du précédent, on en ressent le rythme des vagues et du ressac, avec la fausse impression de faire du sur place alors qu'on est déjà sur la crête suivante.
La page 56 commence ainsi :
(..) on ne s'est pas parlé du trajet, comme rendus plus silencieux encore par la mer endormie qu'on longeait maintenant sur la seule route tracée qui sillonnait la dune, où chaque rocher dressé à la surface de l'eau semblait comme une stèle apaisée à la mémoire du vent. Mais c'est à peine si je la regardais, la mer, attentif seulement à l'instant où on apercevrait cette maison dont ma mère m'avait parlé cent fois au téléphone, on ne peut pas la rater, disait-elle, tu verras comme elle est belle. Et dans le ciel sans reproche, bientôt on pourrait voir, comme sur un promontoire exprès, la solitude de la maison se profiler à l'horizon de la route, exactement comme je l'imaginais, comme un rocher que la mer aurait jeté un jour énervé d'équinoxe, vieux mélange de granit et d'ardoise, dont chaque marée trop haute sous chaque rafale trop grande venait encore rafraîchir le vieux lierre sur la façade si fière, érigée comme un défi bourgeois à la mer millénaire.
Au long de cent quatre-vingt-dix pages non stop, parfaitement immobile, je me suis tenue prête à recevoir les vagues successives, mes pensées seules en mouvement.
Ce fut un beau dimanche à se laisser bercer par une histoire sombre qui suinte la mer, la vraie, la mer d'Iroise.
Vue sur la rade de Brest
1 commentaire:
Merci Stef pour cette lecture et le lien. On attend le blog nouveau!!!
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