Cet atelier d'écriture était l'occasion de travailler autour de la contrainte.
L'exercice principal consistait à écrire une histoire courte à la première personne, avec quelques phrases données à l'avance, à insérer dans le texte. Le titre était également imposé, un titre par personne.
Le 2e exercice était l'écriture d'une brève de comptoir.
Zoé
« Je ne
sais pas »
Je suis là, assise, debout et je réfléchis. Quoi ? Que dois-je faire ? Mais avant de prendre la décision qui peut chambouler la vie de mes partenaires, je dois vous expliquer précisément ce que je fais ici. J’appartiens à un groupe d’espionnage surentraîné qui se nomme « Les petits bouts ». Le but étant de déjouer un plan machiavélique mis au point par le criminel connu en France sous le nom de « Léonard le canard ». C’est un nom peu commun pour un super méchant, n’est-ce-pas ? Bref. Avec ma bande, j’ai réussi à m’introduire dans son quartier général communément appelé « Head quarter » pour les britanniques. Mais en arrivant, tout a changé. Littéralement. Je suis partie avec mon équipe moi, Beth, Lolo et petit pois (oui le but est d’avoir un nom de code pour se repérer facilement en mission) et j’ai escaladé avec eux le mur en béton avec les cordes 3000 ultras-résistantes pour arriver à attraper la clenche de la porte située tout en haut du bâtiment, afin de passer de manière discrète. Ce fut loupé. Ce satané de Léonard le Canard m’avait repéré au moment où nous sommes rentrés dans son super quartier. La discrétion et nous cela fait deux et ce qui s’est passé ensuite, vous allez pas le croire. A l’approche d’une intersection, je ne voyais plus que son poil long, noir et épais qui dépassait de son nez. Et ce fut là que tout a basculé. Il se jeta sur moi et m’emmena loin de mon équipe qui fut projeté en arrière par son méga aimant puissant capable de mettre à terre quiconque s’approchant de cet instrument. J’arrivai en sa compagnie dans, ce que je pense, sa salle favorite avec sur une table basse, deux coupes de champagne. Dedans, les bulles étaient pétillantes à souhait. Il me posa sur un de ces canapés durs et froids qui composaient cette vaste pièce, et me proposa un marché. Dans une semaine, un braquage à la banque de Buenos Aires, d’une valeur de 2,636,842,805 euros. Il avait besoin d’une experte pour pouvoir ouvrir le coffre central qui contenait l’argent. Or, il n’y avait que moi qui sache le faire. Et c’est là qu’il me proposa de venir avec lui au braquage et en échange, mes co-équipiers seraient libérés. Mais, si je refuse, ceux-ci seront envoyés en prison à perpétuité pour espionnage et trahison à la nation à l’aide de preuves factices qu’il pourrait créer lui-même. Les juges seront tellement naïfs que le procès ne se passera pas en 3 heures mais en 10 minutes (J’exagère). Et c’est là que je vous retrouve maintenant, dans ma situation actuelle, à savoir ce que je dois faire. Je ne sais pas. Je réfléchis. Et d’un coup, une idée brillante me vient à l’esprit. Revenons en arrière. Avant de partir en mission, je me souviens m’être mise sur mon TEE-SHIRT en dessous de ma veste, un capteur permettant d’écouter les conversations de n’importe qui parlant jusqu’à 10 m de moi. Cela veut donc dire que je viens d’enregistrer la conversation qui a eu lieu tout de suite, je peux donc refuser de participer à son projet fantabulesque et partir en l’inculpant pour avoir créé de fausses preuves ! Je me lève et cours. Je vois au loin mes amis à terre, et les relèvent un par un, malgré leur état pitoyable. Derrière moi, les gardes qui nous rattrapent. Que faire ? Pas le temps de redescendre. Je décide donc de les affronter jusqu’à les rendre inconscients. Et c’est ainsi que mon histoire se termine. Echapper à Léonard le Canard et l’inculper après 10 ans de recherches intensives à son sujet.
Marie
« La chaussure »
C'était le dimanche. Je me réveillais d'un coup, sans
sonnerie, avec entrain. Le beau temps était annoncé. Sitôt le p'tit déj' avalé,
je préparais mes affaires. L'alu sur le sandwich, le sandwich dans le sac et le
sac sur le dos, j'étais prête. Plus qu'à enfiler mes chaussures, mes croquenauds
disait mon père. Marie y es-tu ? Je mettais mes
chaussettes. Marie y es-tu ? Je mettais mes lacets. Marie y
es-tu ? J'oubliais, des fois mon écharpe, des fois mes gants. Peu
importe, on était déjà dans la voiture, mon père et son bonnet vert, mon frère
et sa gourde remplie de bulles pétillantes, moi et ma chaussure
tachée de bleu. Le trajet était toujours un poil long mais une
fois sur place, la ville derrière et les sommets devant, nous n'attendions que
ça : gravir la montagne et savourer nos chips sur un 360 °.
A chaque fois, nous, habitants du
plat pays, étions ivres de beauté ; à chaque fois, nous nous disions en silence
: on n'a jamais imaginé ça. Et mon regard de reposer sur la tâche
bleue de ma chaussure. Aux anges.
Mickaël
« Un homme
et un chat »
Je suis un
chat, euh attends ce n’est pas ce qu’elle a dit… Mais, qu’a-t-elle dit
déjà ? Un homme est un chat, un homme et un chat, un homme hait un
chat… ? Bon, qu’importe, je pars là-dessus. Je suis un chat donc. Je me lève,
il est 15h00, encore une sieste de 18h, bah quoi ? Normal non ?
Je baille,
m’étire de tout mon long en plantant mes griffes dans le tapis quand soudain,
j’aperçois mon humain tout décoiffé comme d’hab. Aujourd’hui son nez aussi est
décoiffé, je ne vois plus que ça, ce long poil noir qui dépasse de sa narine.
Il bouge de gauche à droite sur sa moustache, j’ai envie de sauter dessus mais
me retiens et décide finalement de jouer avec ma fausse souris en plastique. C’est
mieux comme ça, si je l’abîme qui va me donner mes croquettes ? Faut que
j’en prenne soin, de mon humain. Comme lors de cette soirée où je le voyais
boire jusqu’à plus soif d’innombrables coupes de champagne dont les bulles
pétillantes à souhait m’ont fait perdre la tête et sauter dessus. C’était pour
son bien et pour le mien aussi. Quand il a la gueule de bois il oublie ma
gamelle et me fiche dehors si je miaule pour lui rappeler. Mais, pour une fois,
le lendemain de cette soirée arrosée, mon assiette fut servie sans que je ne la
réclame et surprise, dans ma gamelle d’eau, du champagne pétillant ! Si on
me l’avait dit, je ne l’aurais jamais cru.
- Hé Gégé,
t’sais pas la dernière ?
- Bah non,
mais quelque chose me dit quo va pas durer.
- Ouaip, je
sais ce qui rend le rosé du père La pouche si bin.
- Ah ça c’est
vrai qu’il est bin bon, mais qu’est quo l’est alors !?
- Parait que
l’met de la fraise tagada dedans !
- De la fraise
tagada !?
- Ouaip, o
l’est bin tcheu !
- Mais
qu’est-ce quo l’est que t’chette tagada là, o pousse dans son jardin ?
- Oh bé dame
sans doute, l’est pas du genre à aller au Leclerc.
Camille
« Ça fume
et ça rigole »
Ça fume et
ça rigole
Jusqu’à l’aube pour oublier le temps
Ça boit et ça danse
Jusqu’à épuisement pour taire les peines
J’aime pas
les réveils
J’essaye de les repousser, hélas je double leur haine et la mienne
J’adore rester en pyjama
Les jours où j’ai l’honneur de ne pas sortir de chez moi
Il faudrait
ci, il faudrait ça
Ma lenteur s’endurcit dans ce grand fracas
Je ferais mieux de prioriser
Mes « tout doux listes » ont tout bien théorisé
Dans la
pratique
Il y a des hics
Des pots, des hoquets
Heureux de trinquer
Ça fume,
Aussi vrai que la vie se consume
Ça rigole
La vie folle batifole
Je ne voyais
plus que ce « poil long noir et épais qui poussait dans ma main »
Le couperai-je ? Le laisserai-je pousser ?
Demain plutôt… Demain peut-être…
De mes deux mains, le surlendemain
Après tout
pourquoi là ?
Pourquoi se presser de faire ci ?
Se hâter de faire ça ?
Ça va me faire suer
Me faire soupirer
Je soupire
déjà, remarquez
Rien que d’y penser
Rien que de crouler sous le poids
Des contraintes infinies
Vu le peu de
jours qu’il reste
Avant, déjà, la fin du mois
Le peu d’années peut-être
Avant la fin de moi
La
vaisselle, aujourd’hui,
Pas très envie
On pourrait la casser :
Ça serait l’occasion de la remplacer
Encore le
ménage… ?!
Sans en faire tout un fromage,
A quoi bon si demain
Aussi sale le monde redevient ?
Le
rangement,
A la limite, me détend
Pour mieux tout retransbahuter
Me voilà partie pour débazarder
Les vitres,
c’est pas souvent
Mais vu sur le bureau ce qui m’attend
Ca me donnera l’illusion de profiter de
la lumière du jour, avant que la nuit accoure
Ce soir
encore j’aurais voulu travailler mais
« Les bulles étaient pétillantes à souhait »
C’était mon anniversaire ; exception
Et ce soir c’est son anniversaire ; répétition
Les
occasions ne manquent pas
Il suffit de les saisir avec joie
Et tant pis pour le reste
Qui dans mon cœur empeste
L’odeur du
devoir
La moiteur de l’effort
L’horreur des jours noirs
Ô bain chaud de réconfort
Ah les normes,
les devoirs
La coupe est pleine, je vous le dis !
De bulles fines de champagne
Faisant sur le brouhaha urbain rase campagne
« J’aurais
jamais imaginé ça »
Les décennies si courtes
Les tâches infinies
Les travaux si durs
La retraite jamais mûre
J’m’en vais
au fond de mon lit
M’autoproclamer en retraite, tant pis !
Au mépris de l’insomnie,
Qui tourne en boucle et me redit
Fais ça, fais ci !
Demain, parce qu’après il sera déjà lundi
Et pour une semaine
Le rythme fou, aura repris
J’me tire
dans un autre pays,
Le plus longtemps possible, je m’enfuis
Loin de cette tyrannie
Qui fait de nos existences de drôles de vies
Retiens-moi,
dansons !
Arrête ce mouvement, chantons !
Reste dans mes bras, rions !
Laisse la Terre en suspens, respirons !
Ça fume et
ça rigole
Loin de l’enclume, des règles de ces marioles
Qui d’une plume, avec leurs injonctions folles
Ecument de leur cadence de carriole
Nous ne
serons pas les chevaux de trait !
Sur cette course effrénée, tirons un trait !
L’appétit de l’ours est freinée si cesse notre attrait
Pour des bourses qui ne dérideront pas nos portraits
Ça fume et
ça rigole
Pour échapper à cette course folle
Ça fume et ça rigole
En attendant
que cesse la pluie
Ça fume et ça rigole
Les cœurs batifolent
Ça fume et ça rigole
Les contraintes s’envolent
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« Le caddie
rouillé »
Regarde-moi
ça :
V’là a zézette…
Où ça ?
Bah là ! Quoi… t’entends pas, son vieux caddy rouillé ?
Pffouah. Il était déjà bringuebalant le jour où elle l’a dégoté.
Il grince jusqu’à l’angle de la rue du Pont Neuf.
Paraît même qu’le père Ruffiot sert en hâte sa clientèle dès qu’il détecte le
boucan du roulis strident. C’est Polo qui m’racontait : fissa fissa’l’les
met dehors ses habitués en leur pressant le pas.
Il veut pas la voir.
Pourquoi ?
Parce qu’i’ peut pas la voir
Il peut pas blairer les scandales.
Elle l’a bien compris, la Cosette
Elle y fait son sketch.
Devant chez lui, ça s’arrête, ça s’attroupe
Il devient tout rouge
On croirait qu’il va faire une syncope
Une fois, il lui tend vite un paquet de boudins pour qu’elle fiche le camp
Elle l’engueulait presque, comme quoi qu’elle avait pas d’four
Et qu’la charité c’était pas s’débarrasser, qu’ça dispensait pas de réfléchir à
s’mettre à la place des pauvres, qu’y voulait limite l’étouffer, l’empoisonner.
L’savait plus où s’foutre
Il s’est même excusé, le brave homme
Tellement Zézette elle a d’l’aplomb
Ce jour-là, elle s’est vu offrir trois tranches de pâté, pis des belles, une de
chaque sorte.
Elle a ‘core réussi à le culpabiliser.
Résultat il a dû sortir de sa caisse une grosse pièce pour que Mademoiselle
Zézette puisse s’acheter une baguette
Y’aurait encore eu des couverts jetables, il était bon pour lui fournir le
couteau et l’assiette.
Nannn.
Ah bah si elle a pas froid aux yeux la Zézette
Y’a pas que les riches qui s’habituent à plus regarder la misère en face
J’voudrais pas dire mais quand même, y’a quand même des…
Sophie
« Tu me tiens,
je te tiens »
Je le
regarde fixement, il me regarde intensément. Ma main caresse à peine son
menton, sa main serre le mien, un peu trop fort, mais je ne dis rien. Ça fait
partie du jeu. Mes lèvres ne bougent pas, j’ai l’habitude. Ses lèvres s’entrouvrent
régulièrement, un moment de déconcentration, puis se referment rapidement quand
il se souvient qu’il doit rester sérieux. Très dur pour lui de canaliser son
envie de rire. Combien de temps restons-nous dans cette bulle, je ne saurais le
dire. Ne veut-il pas perdre ? Sans doute. Mais comprend-il aussi que s’il
rompt le charme, la vie reprendra son cours et que je lui annoncerai avoir
autre chose à faire, des choses sérieuses, des choses de grand personne… ?
Et qu’il lui faudra trouver un autre jeu, mais y jouer seul. Je l’avais vite
compris moi, il y a 30 ans de ça. Mon père travaillait du matin au soir, ne
revenant que pour manger rapidement et se reposer dans sa chambre tout le reste
du temps. Notre seul moment de rencontre était le dimanche, où je devais encore
le partager avec mes frères et sœurs. Alors, ce moment-là où, les yeux dans les
yeux, la main au bout du menton de l’autre, nous étions liés par ce jeu si
simple, était ma bulle de joie à moi, pétillante comme les bulles d’une coupe
de champagne. Une bulle chaque dimanche, qui suffisait à me donner l’ivresse de
bonheur qui me faisait attendre le prochain rendez-vous hebdomadaire. Je me
souviens encore parfaitement de son visage, à l’avoir tant de fois fixé, jusqu’à
ce poil long, noir et épais qui dépassait de son nez. A la fin, je ne voyais
plus que ça… Et c’est souvent ce qui finissait par me donner le fou rire que je
voulais retarder au maximum ! C’est incroyable comme mon fils lui
ressemble aujourd’hui, sans ce maudit poil qui dépassait évidemment. Mais
voilà, je viens d’y penser, et je sens le sourire commencer à tirailler mes
lèvres, mes yeux se plisser et cette fois c’est trop fort. Me voilà éclatant de
rire, au grand plaisir de mon fils qui jubile d’avoir gagné. Tout ça pour un
poil que mon père ne prenait pas la peine d’arracher, j’en ris encore 30 ans
après. Je n’aurais jamais imaginé ça !
Et les voilà
qui recommencent !
- La Janine,
elle a encore acheté une paire de talons hauts et une mini-jupe ! A son
âge !
Et : - Le père Boulard, il a perdu sa jument. C’était pourtant une sacrée belle bête.
Y a vraiment des coups durs dans la vie !
Mais
pourquoi font-ils ça ? Parler pour parler ! Chacun raconte la sienne,
en même temps que chacun paie sa tournée. Moi j’ai pas demandé à être là. Mais
j’ai pas le choix, pour moi le samedi matin, c’est « Chez Lulu » que
je le passe. Papa qui parle, qui boit, qui rigole et moi, dans mon coin, mon
cocktail jus d’orange et grenadine avec trois fraises tagada sur un pic. Et je
les entends discuter avec Papa, tous ses copains. Comment ne pas les entendre ?!
Ils parlent si fort. Et le contenu !? Toujours différent, et toujours
pareil. Et enfin cette phrase tant attendue :
- Allez,
à la semaine prochaine les gars !
Et enfin nous quittons le bruit et l’odeur de café et d’alcool pour le bon air frais de la grand place.
Léonie
Je me souviens. A chaque fois que
j’entends ce tube à la radio, je me souviens. Et c’est un bon souvenir même si
la parodie était un peu piquante pour la personne concernée.
Quand cette parodie a été jouée,
j’avais 19 ans. J’étais en deuxième année d’école d’infirmière. Et c’était au
tour de ma promo d’organiser le bizutage
des première année.
Je n’aime pas les bizutages. Ils
sont souvent basés sur l’humiliation des nouveaux. C’est d’ailleurs ce qui nous
était arrivé l’année précédente quand c’était moi la première année.
J’écoute d’une oreille distraite
les propositions fadasses de mes co-étudiants. On est une grosse promo – 126. Je
peux donc rêver dans le fond de la classe.
Les idées sont classiques,
bêtasses, inintéressantes. Et cherchent
toujours à embêter les nouvelles recrues.
Au bout d’un moment, je ne sais
pas ce qui me prend, je lance tout fort : « et si on faisait un truc
sur Paulette ? »
Silence, silence profond.
L’organisation vient de dérailler. Hé oui, Paulette, c’est la directrice de
l’établissement. Je vous la fait courte mais il faut quand même que je vous la
présente, Paulette.
Petite, vraiment petite.
Permanentée, toujours sapée de noir, talons les plus hauts possible. Et
surtout, ongles longs manucurés, bagues multiples, bracelets tintinnabulants.
Bref, le portrait de TOUT ce que ne peut pas, ne doit pas être une infirmière.
Elle n’est pas crédible quand elle vient faire le cours sur l’hygiène des mains
et la tenue professionnelle.
Après le silence c’est un
bourdonnement de ruche qui s’élève du groupe. L’idée fait son chemin. Ok pour
un truc sur Paulette. Mais quoi ?
Tu penses à quoi ?
Ben j’sais pas
T’as une idée ?
Ben non
Re-bourdonnement. Soudain une des
filles chantonne t’as le look coco. Mais à la place de coco elle dit Paulette.
Et ça le fait bien.
Voici la promo penchée sur la
table, à réécrire la chanson de Laroche Valmont. 3 couplets. On parle des
talons hauts, des mains manucurées, des bracelets tintinnabulants. Dommage
qu’elle soit si bien apprêtée Paulette. On aurait pu parler d’un poil de nez
noir qui dépasse. Bon à force de se triturer les méninges, la promo accouche de
son pamphlet musical. Maintenant il faut décider de comment on va présenter ça.
Alors bien sûr, on se tourne vers moi. Là, j’ai eu le temps de réfléchir.
Josiane ferait
ça super.
Josiane c’est celle de la promo
qui ressemble le plus à Paulette. Sauf que, comme elle est élève, elle n’a pas
de hauts talons, pas de manucure, pas de bagues, pas de bracelets. Tout ça on
peut arranger.
Josiane dit OK. Maintenant,
yapuka.
-
Trouver la musique mais sans les paroles. Je
vous rappelle qu’il y a 40 ans internet n’existait pas
-
Trouver les accessoires : dans une promo de
120 filles, c’est fastoche.
-
Apprendre les paroles qu’on chantera tous
ensemble.
C’est parti. Le jour J arrive. On
fait quelques blagues potaches pour les première année : enlever les
chaussures qu’on met en tas ; poser une question hyper technique sur le
métier …
Et l’apothéose. La parodie. Moi,
je ne fais rien de spécial. Je regarde et je savoure. Les yeux des première
année qui pétillent comme des bulles de cidre ; le sourire énorme des
troisième année ; l’enthousiasme de ma promo. En fait c’était une pas si
mauvaise idée que ça
La chanson se termine les élèves
applaudissent et en redemandent ; l’équipe enseignante est figée : jamais,
au grand jamais, quelqu’un n’avait osé s’attaquer à Paulette depuis toutes ses
années de responsabilité.
Paulette se lève, remercie, vient
embrasser Josiane et dit que c’est la première fois qu’on fait quelque chose
comme ça pendant un bizutage.
L’après-midi reprend son cours.
Il y aura des suites :
Paulette a convoqué Josiane pour savoir comment on en était arrivé là. Puis
elle a convoqué les leaders de la promo. Ils ont fini par craquer et m’ont
dénoncée.
Cela n’a fait que renforcer la rancune que Paulette me portait. Car vous l’avez compris, Paulette et moi, c’était pas le grand amour. Mais j’aurai jamais imaginé qu’elle avait si peu d’humour.
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