samedi 27 décembre 2008

Mémoires des Sanson, bourreaux

C'est la persévérance de ma collègue Marjorie et son reclassement assidu du fichier de notre fonds ancien fâcheusement mis en l'air qui m'ont permis de mettre la main sur un document dont je transcris l'incipit :

"Le 18 mars 1847, je rentrais chez moi fatigué d'une de ces longues promenades dans lesquelles
je ne cherchais que les endroits solitaires pour y ensevelir mes tristes rêveries et l'obsession constante de mon esprit. J'avais à peine franchi le seuil de l'hôtel, et la vieille grille, qui s'ouvrait si rarement, retombait de tout son poids en grinçant sur des gonds rouillés, quand le concierge me remit une lettre.
Je reconnus de suite ce large pli et ce large sceau dont l'aspect m'avait toujours fait frissonner d'épouvante et de douleur ; je pris en tremblant le message, et, m'attendant à y trouver un de ces ordres funèbres auxquels ma terrible consigne me faisait un devoir d'obéir, je montai péniblement les marches du perron de mon hôtel.
Arrivé dans mon cabinet, je rompis avec désespoir ce pli fatal qui devait renfermer quelque mission de mort à accomplir ; j'ouvris la lettre :
C'ETAIT MA REVOCATION !!!
Un sentiment étrange et mélancolique s'empara de moi. Je relevai les yeux sur les portraits de mes ancêtres ; je parcourus toutes ces figures sombres, méditatives, sur lesquelles se lisait cette même pensée qui avait jusque là flétri mon existence : je regardai mon grand-père, en costume de chasse, mélancoliquement appuyé sur le canon de son fusil, et flattant de la main son chien, le seul ami qu'il lui eût été donné d'avoir."

Il s'agit des six volumes des Mémoires des Sanson, sept générations d'exécuteurs 1688-1847 mis en ordre, rédigés et publiés en 1862 par Henri-Clément - dernier bourreau d’une lignée remontant à 1688 et heureux père de quatre filles, seules responsables de sa révocation.
Comme nombre de ses ancêtres, Henri Sanson était passionné de littérature, de théâtre et de peinture, en un mot de tout ce qui touchait à l'art, comme si l'horreur de la fonction ne pouvait que le condamner à des plaisirs solitaires.

Dans un "coup d'oeil historique sur les supplices" (!), l'auteur dépeint - avec minutie et force détails sanguinolents- l'évolution des supplices atroces et l'environnement de la mort dans ses moindres recoins, de même qu'une description à valeur historique de la fonction même d'exécuteur.
Ainsi, "quand le dernier titulaire n'avait pas d'enfants, si personne ne revendiquait sa place, la loi permettait au juge d'absoudre un criminel à la condition qu'il deviendrait exécuteur des hautes oeuvres ; et si le criminel se révoltait contre ce nouveau châtiment, s'il préférait aller au gibet comme patient plutôt que comme bourreau, le juge désignait d'office un pauvre pour procéder aux exécutions".En effet, l'emploi ne devait jamais rester vacant.

En plus de l'aspect généalogique de l'ouvrage, le dernier Sanson (dont l'emblème familial était... une cloche fêlée ne renvoyant donc aucun son, voir ci-contre) relate les exécutions qui allèrent de pair avec de grandes affaires historiques : Cartouche, Louis XVI, Lacenaire, ... Son aïeul Charles-Henri fut surnommé "Le Grand" car il eut la charge de couper la tête à Louis XVI, mais aussi à Marie-Antoinette, Danton, Robespierre...

La potence, le bûcher, l'écartèlement, la flagellation, les mutilations, toutes ces longues tortures suivies de mort : il faut savoir que c'est Louis XVI lui-même qui les supprima, décrétant qu'il s'agissait là d'une double injustice. En effet, seuls les nobles bénéficiaient à l'époque d'une mort instantanée : la décapitation.
C'est ainsi que, en 1791, le Code pénal précisa que "tout condamné à mort aurait la tête tranchée", établissant une égalité sociale chère aux révolutionnaires de 1789.
Enfin, c'est également Louis XVI qui donna son aval pour l'utilisation d'"un simple mécanisme", la guillotine.

Les Mémoires des Sanson sont de nos jours disponibles sur papier en version expurgée de tous les détails romancés ajoutés par l'éditeur de 1862, après être passées "à la trappe" pendant un siècle et demi. En revanche, pour ceux que la lecture sur ordinateur ne rebute pas (six volumes, quand même !) , la version intégrale numérisée est accessible en ligne sur le site de la Bibliothèque nationale de France
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k367766

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je m'appelle Allan SANSON descendant de Charles SANSON et j'aimerai en savoir plus sur ma famille est ce possible d'avoir le contenue du mémoires et de savoir ce que représente l'emblème merci
Cordialement Allan, SANSON