vendredi 31 octobre 2008

La bibliothécaire en vadrouille...

Etape 1 : bibliothèques en Inde : Pondichéry

Alors que l'automne s'installait gentiment sur la campagne normande, et que les cheminées laissaient échapper leurs premières fumées, je bouclais mon sac à dos et faisais reluire mes sandalettes ; direction les cocotiers, la Mer du Bengale, et la poussière du Tamil Nadu.
Bon, j'avoue qu'en guise de poussière, j'ai surtout trouvé des chemins boueux, détrempés par une mousson précoce...
Ajoutez à cela une circulation cahotique, un milliard d'indiens, des chiens errants et japants, des auto-rickshaws moustachus fermement décidés à vous emmener partout où vous ne voulez pas aller, et une habitude inexpliquée des conducteurs à garder la main sur le klaxonne en toutes circonstances ; vous comprendrez aisément pourquoi l'occidentale que je suis aspirait, dès le troisième jour de "vacances", au silence et à un endroit sec.
Que faire dans ce cas ?
La même chose qu'à la maison ! Trouver, vite, une bibliothèque.

Et sur ma route, à travers le Tamil Nadu, il y en eut plusieurs.

Dans la ville de Pondichéry (Pudduchery pour les indiens), entre deux villas coloniales défraichies, Rue de Suffren, trône, comme une dernière preuve de la présence française en Inde, la prestigieuse Alliance Française.

Un porche, un gardien en uniforme, des dizaines de vélos alignés, quelques étudiants parlants la langue de Labourdonnais, et des affiches de cinéma français. C'est bien là !
J'entre donc.
"Vanakam", l'habitude du bonjour en tamil.
Auquel on me répond par un doux "Bonjour".

L'Alliance française est un endroit bien connu des habitants de Pondichéry ; de même que le Lycée français, le Consulat (si cher à mon coeur !), l'Hôtel de Ville ou le Lycée français d'Extrême-Orient.
On y dispense des cours de français, on y reçoit des écrivains en résidence (Jean Echenoz ou Pierrette Fleutiaux ont eu la chance d'y séjourner pendant un mois), on travaille au rayonnement de la culture française.

Au premier étage de la batisse, la bibliothèque.


Le directeur de l'Alliance m'a gentiment proposé une visite.
Une grande terrasse vous accueille : fauteuils de style colonial, tables basses en rotin, à l'ombre des palmiers. Incroyable ! voilà ce que je me disais. C'est l'endroit idéal pour poser mes valises !
Et puis je suis entrée dans la bibliothèque ; et là, je dois avouer ma déception.
Les collections sont vieillissantes ; livres jaunis ou même carrément moisis (Ah ! le climat indien, un casse-tête pour la conservation des documents) ; certains documents sont même tout à fait obsolètes (j'ai trouvé sur les rayonnages un livre intitulé "L'etat de la Yougoslavie aujourd'hui", datant du milieu des années 80).
Le directeur m'explique que, faute de moyens à hauteur des ambitions, une grande partie des collections provient de dons de bibliothèques françaises (je ne les nommerai pas ici...), pas des livres neufs, non, des livres "désherbés"...
Bel élan du coeur qui consiste à envoyer à ces "pauvres indiens sous-développés" des livres que l'on estime impropres aux lecteurs français !
Selon moi, rien d'autre que du mépris et de la condescendance, camouflés derrière ce que l'on appelle "charité". (je ne nomme pas ces bibliothèques, je n'en pense pas moins de leur action)
Il se trouvera toujours quelqu'un pour dire "c'est toujours mieux que rien" ; "mais enfin, de toute façon ils n'ont rien", soit. Mais que l'on réfléchisse deux secondes (il n'en faut pas plus) au coût que représente l'expédition des cartons de vieux livres en Inde ; cet argent aurait mieux fait d'être donné directement à l'Alliance pour l'achat de livres adéquats aux besoin des lecteurs... mais peut être estime-t-on que personne là-bas ne saurait comment les dépenser de façon intelligente et réfléchie. (je ne les nomme pas, mais ils m'agacent profondément !)

Passé l'énervement, j'ai flâné dans la bibliothèque (le lieu s'y prête !), avec mes questions de bibliothécaire de l'ouest...
La bibliothèque étant en cours d'informatisation, vous trouvez encore dans les livres les fameuses fiches d'emprunts. Je n'ai pas pu résister...
Bilan de ma curiosité : quelques bonnes surprises : les auteurs classiques sont empruntés régulièrement ; j'ai trouvé la plupart des livres d'Annie Ernaux (c'est ma petite obsession...) ; et puis j'ai voulu faire la critique snob, et pleine d'idées reçues : j'ai cherché quelques auteurs sulfureux... me disant très simplement, et très bêtement aussi, qu'en Inde, en plein Tamil Nadu, il était inconcevable de trouver des textes un peu osés sur la sexualité, notamment ; comme ceux de Michel Houllebecq, Catherine Cusset, Dany Laferrière, ou Catherine Millet... et bien, tout faux ! tous ces auteurs sont présents dans les collections de l'Alliance (et ce sont des livres neufs, donc achetés par l'équipe de l'Alliance).

Et puis, je me suis souvenue, au bout de deux heures de visite que, tout de même, j'étais en vacances... J'ai donc pris sous le bras deux bonnes bandes dessinées (des éditions Kailash...), le dernier Paris-Match (un couple présidentiel au soleil, les derniers accessoires de mode indispensables pour la rentrée, au pays où 400 millions d'indiens gagnent moins de 1500 roupies, c'est de bon ton !), j'ai commandé un "pineapple juice" et je me suis posée sur cette merveilleuse terrasse...

Je tiens à remercier ici Michel Houdayer, le directeur de l'Alliance Française, ainsi que sa chaleureuse équipe pour leur accueil.

Demain, 2ème étape sur la route du Tamil Nadu : la bibliothèque de Tanjore...

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