jeudi 17 avril 2008

Echecs

(Comment ne pas envisager que le jeu d'échecs génère une tendance monomaniaque ? Image de René Maltête, extraite de Des yeux plein les poches)

C'est parce que je ne comprends pas l'intérêt suscité par un petit roman, La joueuse d'échecs de B.Henricks - intérêt échiquéen inexistant, déroulement de la non-action en Grèce pour une pauvre connotation exotique, méconnaissance édifiante du jeu (confusion entre damier et échiquier), que j'ai eu envie de retrouver quelques vrais romans sur ce jeu qui a la spécifité d'être le "sport" le moins cher et le plus joué au monde d'une part, et de balayer toute barrière générationnelle d'autre part.

Le trépidant - Le Tableau du maître flamand de Arturo Pérez-Reverte. (R PER)
Toute l'énigme de ce thriller brillant est circonscrite dans un tableau du XVIe siècle dans lequel un seigneur et un chevalier jouent aux échecs ; entre eux deux, une femme en noir les observe. C'est sur une toile peinte cinq siècles auparavant que la restauratrice découvre l'inscription "Qui a pris le cavalier?". C'est par une suite de morts violentes que la partie en suspens s'échappera du tableau et continuera son cours.

Un peu technique - Fous d'échecs de Serge Rezvani (R REZ)
A la veille d'une partie décisive, le petit monde des joueurs d'échecs est frappé de stupeur : le champion en titre, gravement bouleversé, prétend renoncer à la compétition. Une Reine Blanche, une Reine Noire vont envahir ce huis clos et donner toute l'ampleur à un drame dans lequel l'art des échecs libère peu à peu son contenu mythique et sexiste.

Le plus désespéré - La Partie n'est jamais nulle de Icchokas Meras (R MER)
Ce petit roman en forme de partie d'échecs se compose de seize chapitres, chacun correspondant à un coup. Il se déroule dans le ghetto de Vilna (que l'auteur a connu) décrété par les nazis. Isaac Abraham, un jeune joueur d'échecs prodige est invité à disputer une partie avec le commandant allemand du ghetto. Comme ce dernier aime les paris, il propose au garçon un marché : "Ecoute-moi, dit Schoger, écoute-moi bien. Nous allons jouer ensemble, toi et moi. Si tu gagnes, les enfants ne seront pas déportés, mais je te tuerai. Si tu perds, tu vivras, mais tous les enfants de moins de dix ans partiront pour les camps. Si la partie est nulle, nous en resterons là." La partie va se jouer en plusieurs soirs, devant tout le ghetto réuni et silencieux.

- Le Roman de don Sandalio, joueur d'échecs de Miguel de Unamuno (R UNA)
Ce bref récit met en scène un misanthrope, lecteur de Flaubert, qui s'est retiré au bord de la
mer dans un hôtel où personne ne le connaît et où il ne connaît personne. Il nouera néanmoins d'étranges relations avec un inconnu aussi silencieux et énigmatique que lui, un certain Don Sandalio, qui ne vient au salon que pour jouer aux échecs et qui y joue sans prononcer un mot, avec l'avidité d'un malade.

L'incontournable - Le Joueur d'échecs de Stefan Zweig (R ZWE)
Avec en toile de fond la montée et la folie du nazisme, cette enquête psycho-policière traite de la pratique monomaniaque des échecs entre le "méchant" - un champion inculte, insensible et arrogant - et le "bon"qui a appris à jouer en dérobant un manuel d'échecs lors de son enfermement par les nazis, échappant ainsi à la folie. La même passion pour ce jeu intelligent et stérile réunit les antagonistes sur un paquebot au bord duquel se trouve le narrateur.
Publié en 1943, un an après le suicide de son auteur, Le Joueur d'échecs fait figure de testament dans l'oeuvre de Zweig.

Et, dans l'espace multimédia, deux beaux films très différents :
- La diagonale du fou de Richard Dembo (DVD DEM) illustre l'affrontement en finale du championnat du monde de deux joueurs russes, le tenant du titre victime de son âge (émouvant Michel Piccoli) et un jeune dissident passé à l'Ouest, en proie à une forte pression psychologique ;
- Les Joueurs d'échecs de Satyajit Ray (VHS RAY), son premier film en couleurs, relate l'affrontement de deux joueurs indiens nantis et oisifs, alors que, autour d'eux et hors de leur sphère de jeu et de leur temps, dans une lenteur "esthétique", la fin réelle de leur royaume et la chute d'un vrai roi sont inéluctables et imminentes.

Nota bene : En dehors de la médiathèque et de la basilique, il faut savoir que Lisieux est réputée pour son dynamique club d'échecs, qui organise son habituel tournoi national, très prisé, le dimanche 8 juin 2008. (renseignements à l'Espace Victor-Hugo).

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