samedi 21 mars 2009

Tulipophagie



Elle est sauvage et très cultivée.
Du blanc au violet-noir en passant par la gamme des jaune orangé, des pétales simples aux frisés qui lui valent l'appellation de tulipe perroquet, elle peut être double, panachée ou flamboyante et fait la joie du jardinier qui, en ce tout début de printemps, peut enfin se plonger les mains dans la terre.

La planche ci-dessus est extraite de La grande flore en couleurs de Gaston Bonnier, édition en 4 volumes de 1990 (hélas !), à valeur encyclopédique. C'est souvent un Bonnier qu'on emporte avec soi lors de balades pour découvrir la nature.
Née en Asie elle devient rapidement la coqueluche de l'Occident, et surtout de la Hollande, qui est un des plus grands pays producteurs et exportateurs de bulbes au monde.
Si l'équation Hollande = tulipe est un lieu commun, c'est que cette province est le centre mondial de sa culture et n'hésite pas à en planter des hectares sur son propre sol - où le moindre mètre carré, arraché à la mer, vaut son pesant d'or- pour l'unique plaisir des yeux.

Une plante de tulipe, ça pousse à partir d'un bulbe ou oignon, et c'est bien de ça que je voulais parler, de l'oignon de tulipe aux Pays-Bas, et plus précisément pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le pays est envahi par l'Allemagne en mai 1940, et ce malgré la neutralité déclarée d'emblée au début de l'année, reproduisant son attitude pendant la Grande Guerre.
La collaboration n'empêche pas les habitants de travailler dur pour l'occupant, on produit des denrées alimentaires qui partent direct vers l'Allemagne, alors c'est le rationnement qui s'installe, ce qui renforce davantage le joug des lois allemandes : la faim rend docile, et arrive effectivement le moment où les gens n'ont plus rien à manger.

Rien ? Pas tout à fait, il reste les tulipes, et des oignons il y en a des tonnes, sauf que l'oignon de tulipe, c'est toxique !
C'est comme ça que ce pays apprend, le ventre tordu par la faim, ce qu'est la mithridatisation.

Même s'il ne date que de la fin du XIXe, ce mot puise son étymologie dans la vie de Mithridate le Grand (132-62 av. J.-C.), un conquistador oriental d'Asie mineure qui souleva les Grecs pour chasser Rome d'Asie. Entre ennemis, le poison se pratique facile et Mithridate sait qu'il n'y coupera pas, alors il a l'idée de s'y préparer et, tous les jours, il s'en instille une petite dose, avec un crescendo étudié pour laisser à son corps le soin de se fabriquer un antidote. Cette prévention le sauvera !

J'ignore si nos Néerlandais en firent de la soupe ou croquèrent les oignons couche après couche et jour après jour, mais je crois savoir que cet emblème national en sauva plus d'un !





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