mercredi 4 juin 2008

Jonathan Swift

Si comme moi la littérature contemporaine vous lasse souvent, n'hésitez pas et prenez le temps de relire les pamphlets et les opuscules satiriques de Jonathan Swift (1667-1745). Ce n'est ni long, ni ennuyeux, toujours drôle et sarcastique :

Méditations sur un manche à balai... (1704)
Modeste proposition concernant les Enfants des classes pauvres (1729)

Instructions aux Domestiques (1731)

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Extrait des Instructions aux domestiques :

INSTRUCTIONS POUR LA BONNE D'ENFANT

SI l'enfant que vous avez à garder est malade, gardez-vous de rien lui refuser de ce qu'il vous demandera à boire ou à manger, quand bien même le médecin l'aurait expressément défendu ; il est évident que ce que nous désirons pendant que nous sommes malades ne peut nous faire que du bien ; les médicaments ne peuvent que nuire à l'enfant, jetez les par les fenêtres : l'enfant vous en aimera davantage, mais recommandez-lui bien de n'en rien dire.

Faites-en de même pour votre maîtresse si elle désire quelque chose pendant qu'elle est malade, et persuadez-lui que cela lui fera du bien.

Si votre maîtresse vient à la chambre d'enfants et, trouvant quelqu'un d'eux en faute, veut lui donner le fouet, arrachez-lui l'instrument des mains, et dites-lui d'un air indigné, qu'elle est la plus cruelle des mères que vous ayez jamais vue. Elle vous grondera peut-être dans le moment, mais elle ne vous en aimera que mieux après.

Racontez aux enfants des histoires de revenants, d'esprits et de diables, pour les mettre à la raison quand ils se mettent à crier.

Ayez soin de faire sevrer les enfants le plus vite possible. Quand vous allez les conduire à la promenade, ayez soin de choisir les heures où vous pouvez vous rencontrer avec votre amant, et s'il importe que vous alliez avec lui faire quelque course où l'enfant vous serait une gêne désagréable, trouvez une amie qui s'en charge jusqu'à votre retour. Avec quelques bonbons et la menace de Croquemitaine vous pouvez vous assurer de sa discrétion.

Il n'est rien de plus mauvais pour les enfants que de les faire marcher à la lisière, leur corps se penche en avant dans cette pratique vicieuse, ils se déforment et courent le risque de s'estropier ; en outre, il est très désagréable de courir derrière eux, pliée en deux pour les soutenir et de se donner des courbatures. Toutes ces délicatesses sont contraires à la nature ; plus un enfant sera libre, plus il sera fort. Laissez-le donc courir et trotter à sa guise, et sans vous en inquiéter; s'il tombe et se blesse, cela ne peut que l'endurcir et le rendre encore plus solide.

Les enfants aiment les friandises, il faut donc que vous en emportiez pour les leur donner en route; ayez soin de choisir un genre de friandise qui soit au goût de votre amant. Ce sont là de petites attentions auxquelles les hommes se montrent très sensibles et qu'il ne faut pas négliger.

Choisissez autant que possible vos amoureux parmi les militaires ; les enfants aiment les couleurs brillantes des uniformes, et pendant que vous causez de vos amours, l'enfant peut jouer avec le sabre de votre amant ; on ne cite guère d'exemples d'enfants qui se soient blessés ou tués dans des jeux de cette nature, et si un accident de ce genre devait arriver, ce serait bien extraordinaire que ce fût à vous qu'il arrivât.

Soyez bonne et bienveillante pour les enfants et ne les battez que quand cela est absolument nécessaire, seulement battez-les fort alors, pour n'être pas obligée d'y revenir trop fréquemment.

Vous avez mille moyens de vous faire bien voir et de vous attirer les bonnes grâces des pâtissiers et des marchands de jouets d'enfants ; vous n'avez qu'à exciter les désirs de vos jeunes maîtres et maîtresses, et les engager à importuner leurs parents pour se faire donner des jouets chers et souvent renouvelés ; soyez assurée que le marchand s'en montrera reconnaissant.

  • A lire : Œuvres.- Paris : Gallimard, 1988.- XLI-1940 p. ; 18 cm.- (Bibliothèque de la Pleiade) [823.5 SWI]

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