Hier, je vous parlais de la bibliothèque de l'Alliance Française de Pondichéry, en omettant de préciser que cette bibliothèque a un statut particulier : il s'agît d'une bibliothèque associative, gérée par du personnel local mais sous la direction du Ministère des Affaires étrangères... Oubli corrigé !
Aujourd'hui, je vais vous parler d'une bibliothèque "indienne", et gouvernementale : la bibliothèque de la ville de Tanjore, Tamil Nadu.
D'abord, pour poser le contexte, vous dire que la ville de Tanjore est sans doute ma ville préférée en Inde. Petite, poussiéreuse, et incroyablement accueillante ; cette ville vaut à elle seule un voyage en Inde !
Après une courte visite du palais, et une longue, très longue pause dans le Temple de Brihadisvara, temple magnifique, que j'ai visité la gorge serrée par l'émotion ; je suis tombée, au détour d'une rue sale et malodorante (oui, il y a aussi des choses insupportables en Inde...), sur la bibliothèque de la ville.
Ouverte un dimanche ! oui, parfaitement ! et fréquentée encore ! mais je ne sais toujours pas comment les lecteurs pouvaient travailler puisque cette bibliothèque est extrêmement sombre, et que je l'ai visitée en plein "Power cut" (l'un des termes que j'ai entendu le plus souvent pendant un mois, "power cut", panne de courant, toujours annoncée avec un petit dodelinement de la tête, et une résignation amusée...)
Plantons le décor : il s'agît, je vous l'ai dit, d'une bibliothèque indienne... normes locales, donc ! concrètement ça veut dire quoi ?
Le bâtiment n'est pas juste défraîchi... il est à la limite de la ruine. Grand hall absolument vide, carrelage années 50, escalier balayé en 1984 pour la dernière fois...
A l'entrée de la bibliothèque, les statistiques d'activité sont affichées... (cliquez sur l'image pour l'agrandir, ça vaut son pesant d'or !)
Un grand escalier vous mène a la salle de prêt et d'étude... et là, c'est fabuleux !
Des rayonnages en métal rouillé, de ginguois, et posés un peu (?...) anarchiquement au fur et à mesure de l'enrichissement des collections.
Des ventilateurs (à l'arrêt, panne de courant...), des chaises qui furent confortables il y a trente ans, et une grande table.
Ce dimanche, à 16h00, quelques lecteurs étaient silencieusement attablés, en pleine étude, dans la salle de sciences humaines ; juste à côté, une salle de travail et les collections de sciences pures... enfin logiquement ; mais faute de place, on a un peu déplacé tout ça... heureusement, une très bonne signalétique vous explique le chaos ambiant !
Et pourtant, cette bibliothèque est une merveille...
Je m'explique.
J'ai été accueillie comme une princesse par les deux bibliothécaires, tout à fait ravis de voir qu'une "collègue" venue de France s'intéressait à leur établissement... déjà, ça fait aimer les lieux !
Mais surtout, j'ai parcouru les rayons, en long, en large, pendant deux bonnes heures... je n'en revenais pas ! Les collections sont dans un état catastrophique, mais quelle richesse ! Des centaines de documents sur l'histoire de l'Inde, jusque là, rien de bien étonnant !, mais aussi de nombreux livres sur l'Europe, sur la France, écrits par des auteurs indiens.
Et le plus étonnant, dans un état où la condition des femmes est, aux dires de spécialistes de la question, une des pires au monde, une quantité incroyable de textes traitant du sujet. Incroyable !
J'ai pris quelques photos, je me suis arrêtée quelques minutes pour répondre aux (nombreuses) questions des lecteurs intrigués par cette occidentale armée de son appareil photo : d'où je venais, quel était mon "good name", et surtout pourquoi je photographiais ce lieu.
Lorsqu'ils entendaient ma réponse, "je suis bibliothécaire en France, et m'intéresse à la votre", j'aurais pu être Parvati elle-même que l'on ne m'aurait pas regardée avec plus de déférence et d'admiration (c'est pour cela que je vais en Inde : ça flatte mon égo démesuré...)
En dehors des bibliothèques, dans la rue, au restaurant, les indiens posent beaucoup de questions aux occidentaux, souvent les mêmes : d'où l'on vient, notre nom, et notre métier.
Je dois dire que le fait d'être bibliothécaire les impressionne beaucoup... et pour cause. Dans ce pays, où j'ai rencontré des dizaines de personnes m'avouant timidement n'être jamais allées à l'école, où les enfants vendent des colliers aux touristes sur les plages plutôt que de suivre les cours, travailler aux milieux des livres à quelque chose de surnaturel.
Prochaine étape : quelques rencontres sur les routes du Tamil Nadu...
1 commentaire:
Faut-il être pervers pour aller visiter des bibliothèques quand on est en vacances !
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