vendredi 30 mai 2008

Le Tibet sans peine ; sans rire !

Pierre Jourde, anti-héros sur le toit du monde.


Imaginez l'Himalaya... la découverte des plus hauts sommets, l'effort physique, le dépassement de soi, le contentement, presque l'arrogance, des héros qui l'ont gravi...
Imaginez tout cela, et vous serez bien loin du livre Le Tibet sans peine de Pierre Jourde !
Clown, acrobate en manque d'équilibre à 5000 mètres, l'auteur de ce petit livre, se refuse la posture de héros, et en refuse la suffisance...
Avec son ami et compagnon de voyage, Thierry, (il faut toujours avoir un Thierry avec soi ; Nicolas Bouvier avait le sien pendant son Usage du monde !) ils partent à l'aventure comme on part poster une lettre...

Voilà comme il présente leur équipée :
"Dans le duo comique, je tiens le rôle de la tête folle, spécialisé dans l'oubli, la négligence vestimentaire, le cassage de gueule impromptu (avec figures acrobatiques et rétablissements clownesques). Une équipe idéalement constituée pour les exploits burlesques.
En fait, j'en prends conscience en ce moment même, nous sommes partis au Tibet à peu près dans l'équipement et l'état d'esprit de deux pochards sortant du bar le soir et s'aventurant dans une rue froide. Je rajuste autour de mon cou mon foulard rouge en synthétique, trente centimètres sur vingt, assez peu épais pour être transparent. Il ferait assez bel effet un jour de manif printanière à la Bastille." (p.20-21)

L'auteur, tout blagueur qu'il est, n'en décrit pas moins des paysages étourdissants, des rencontres merveilleuses, tant avec les habitants que leur culture (ainsi une note sur les panneaux signalétiques en montagne : "Les panneaux routiers ne reculent pas devant l'humour noir, en hindi et en anglais : Mieux vaut tard que jamais, ou Ralentissez : il reste des places au ciel.")
Sur l'Himalaya : "Je n'ai pas pu m'en empêcher. J'ai bramé comme un veau devant l'excès de la beauté. Elle n'était pas devant nous. Elle se jetait sur nous, nous enveloppait, tourbillonnait autour de nous. Nous étions roulés dans le sublime comme dans une vague, pris et soulevés par lui. (...) Aucun paysage depuis ne m'a autant bouleversé. J'ai eu l'impression de saisir, dans les formes du monde, quelque chose qui n'était plus tout à fait du monde. Ce bouleversement nous a décidés : nous reviendrions."

Et il s'agît surtout d'une formidable histoire d'amitié, de chaleur humaine, de rencontre avec les autres. (Parfois de séparation d'avec les autres, les quelques pages consacrées aux femmes aimées emportées dans ses bagages sont assez éloquentes !)
Et puis il est question aussi de désagréments intestinaux, d'araignées gigantesques et quelque fois de barres chocolatées...

Bref un petit précis du voyageur, à emporter partout avec soi, au fond de son sac, à coté de l'Usage du monde... comme il fait à peine une centaine de pages, il ne vous surchargera pas beaucoup ! et il vous promet de nombreux éclats de rire... Je rêve de voyager, où bon lui semblera, avec Pierre Jourde.

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