samedi 20 février 2016

Instructions sur la manière de régler le service de table

 Extraites de La Cuisinière des familles, ou Traité de la cuisine domestique enseignée par des préceptes à la portée de toutes les intelligences de F.Vidalein (Paris : Dentu, 1862).



INSTRUCTIONS
SUR LA MANIÈRE DE RÉGLER LE SERVICE DE TABLE POUR LES JOURS ORDINAIRES ET CEUX DES DINERS D'INVITATION.

Il arrive souvent que la personne chargée de l'administration du ménage, peu habituée aux exigences de cette charge est très-embarrassée pour combiner le menu de son dîner ou de son déjeuner, non-seulement les jours où elle reçoit quelques amis, mais encore ceux où elle n'a que sa famille à nourrir. Afin de la tirer d'embarras et de lui venir en aide, autant que possible, j'ai cru devoir terminer cet ouvrage par quelques instructions sur la manière de régler le service de sa table, les jours ordinaires et ceux de ses dîners d'Invitations ; que j'ai accompagnées d'une petite série de menus et d'observations propres à lui faire mieux comprendre mes explications. J'invite donc les ménagères à profiter de ces instructions.

REPAS QUOTIDIENS.

Nous diviserons ces repas par chaque jour de la semaine, en commençant par le lundi.

Comme le déjeuner est ordinairement un repas de peu d'importance, je ne parlerai que du dîner. Je dirai seulement, en passant, qu'on peut généralement se servir des restes du dîner pour faire le déjeuner, en y ajoutant, toutefois, un plat d'œufs, de légumes, ou de poisson, selon que la desserte de la veille est plus ou moins confortable.

Ainsi, par exemple, je mettrais :

Le Lundi. — Le pot-au-feu, avec lequel je ferais un bon potage au vermicelle et je servirais le bœuf soit avec des cornichons, des choux, ou toute autre garniture ; avec cela un morceau de lapin rôti et une salade, ou le lapin à la sauce et un plat de légumes, puis quelques pommes au beurre,  qui serviraient à la fois d'entremets et de dessert. Le reste du bœuf, avec lequel je ferais un miroton ou autre chose, servirait ainsi que le reste du lapin pour le déjeuner du lendemain.

Le Mardi. — Avec le reste du bouillon de la veille, je ferais un potage au riz, et je servirais un bon morceau de veau braisé et garni de carottes avec un plat de légumes et un poisson, ou l'un ou l'autre, et pour dessert ou entremets quelque compote de fruits de la saison. Avec le reste du veau je ferais une blanquette pour le déjeuner du lendemain, ou je le ferais réchauffer, ou je le servirais froid.

Le Mercredi. — Un potage à l'oseille, un morceau de mouton garni de pommes de terre, rôti au four, braisé ou en ragoût, un plat de légumes ou une salade et quelques pruneaux.

Le Jeudi. — Je mettrais encore le pot-au-feu, et cette fois je servirais mon bœuf avec une sauce tomate ou une purée d'oignons, je ferais un bon potage au pain, et avec cela je mettrais une fricassée de poulet ou toute autre volaille ou gibier, et pour légumes des haricots, pour entremets et dessert, une compote de cerises. Pour le déjeuner du lendemain. je ferais un hachis avec le bœuf et je mettrais dessus quelques œufs pochés ou frits, et s'il restait beaucoup de volaille je la garderais pour le dîner, cela m'éviterait de faire un plat.

Le Vendredi. — Un potage maigre à l'oignon, lié aux jaunes d'œufs, un poisson quelconque, raie, maquereau, moules, merlans, etc., etc., des œufs à l'oseille au maigre, et, pour plat de viande, les restes du dîner de la veille, ou quelques côtelettes de mouton ou de veau sautées, et du riz au lait pour entremets ou dessert.

Le Samedi. — Un potage aux choux gras ou maigre, une blanquette de veau ou du foie de veau sauté, ou du porc frais, un plat de poisson ou un de légumes, et des beignets de pommes.

Le Dimanche. — Comme ce jour-là les dames, ordinairement, n'aiment pas beaucoup cuisiner, elles feraient un potage au tapioca ou à la semoule avec du bouillon qu'elles feraient acheter, ou bien un potage maigre, elles commanderaient une tourte ou un vol-au-vent chez le pâtissier, et avec un poulet ou tout autre gibier ou volaille, qu'elles feraient cuire chez elles, et une salade, elles auraient un bon dîner qui ne leur aurait pas trop sali les mains.

Voilà, à peu près, quelle serait la manière de régler les repas de la vie ordinaire que devraient adopter toutes les ménagères ; il va sans dire qu'elles pourraient en augmenter ou en diminuer le nombre de plats et remplacer les mets indiqués par d'autres, qu'elles choisiraient dans la table de cet ouvrage. Maintenant, si nous parlons des dîners d'invitations, je proposerais, au lieu de faire plusieurs services et de servir plusieurs mets à la fois, de les servir l'un après l'autre, ils n'en seraient que plus chauds et meilleurs ; et de ne mettre sur la table que le dessert et quelques objets d'ornementation, tels que des vases de fleurs, etc., etc., en réservant le milieu de la table pour y poser tour à tour les mets composant le dîner. Voici, à mon avis, les règles à suivre.


POUR SIX A HUIT PERSONNES, ON SERVIRAIT :

4° Un potage aux légumes, ou tapioca, ou julienne.
2° Le bouilli garni de choucroute, ou à la sauce tomate, etc.
3° Un poisson au court bouillon ou au gratin, ou une matelote.
4° Une entrée de boucherie, ris de veau, noix de veau, côtelettes, etc., etc.
5° Un poulet rôti-garni de cresson.
6° Une salade de saison.
7° Un plat de légumes de saison.
8° Un entremets, une crème, ou un gros gâteau, ou des beignets, etc., etc.
Dessert.
Un fromage, deux assiettes de petits gâteaux, deux assiettes de fruits.

POUR DIX PERSONNES.


Le même dîner, avec un plat de légumes et un entremets de plus, et, pour le dessert, ajouter une compote de fruits, et une salade d'oranges.

POUR DIX A QUINZE PERSONNES.

1° Un potage, riz purée, ou semoule, ou julienne.
2° Un relevé de poisson, petit saumon, truites, 'bar ou mulet, etc.
3° Un relevé de boucherie, filet de bœuf garni, tête de veau, etc.
4° Deux entrées, une de boucherie, l'autre de volaille, de gibier ou de pâtisserie.
5° Un dindon aux marrons, ou trois poulets, ou quatre perdreaux, ou huit pigeons, etc.
6° Deux salades de saison.
7° Deux plats de légumes, asperges, petits pois, haricots verts, choux fleurs, etc., etc.
8° Deux entremets de douceur, un fromage bavarois, ou gelée, un gâteau ou pâté de pommes.
Dessert.
Deux fromages, deux compotes de fruits cuits, deux compotiers de fruits crus.
Deux assiettes de petits fours, deux assiettes de bonbons, deux de petites pâtisseries, deux assiettes de marrons ou deux salades d'oranges.

Les dîners d'un plus grand nombre de convives et d'un ordre plus relevé sortant du cadre que je me suis tracé, je bornerai là la série des menus. Cependant, comme il pourrait arriver que quelques personnes voulussent servir à un plus grand nombre d'invités un dîner à plusieurs services, j'y ajoute, comme exemple, un menu pour vingt personnes rédigé selon l'ordonnance de ce genre de service.

MENU DE VINGT COUVERTS POUR UN DINER A TROIS SERVICES.

Premier service.

Deux potages, un aux pâtes d'Italie ou au tapioca, et un à la julienne. Deux relevés, un filet de bœuf garni et un poisson sauce aux câpres. Quatre entrées, deux de boucherie, ou ris de veau, un de volaille ou gibier, un de pâtisserie, tel que vol-au-vent, pâtés chauds, etc., etc.

Deuxième service.

Deux rôtis, un de volaille et un de gibier, ou un buisson d'écrevisses. Deux salades de saison, on pourra mettre les trois si l'on veut.Trois entremets de légumes, cardons, choux de Bruxelles, petits pois, etc., etc. Trois entremets de douceur, une crème, une charlotte de pommes, un gâteau de riz et un nougat pour un milieu.

Troisième service. Dessert.

Deux fromages, deux compotes, deux compotiers de fruits, deux assiettes de petits fours, quatre assiettes de bonbons, deux assiettes de petites pâtisseries, deux salades d'oranges, un fromage glacé pour milieu.


OBSERVATION.

Lorsqu'on voudra composer un menu soi-même, il faudra parcourir la table qui se trouve à la fin de ce livre et choisir d'abord, parmi les potages, celui ou ceux que l'on voudra faire : ensuite chercher son relevé dans les grosses pièces de boucherie, telles que les filets de bœuf, les gigots, etc., etc.; puis le poisson, et ainsi de suite jusqu'aux entremets, en choisissant les mets qu'on voudra et ceux que l'on croira pouvoir faire convenablement. On devra toujours éviter, surtout lorsque le nombre des convives sera restreint, de faire double emploi de mets d'une même catégorie.- Ainsi, par exemple, lorsqu'on aura donné des pigeons ou des poulets pour entrées, il ne faudra pas en mettre pour rôtis, et vice versa, de même pour le gibier et la viande de boucherie, s'il y a du mouton pour entrées éviter d'en donner pour rôtis.

Maintenant, que l'on serve ses dîners à plusieurs services ou un plat après l'autre, il est bon de mettre toujours des hors-d’œuvre sur la table, tels que beurre, radis, anchois, sardines, saucisson, cornichons, olives, etc., etc. On en met ordinairement deux de la même espèce, mais il n'est pas nécessaire d'en mettre de toutes celles que j'indique. On choisira ceux que l'on voudra, quatre hors-d’œuvre doubles sont suffisants peur dix à douze personnes.

INDICATION DE L'ORDRE DANS LEQUEL LES METS DOIVENT ÊTRE SERVIS.

On commence par le potage, puis l'on fait passer les hors-d’œuvre qu'on laisse sur la table jusqu'au rôti. Lorsqu'on a des huîtres, on les sert avant le potage. Après cela, on sert le bœuf, s'il y en a, sinon le poisson, puis le relevé de boucherie et les entrées, en commençant par celles de viande ; ensuite le rôti, la salade, les légumes et les entremets, enfin le dessert. Pour le dessert, on commence par le fromage, puis les compotes lorsqu'il y en a, les pâtisseries, les fruits crus, et les bonbons ; les glaces et fromages glacés se mangent en dernier.

[Réf. :  La Cuisinière des familles, ou Traité de la cuisine domestique enseignée par des préceptes à la portée de toutes les intelligences, par F. Vidalein,...- Paris : E. Dentu, (1862.).- 535 p. couv. ill. en coul. ; 22,5 cm.- Bm Lx : Côte à venir]

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