vendredi 15 mai 2015

Atelier d’écriture du 25 avril 2014



Et si l'écriture elle-même était une gourmandise...

Quand j'ai poussé la porte de l'atelier d'écriture, il y a quelques années déjà, je ne sais pas à quoi je m'attendais : un groupe d'intellos en mal de reconnaissance, quelques désœuvrés cherchant un sens à leur vie, des illettrés venus recueillir des leçons de grammaire sans en avoir l'air, des handicapés du samedi matin fans ni de grasse matinée ni de bain de foule au marché... Je ne sais toujours pas ce que je venais chercher mais je sais ce que j'ai trouvé : une assemblée de bons vivants incapables de passer une matinée sans parler et surtout sans écrire sur les douceurs du palais. Le thème semble vraiment fédérateur. Tout y est passé, chocolat, thé et même bouillon cube...
Aujourd'hui c'est la madeleine : jaune, dorée, bombée à souhaits, aux œufs et au beurre, gourmande comme on l'aime. Peut-être est-ce le signe que nous sommes tous devenus de Petits Proust.
C
Les impressions du matin- Des mots échangés et un dialogue- La Madeleine
Pas de temps pour sentir, goûter.
Mais, tous ces gens, ces passants qui sont là et que j’évite ! Ils bloquent ma course. Comme si l’essoufflement ne suffisait pas. Il y a aussi un jeu de quilles.
Miroir :- Je renvoie l’image de mon Emma bien-aimée. Elle passe beaucoup de temps avec moi. Chaque matin et chaque soir nous passons des heures face à face.
Conscience :-Moi je suis tout le temps avec elle, toute la journée. Nous n’avons pas d’horaire, pas de rendez-vous à heure fixe. Nous sommes un couple libre tous les deux. Je la laisse vivre, moi. Je suis discrète. Mais, au moment des décisions, je suis à ses côtés, je lui parle, je la soutiens. Je ne veux pas qu’elle prenne un mauvais chemin. Alors, si elle ne m’écoute pas, je parle plus fort, je crie, je tape du pied. Je la suis sans arrêt jusqu’à ce qu’elle suive mon conseil.
Miroir :- moi, j’aime nos rendez-vous quotidiens
Conscience :- Moi, j’aime faire partie d’elle et lui montrer le bon chemin.
Nous nous complétons. Grâce à nous, elle est devenue ce qu’elle est.
E
Madeleine, que j’aime ta forme. Ton dôme et ta barquette striée me laisse invariablement l’image d’une vedette glissée sur les eaux de Venise. Ta consistance est comme une architecture ronde et en même temps ciselée, une gourmandise digne de l’art romain et baroque entremêlé. Ta forme recèle l’unique, cette entente entre une surface plane et la rondeur pleine. J’aime madeleine cet œuf qui germe en toi. Tu me révèles en même temps un secret et ma convoitise, l’idée d’un repli et d’une naissance jalousée. Si je te donnais ton origine, c’est vers les eaux où des embarcations légères mènent à une destination isolée et espérée.
E
Pêches- brugnons- Hum ! Cela fait envie. Mais d’autres achats à faire. Ce sera pour la semaine prochaine. ..
Dialogue insolite.
-          Eh ! Lapin…arrête de mettre tes pâtes sur moi. Tu détruis ma belle surface bien lisse !
-          Arrête de râler… J’aime les carottes au beurre. Ça croustille et c’est si bon quand ça fond dans la bouche.
-          Oui, mais tu ne t’es même pas lavé les pattes. Et puis une patte ça va encore mais les quatre ! J’en suis tout écrasé.
-          Et alors, de toute façon tu aurais fini comme cela ou bien complétement liquéfiés au soleil. Donc, arrête de te plaindre.
-          Je crois bien que je vais fondre en larmes. Je me réservais pour un petit déjeuner. Savoureux- délicatement caressé par un joli petit couteau respectueux de ma surface tendue et parfumée.
-          Ce n’est que ça ! attends, je vais te remettre d’aplomb
-          Ah non ! pas avec tes oreilles !
Madeleine !!! Ne pleure pas comme un Madeleine. Absurde… car celle que je connais aime rire aux éclats et n’engendre pas la mélancolie.
Mais les madeleines… Facile à faire puisque j’y arrive. Sauf que celle-là a un parfum d’amande qui réjouit les narines et donne envie de la croquer tout de suite. Alors, je la mange lentement pour laisser le goût se répandre dans ma bouche, délicat, parfumé… Je la laisse fondre et je goûte pleinement la saveur douce, légèrement sucrée et à la fin le subtil goût d’amande perçu lorsque j’ai ouvert le sachet tout à l’heure. Gourmandise, oui, mais quel délice et quel plaisir !
M
Qui t’a piqué ? Un quadripatte Qui t’a rongé ? Un chien Qui es-tu ? Un os Qui n’a plus rien sur lui ? Si, un peu de chair. Qui est chaude ou froide ? Goûte. Beurk, je te pique Pique Moustique-Ouille Douille
Jeannette, elle n’est plus ce qu’elle était à force de manger elle a un gros ventre. Son teint a jauni, sans doute un dérèglement du foie. Mais elle met toujours des robes extravagantes, avec des tissus fantastiques qui, quand elle marche l’accompagnent par des petits sons de frôlement, de craquement. Cette fois, son enveloppe est transparente. Elle parade comme dans son bon vieux temps, avec sa démarche chaloupée, son dos tout bronzé UV. Jeannette, tu n’es plus toute jeune mais quand tu passes, tu sens bon le beurre frais, franchement tu nous émoustilles les sens, tu nous invites à te croquer, à t’effeuiller, à te consommer- Jeannette !- Pardon, monsieur, veuillez retirer votre main, s’il vous plait et moi ce n’est pas Jeannette mais Madeleine.
G
Déballage autour de la madeleine.
Indéniable retour à l'enfance, moment de partage familial mélangé de l'autonomie imposée par des parents commerçants
La pâte molle vient se déposer dans les moules incurvées et cannelées
Une odeur de  bicarbonate se dégage, elles sont encore brulantes, je ne peux les manger mais elles ne me résisteront pas très longtemps.
Des années plus tard, elle sera le symbole d'un combat des ouvriers qui se battent pour faire vivre Jeannette.
Il y a 15 jours, une envie de créer de nouveau souvenirs à l'évocation du simple mot Madeleine et c'est finalement en face à face avec elle aujourd'hui que j'aurais compté ce qu'elle m'évoquait.
Elle se présentait dans une robe transparente, prête à attendre avant d'être dévorée, beaucoup ne résisteront pas mais je ne saurais parler d'elle en faisant appel à mon goût.
En revanche, le crépitement cumulé de chacun des emballages des déballages des voisins m'évoque le piétinement autour du four de mon enfance. Je la vois d'ici avant que le ventre de la madeleine montre le bout de son nez. Serais un appel à la vigilance pour ne pas que ça tombe sur nos hanches ou une envie de maternité ?
Décidément la Madeleine n'a pas fini de nous faire saliver.

D
Quand je suis arrivée dans la gare,  flottait dans l’air une odeur de cookies. Cette odeur m’enveloppait et un sucré réconfortant me plongeait dans un doux cocon de  sécurité et de bonne humeur.
Dialogue. Les 2 mots sont : shampoing/ feuille de papier
Le shampoing fraîchement acheté  est posé sur la table, une feuille de papier avec les courses traîne aussi.
Shampoing : Tu es content, à cause de toi, j’ai dû quitter mes amis, ma famille. Si tu n’avais pas été là, Hélène m’aurait oublié et je continuerai à vivre paisiblement sur mon étagère.
Feuille : Tu dis des sottises. Tu étais sur le devant de l’étagère, à portée de main. Tu étais destiné à partir.
Shampoing : Tu as de la chance, tu ne seras jamais  pressé, mouillé, éclaboussé comme moi.
Feuille : ah … Parce que tu crois que c’est agréable d’être gribouillée, raturée, pliée en quatre dans la poche, de ne plus conserver cette blancheur imposante. Je finirai à la corbeille, usée. Toi au moins tu vis plus longtemps.
Shampoing : Non, tu es dans l’erreur, je suis torturé plus longtemps. Dans un mois, je serai tout raplapla et je finirai dans la poubelle. Alors que toi, tu vas être recyclée, après ton passage dans la poubelle jaune. Tu as plusieurs vies.
Feuille : C’est normal, moi je viens du noble arbre.
Shampoing : Attention quelqu’un vient. Oh une main me saisit. Adieu compagne éphémère dont je ne connais pas le nom.
Feuille : Adieu, dis-toi que toi tu donnes de la beauté, moi,  je suis juste une passeuse.
Une main s’empare du shampoing et jette la feuille de papier dans la poubelle jaune.
La Madeleine : un des 5 sens.
Oh toi, noble madeleine, moelleuse, inoffensive, nourrissante. Je ne chanterai  jamais assez tes louanges. Tu m’as sauvée, tu m’as nourrie quand, il y a quelque temps,  un dentiste intraitable  a posé cet appareil pour redresser mes dents désordonnées. Quand la douleur m’empêchait de mâcher et me condamnait à ne boire que des soupes et des jus de fruit. Toi, tu étais là, tu m’as interpellée, tu t’es rendue indispensable, tu m’as rassasiée. Ta mollesse a adouci mon humeur, ta tendresse a su apprivoiser ma douleur. Mes doigts émiettaient ton corps sans défense, prenaient plaisir à disséminer des petits morceaux de toi, à les poser délicatement dans ma bouche, sur ma langue qui les caressait doucement, et doucement encore jusqu’à ce qu’ils fondent discrètement et disparaissent complétement.
H

Dialogue :
Le chat s’étire après une bonne sieste au soleil. Un besoin pressant et naturel l’a réveillé. Un petit regard circulaire lui permet de repérer ce dont il a besoin : une belle colonne de bois colorée. Il s’approche et se soulage.
        Dis-donc, l’animal, un peu de respect.
Le chat est pétrifié par cette voix venue d’en haut.
        Je ne suis pas des toilettes publiques. Je suis un personnage important.
× Ha oui ? Et en quoi es-tu important ?
        Je suis au centre du village. Et ses habitants s’inclinent devant moi.
× Ha ! Et c’est ça qui fait que tu es important ? Qu’apportes-tu au village ?
        L’unité, la paix, la force.
× Bof. Ca ne m’impressionne pas !
        Dis-donc le chat pour qui te prends-tu ?
 ×Pour celui qui est plus fort que toi.
        Hein ???
× Oui, oui.
        Et pourquoi ?
× J’apporte la douceur et la ruse ainsi que la tranquillité. Et puis je suis libre et indépendant. Et si je n’étais  pas là, tu ne serais plus qu’un tas de poussière.
        Co Co Comment ça ?
× Les souris très cher, les souris.
Vaincu par cet argument massue, le Totem pleure des larmes abondantes. Et les villageois émerveillés de ce miracle entament une danse formidable et proclament trois jours de fêtes, chassant le chat importun aux limites du village.


La madeleine de Léonie :
C’est LE GRAND JOUR ! Depuis le temps qu’on l’attendait. Enfin ! Marc et Corinne se marient. Enfin ! Cela fait des semaines qu’on ne parle que de ça, qu’on ne vit que pour ça, qu’on ne travaille que pour ça. Il a fallu tout faire : repas, apéro, déco, organisation, logements, animation, répétitions de chants et j’en passe.
C’est le GRAND jour ! Enfin ! Moi, je suis responsable des enfants. La messe a lieu à 13h. Quelle idée ! Pour que les parents soient tranquilles, on m’a confié les enfants. Les faire manger à 11h30, les habiller, les emmener dans le Trafic 12 places à la cérémonie, les occuper pendant cette même cérémonie. Ils sont 8. La cérémonie va durer longtemps. Je décide de remplir mes poches de Choco BN afin de pouvoir tenir ces petites têtes blondes tranquilles jusqu’au dernier Amen.
On arrive. Le cérémoniaire m’attend et m’indique les places qui nous ont été réservées : juste derrière les prêtres, face aux mariés, pour être sûres que les enfants voient bien.
Le grand orgue explose. La cérémonie commence. On est parti pour deux heures trente de falbala.
Et là ! Tétanisée, je réalise qu’à chaque mouvement, que dis-je ? à chaque micro mouvement, je fais un bruit de cascade. Les Choco BN sont emballés par deux dans un sachet de papier qui bruisse à la moindre mobilisation. Et dire que tout à l’heure, quand les enfants me les réclameront, il faudra sortir ces sachets de mes poches, les ouvrir, puis les remettre dans mes poches. Aïe, aïe, aïe !!!
Je pense avoir été plus regardée ce jour-là que les mariés eux-mêmes. Depuis, je n’ai plus jamais mangé un Choco BN ni utilisé des friandises emballées.
L



1.    

-          Ça y est je suis prête !
-          Pas moi, j’ai un petit souci…
-          Dépêches toi ! je commence à avoir froid.
-          Ne soit pas si impatiente ! Quelques petites vérifications et je suis à toi.
-          Cela fait longtemps que j’ai senti ces petites bulles parfumées dans mon ventre…
Ça y est tu es prêt à allumer ?
-          Oui, j’arrive ! Roule ma pierre et comble les désirs de cette théière !
-          Merci, cher briquet ! comme toujours, je suis comblée !

(Mots sur les papiers : théière et briquet)



2

Ce que j’aime dans la madeleine
C’est qu’elle produit toujours le même effet
Dès qu’elle entre en scène
Tout le monde est émerveillé

Ce que j’aime dans la madeleine
C’est sa forme bombée
Qui met fin à la haine
Dans la cour de récré

Ce que j’aime dans la madeleine
C’est sa couleur dorée
Qui rappelle le pollen
Ou le jaune des champs de blé

Ce que j’aime dans la madeleine
Au-delà de l’aspect figé
C’est le souvenir qu’elle entraine
Un vrai voyage dans le passé.
 B


 

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