vendredi 29 juillet 2022

Atelier d'écriture du 23 juillet 2022

La ferme Groult à Criquebeuf, Paul Alfred Colin, 1875

Pour cet atelier, nous nous sommes aventurés en dehors de la médiathèque... Il avait lieu au Musée d'Art et d'Histoire de Lisieux, et plus particulièrement dans la salle d'exposition temporaire « Paysages en collections ».

Tout d'abord, nous avons observé les différents tableaux afin d'écrire quelques mots clés qui nous venaient en tête.

Le deuxième exercice consistait à écrire une correspondance entre deux personnes, en s'inspirant d'un des tableau. Le choix de l'époque et de la forme (lettre, mail, sms...) était libre.

Si vous souhaitez visiter l'exposition, elle est toujours visible jusqu'au 18 septembre prochain. L'entrée est gratuite !

Voici les textes qu'elle nous a inspirés...



Camille


Tant à faire, tant à voir

Tous s’affairent autour du lavoir

Les paysans chargent

Leurs attelages patients

Tandis qu’à la marge

L’enfant se détend

Derrière lui, bavards discrets

L’attroupement de canards aux jolis duvets

Les arbres de toute leur hauteur

Laissent percer des douces lueurs

On ressent que la journée défile

Les familles de poules se déplacent en file

 

A droite à gauche partout

Jonchant le sol seau renversé

Dans le toit de chaume un trou

Carriole à l’arrêt, à réparer

Animaux à nourrir

A peine le temps pour les soupirs

 

La vie de la ferme s’avère intense

Derrière ses étendues immenses

Fourmille la vie à l’infini

Oies s’agitant, vache paisible

Paissant tranquille ou aux déplacements en troupe audibles

 

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Mercredi 23 juillet 1875

 

Ma chère mère,

Je n’ai pas réussi à t’attendre pour te dire au revoir. Cette nuit je n’ai pas fermé l’œil. Je raturais les lettres, je jetais mes feuilles emplies de larmes, se déchirant comme mon cœur malheureux. Je redoutais trop de voir tes yeux humides et ta mine s’assombrir. J’ai préféré m’enfuir avant l’aube à pas de loup. Je soupçonne même que je vous ai éveillés et que tu m’auras devinée. Votre chagrin m’est trop insupportable. Je sais qu’une nouvelle vie m’attend grâce à tous vos sacrifices. Je pars en emportant dans mes bagages votre amour précieux et nos souvenirs heureux. Je vous aime pour toujours.

 

 

Dimanche 27 juillet 1875

 

Maman,

Voici quatre jours que je vous ai quittés. C’était au-dessus de mes forces de vous dire adieu et maintenant je m’en veux de ne vous avoir pas serrés dans mes bras une dernière fois.

Durant deux jours et demi nous avons serpenté les flancs de nos collines bien aimées. Leurs paysages familiers défilaient sous mes yeux tels des tableaux à la beauté immuable.

L’approche du bas de la vallée dont grand-père nous décrivait dans ses histoires l’étrangeté et les couleurs bariolées prenait corps très différemment de tout ce que mon imaginaire se représentait.

C’est difficile de trouver quels mots décriraient les architectures singulières des habitations de ces contrées longeant le fleuve. Demain il faudra d’ailleurs embarquer pour le remonter en direction de ma destinée. Que dieu vous protège.

 

 

Mardi 29 juillet 1875

 

Ma petite mère tant aimée,

Je n’ai guère pu t’écrire tant mon cœur chavirait de tout côté dans cette épopée fluviale. J’étais si incommodée par le mouvement incessant des flots que je croyais perdre pied et pire, perdre la raison. Le sol se dérobait sous mon corps tel mon destin en ce moment même me transporte en m’arrachant tout repère solide et tangible.

Je me sens tel un arbre déraciné sans aucune stabilité. Si le décor à l’arrivée était un spectacle somptueux à la clémence du crépuscule tendre, dans un dégradé de nuances orangées se reflétant dans le miroir scintillant, je n’ai su réellement l’apprécier qu’une fois débarquée, malgré qu’il m’a bien fallu quelques minutes, peut-être plus, pour me remettre de mes aventures perturbantes.

Si tu savais comme je regrette amèrement de n’avoir pas persévéré quand mon cousin Yvain tenait à m’apprendre à nager dans notre étang familier où nul danger ne m’apparait aujourd’hui comme significatif.

 

 

Vendredi 1er août 1875

 

Mère,

C’est après moult frayeurs et tristesses qu’hier j’ai pu rejoindre enfin la grand ville qui constitue désormais ma nouvelle maison. Mon accueil fut chaleureux et mon fiancé fait preuve d’une patience touchante. Malgré tout, l’ombre de ma nostalgie qui plane derrière mes tentatives de sourire ne saurait échapper à sa sensibilité manifeste. J’espère ne décevoir ni ses espoirs, ni votre honneur et m’acclimater bientôt à ce nouvel univers qui m’est encore tout neuf.

 

 

Mercredi 13 août 1875

 

Maman,

Ici fourmillent mille et un inconnus s’affairant dans tous les coins de rue. Les boutiques s’enchevêtrent sans discontinuer et rivalisent de diversité. Les vitrines brillantes feraient pâlir les princesses tellement la cité semble regorger de richesses. Mon fiancé voudrait me couvrir de ces biens desquels les femmes élégantes paraissent raffoler. Je ne compte pas ses efforts pour satisfaire à mes aspirations. Néanmoins je n’éprouve guère aucun désir, même en me forçant. Le seul objet auquel je m’accroche et qui m’importe est mon carnet de croquis aux traits de pastel dont je tourne chaque soir les pages avec langueur.

J’ignore si je serai jamais consolable en vérité.

 

 

Jeudi 21 août 1875

 

Ma douce maman,

Voici trois semaines que j’ai rejoint ma nouvelle demeure. Je compte les jours et même les heures. Cela me culpabilise de ne savoir pas comment être heureuse ici et j’ai même peur maintenant que mes écrits ne vous blessent vous ou ma belle-famille charmante au demeurant.

Charles a proposé que je rencontre le meilleur médecin de la ville. Il se plie en quatre et je lui en suis tout à fait gré.

Je vous aime. Que Dieu vous garde.

 

 

Lundi 1er septembre 1875

 

Maman,

Un mois déjà… ma gorge est nouée. Je n’ose plus écrire. J’ai peur que le temps ne parvienne pas lui-même à me guérir. Le mariage approche. Je ne trouve guère l’énergie de me projeter, de participer à l’organiser.

Avec amour.

 

 

Mardi 22 septembre 1875

 

Maman, ma chère maman,

La mélancolie gagne du terrain, je ne réussis plus à la freiner. Le médecin est inquiet. Pardonne-moi de vous inquiéter. Je m’en veux tellement de tous vous blesser, vous décevoir.

 

 

Mercredi… Octobre… de ma dernière année

 

Charles, mère, père,

A vous qui m’aimez et que j’aime. Je ne vous demande nullement de comprendre, de pardonner ni d’accepter seulement mon geste… Mon dramatique et irréversible geste… Ma décision terrible et sans retour… Les mots me manquent. Je suis en proie à la faiblesse. Je cède à la facilité. Je vous quitte pour mieux vous retrouver dans la légèreté du ciel.

 


Mickaël

 

Très chère mère,

Je ne vous écris que trop peu à votre goût, si bien que, je le sais par avance, cette lettre va sûrement vous faire plaisir. Mais ce ne sera qu’une joie de courte durée car la nouvelle qu’elle annonce ne va malheureusement pas vous plaire.

Je vais très prochainement partir pour un très long voyage de l’autre côté de l’océan, sur le nouveau continent.

J’embarque dans deux jours et n’aurai donc pas le temps de rentrer vous saluer avant mon départ.

Mon ami l’irlandais me l’a assuré, là-bas, la fortune nous tend les bras. Je ne peux pas passer à côté d’une telle occasion.

Je vous embrasse.

Votre cher et tendre fils, Mickaël

 


Très chère mère,

Le voyage fut long et parfois très chaotique mais nous sommes bien arrivés.

J’espère que ce courrier n’aura pas moins de chance que nous et qu’il ne sombrera pas suite à une tempête ou autre. Mon ami qui m’avait dit être un marin chevronné n’a pas très bien supporté la traversée.

A l’heure où je vous écris, celui-ci est encore malade. Je vais certainement devoir me débrouiller seul dans un premier temps. Cela me déçoit mais ne m’inquiète pas pour la suite car il est robuste et même si je devais me retrouver seul je n’aurais pas de mal à faire affaire avec les innombrables armateurs présents ici.

J’espère que vous vous portez bien et que vous ne... 

(le texte n'a pas pu être terminé)

 

 

Maïlys 


Mon frère, je suis partie ce matin. Vous dormiez encore, les parents et toi. Je ne pouvais plus supporter le poids du regard méprisant de papa, de la pitié dans les gestes de maman, le poids du vide dans mes entrailles. Il fallait que je souffle un peu. Je pars vers la mer, où tout paraît plus simple, où l’odeur des embruns calmera mes pensées. Où je ne serai plus aux yeux de tous cette jeune mère qui a abandonné son enfant. Je sais que tu comprendras et que tu ne m’en voudras pas. Je te fais confiance pour me couvrir et te donne très vite des nouvelles. Des bisous frangin.

 

Sœurette, je comprends et respecte tes choix. Celui de ton départ comme l’autre. Tu as fait ce dont tu avais besoin, ne portes pas trop d’intérêt au regard des autres. J’espère que l’air de la mer t’apaisera. A bientôt.

 

Frérot, merci pour ta compréhension qui me rassure tant, je sais qu’elle est sincère. Je t’écris ce message face à la mer. Le ciel est noir au-dessus de ma tête, la pluie n’est pas loin et les vagues se déchainent. Finalement les éléments reflètent ma pensée et la mer d’huile que j’avais imaginée pour me calmer n’est pas au rendez-vous. Quand j’ai vu ce temps ce matin je me suis dit que c’était peut-être une connerie d’être venue ici, et finalement là, assise sur le sable, je me sens à ma place. J’attends la pluie comme si elle allait me laver de tous mes souvenirs, me rendre ma page blanche du début, de la naissance. Ma fille, elle, sera une véritable page blanche. Elle grandira sans son passé, mais c’est ce que j’ai de mieux à lui offrir. J’attends la pluie mais je sais qu’elle ne me lavera de rien, c’est sûrement mieux ainsi. Je serai bientôt de retour mon frangin.

 

Tu avais besoin de te vider un peu la tête, mais c’est important que tes souvenirs restent car ils font partie de toi maintenant. Ta fille grandira sans toi mais elle ne sera pas moins aimée. A très bientôt sœurette.

 

Frérot, je suis sur la route du retour. J’ai eu beau attendre la pluie, elle n’est jamais venue. C’est toi qui as raison, cet événement fait partie de moi maintenant, de mon corps, de mes pensées et de mon histoire. La culpabilité est toujours aussi forte mais je sens qu’un jour, je pourrai l’accepter. Rentrer, c’est déjà un pas vers cela. Je serai à la maison vers 15h. Je sais que les parents seront au boulot et que toi tu n’as pas cours. J’aurai bien besoin de se sas de décompression avant d’affronter leurs regards. Je ne devrais pas y porter trop d’intérêt, mais c’est plus facile à dire qu’à faire, comme on dit. Le ressac des vagues m’a tout de même convaincue de leur parler. L'importance de toujours revenir sur le rivage. A tout à l’heure.

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