dimanche 24 janvier 2016

Notre Dame vue par la conteuse Marie Faucher


Peut-être connaissez-vous déjà ce conte?? Si ce n'est pas le cas, lisez-le au pied de la Notre-Dame de votre village. Vous ne la regarderez plus jamais pareil.

See original imageLe livre de Marie faucher est à la Médiathèque De Lisieux. C'est un livre qui n'est pas fait pour être lu mais pour être fréquenté comme un ami proche, secret.
 

Merci au chien qui gronde

In Contes des femmes qui veillent de Marie Faucher au Seuil

Notre-Dame, en haut de la colline, n’a pas que des orants frissonnants à ses pieds. Elle descend parfois pour prendre des nouvelles de ceux d’en bas qui courent dans tous les sens, à mi-chemin, au carrefour où fleurit l’oratoire de Joseph son très chaste époux tout écaillé qui garde depuis des lustres l’enfant figé sur son bras ankylosé. Des vieilles font cercle autour de la grosse pierre sur laquelle elle vient s’asseoir parfois quelques heures d’après-midi, dans sa robe de laine, de la paille fraîche dans ses sabots. Elle n’aime pas trop sa robe d’église, toute grise de vieille poussière, si longue et malcommode, qui lui donne un air niais de femme sans tâche qui n’aurait jamais fait ni la cuisine ni la vaisselle, ni allumé le feu ni pesté quand le bois est trop vert et enfume toute la maison.
On se raconte. On se demande tout bonnement comment faire avec ceux qui font souci. On se donne des recettes et des points de tricot, des bouts de laine, des histoires un peu crues, la Sainte Vierge n’a rien contre, ça lui donne bonne mine de rire un peu du ventre de temps en temps.
Et aujourd’hui est venue Léa, encore si jeune, pour raconter et remercier. Il fallait qu’elle dise, les mains croisées enfoncées dans son giron, les jambes tendues, l’œil droit sur la pointe dressée de ses orteils.
-Mon homme me négligeait, trop fatigué le soir, soir après soir. J’avais tant de colère, de désespoir à tourner en rond et ne voir que le câlin qu’il me donnait toujours et qu’il ne donnait plus. J’en étais comme ivrogne à en perdre la tête, à hurler une rage de bête dans la maison vide que je bousculais. J’avais honte et demandais pardon à cette maison tranquille, mais je gueulais à nouveau dès que j’y étais seule.
Alors un matin que le bonhomme était parti, j’ai décidé. J’ai pris dans ma musette à casse-croûtes le bon couteau pour me couper les veines, et le sachet de mort-aux-rats pour faire meilleur poids, et suis partie à la grande marmite de la rivière où les enfants qui n’ont pas pied font leurs plongeons quand ils n’ont pas école. Je voulais être bien sûre d’aller au bout de mon idée.
Voilà que sur le chemin, le « chien méchant » d’un homme tout ordinaire me barre la route, me tourne autour, me gueule dessus, montre ses crocs et tourne encore, m’enfermant dans son cercle. Son maître m’engueule de faire gueuler son chien et j’enrageais d’être attaquée et qu’on m’engueule.
Le chien m’avait barré la route, son maître m’engueulait, j’ai changé de colère. Alors l’autre est tombée. Notre Dame, j’ai bien su que vous y étiez pour quelque chose. Je me suis réveillée d’un cauchemar. Je voulais vous en dire grand merci.
J’aide le bonhomme dans son ouvrage, ça lui donne un peu de temps pour mon ventre où un petit commence à jouer au ballon.



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