Peut-être connaissez-vous déjà ce conte?? Si ce n'est pas le cas, lisez-le au pied de la Notre-Dame de votre village. Vous ne la regarderez plus jamais pareil.
Le livre de Marie faucher est à la Médiathèque De Lisieux. C'est un livre qui n'est pas fait pour être lu mais pour être fréquenté comme un ami proche, secret.
Merci au chien qui gronde
In Contes des femmes qui veillent de Marie Faucher au Seuil
Notre-Dame, en haut de la colline, n’a pas que des orants
frissonnants à ses pieds. Elle descend parfois pour prendre des nouvelles de
ceux d’en bas qui courent dans tous les sens, à mi-chemin, au carrefour où
fleurit l’oratoire de Joseph son très chaste époux tout écaillé qui garde
depuis des lustres l’enfant figé sur son bras ankylosé. Des vieilles font
cercle autour de la grosse pierre sur laquelle elle vient s’asseoir parfois
quelques heures d’après-midi, dans sa robe de laine, de la paille fraîche dans
ses sabots. Elle n’aime pas trop sa robe d’église, toute grise de vieille
poussière, si longue et malcommode, qui lui donne un air niais de femme sans
tâche qui n’aurait jamais fait ni la cuisine ni la vaisselle, ni allumé le feu
ni pesté quand le bois est trop vert et enfume toute la maison.
On se raconte. On
se demande tout bonnement comment faire avec ceux qui font souci. On se donne
des recettes et des points de tricot, des bouts de laine, des histoires un peu
crues, la Sainte Vierge n’a rien contre, ça lui donne bonne mine de rire un peu
du ventre de temps en temps.
Et aujourd’hui est venue Léa, encore si jeune,
pour raconter et remercier. Il fallait qu’elle dise, les mains croisées
enfoncées dans son giron, les jambes tendues, l’œil droit sur la pointe dressée
de ses orteils.
-Mon homme me négligeait, trop fatigué le soir, soir après
soir. J’avais tant de colère, de désespoir à tourner en rond et ne voir que le
câlin qu’il me donnait toujours et qu’il ne donnait plus. J’en étais comme
ivrogne à en perdre la tête, à hurler une rage de bête dans la maison vide que
je bousculais. J’avais honte et demandais pardon à cette maison tranquille,
mais je gueulais à nouveau dès que j’y étais seule.
Alors un matin que le bonhomme était parti, j’ai décidé. J’ai
pris dans ma musette à casse-croûtes le bon couteau pour me couper les veines,
et le sachet de mort-aux-rats pour faire meilleur poids, et suis partie à la
grande marmite de la rivière où les enfants qui n’ont pas pied font leurs
plongeons quand ils n’ont pas école. Je voulais être bien sûre d’aller au bout
de mon idée.
Voilà que sur le chemin, le « chien méchant » d’un
homme tout ordinaire me barre la route, me tourne autour, me gueule dessus,
montre ses crocs et tourne encore, m’enfermant dans son cercle. Son maître m’engueule
de faire gueuler son chien et j’enrageais d’être attaquée et qu’on m’engueule.
Le chien m’avait barré la route, son maître m’engueulait, j’ai
changé de colère. Alors l’autre est tombée. Notre Dame, j’ai bien su que vous y
étiez pour quelque chose. Je me suis réveillée d’un cauchemar. Je voulais vous
en dire grand merci.
J’aide le bonhomme dans son ouvrage, ça lui donne un peu de
temps pour mon ventre où un petit commence à jouer au ballon.
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