Août 1934, une mutinerie a lieu dans une maison de correction, à Belle-Ile-en-Mer, 30 enfants s’en échappent, fuyant les mauvais traitements. Une prime de 20 francs est offerte à qui attrape un fuyard. Choqué, Jacques Prévert écrit alors son poème « la chasse à l’enfant ».
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements ?
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Il avait dit j'en ai assez de la maison de redressement
Et les gardiens à coup de clefs lui avaient brisé les dents
Et puis ils l'avaient laissé étendu sur le ciment
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant il s'est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes les touristes les rentiers les artistes
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis
Tous les braves gens s'y sont mis
Qu'est-ce qui nage dans la nuit
Quels sont ces éclairs ces bruits
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Rejoindras-tu le continent rejoindras-tu le continent ?
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau.
A partir de ce poème, Gisèle Bienne a construit un roman :
Longtemps, Jack a fui. Il ne s’est pas présenté à un examen, il est descendu d’un train, il a quitté sa famille de gens bien, il s’est évadé d’un internat, d’une maison de correction, d’une caserne, il a passé une frontière.
Il a fui les questions, les étiquettes, les brimades et les embrigadements.
Il a fini par trouver refuge au cœur de la nature.
Il est devenu berger. Taiseux, solitaire et attentif comme les bergers. Respectable comme eux. Il a rebâti une maison, construit ses meubles. Il élève des abeilles. Il veille sur le petit garçon de ses voisins. Il aime les fleurs, les livres et Natacha, une femme douce et rieuse.
Tout est bien qui finit bien.
Mais les voilà qui le rattrapent. Ils ont lancé un détective privé à ses trousses.
Un texte magnifique, qui nous rappelle comme il est violent pour un enfant de ne pas être libre, sans cesse soumis à l'autorité.
Et aussi un long cri de joie face à la liberté.
La chasse à l’enfant de Jacques Prévert, extrait de « Paroles » Éditions Gallimard
La chasse à l’enfant de Gisèle Bienne, collection Médium de l’Ecole des Loisirs
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